Avertissement | Afin de savoir si les décisions recensées sous le règlement Bruxelles I restent pertinentes pour le règlement Bruxelles I bis, applicable à compter du 10/01/2015, il est recommandé de comparer les articles des deux règlements grâce au Tableau Panoramique.

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Concl., 8 févr. 2024, sur Q. préj. (FR), 28 sept. 2022, Real Madrid Club de Fútbol e.a., Aff. C-633/22

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Aff. C-633/22, Concl. M. Szpunar

Real Madrid Club de Fútbol, AE, EE, Société Éditrice du Monde SA

1) Les articles 34 et 36 du règlement Bruxelles I et l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens qu’une condamnation pour l’atteinte à la réputation d’un club sportif par une information publiée par un journal est de nature à porter manifestement atteinte à la liberté d’expression et à constituer ainsi un motif de refus de reconnaissance et d’exécution ?

2) En cas de réponse positive, ces dispositions doivent-elles être interprétées en ce sens que le caractère disproportionné de la condamnation ne peut être retenu par le juge requis que si les dommages-intérêts sont qualifiés de punitifs soit par la juridiction d’origine, soit par le juge requis, et non s’ils sont alloués pour la réparation d’un préjudice moral ?

3) Ces dispositions doivent-elles être interprétées en ce sens que le juge requis ne peut se fonder que sur l’effet dissuasif de la condamnation au regard des ressources de la personne condamnée ou qu’il peut retenir d’autres éléments tels que la gravité de la faute ou l’étendue du préjudice ?

4) L’effet dissuasif au regard des ressources du journal peut-il constituer, à lui seul, un motif de refus de reconnaissance ou d’exécution pour atteinte manifeste au principe fondamental de la liberté de la presse ?

5) L’effet dissuasif doit-il s’entendre d’une mise en danger de l’équilibre financier du journal ou peut-il consister seulement en un effet d’intimidation ?

6) L’effet dissuasif doit-il s’apprécier de la même façon à l’égard de la société éditrice d’un journal et à l’égard d’un journaliste, personne physique ?

7) La situation économique générale de la presse écrite est-elle une circonstance pertinente pour apprécier si, au-delà du sort du journal en cause, la condamnation est susceptible d’exercer un effet d’intimidation sur l’ensemble des médias ?

Conclusions de l'AG M. Szpunar:

L’article 45, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 44/2001 (…), lu en combinaison avec l’article 34, point 1, et l’article 45, paragraphe 2, de celui-ci, ainsi que l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que :

un État membre dans lequel est demandée l’exécution d’une décision rendue dans un autre État membre, portant sur une condamnation d’une société éditrice d’un journal et d’un journaliste pour l’atteinte à la réputation d’un club sportif et d’un membre de son équipe médicale par une information publiée dans ce journal, doit refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire de cette décision lorsque l’exécution de celle-ci conduirait à une violation manifeste de la liberté d’expression garantie à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux. 

Une telle violation existe lorsque l’exécution de ladite décision engendre un effet dissuasif potentiel s’agissant de la participation au débat sur un sujet d’intérêt général tant des personnes visées par la condamnation que d’autres sociétés de presse et journalistes dans l’État membre requis. Un tel effet dissuasif potentiel se manifeste lorsque la somme globale dont le paiement est demandé est manifestement déraisonnable au regard de la nature et de la situation économique de la personne concernée. Dans le cas d’un journaliste, l’effet dissuasif potentiel se présente, en particulier, lorsque cette somme correspond à plusieurs dizaines de salaires minimums standard dans l’État membre requis. Dans le cas d’une société éditrice d’un journal, l’effet dissuasif potentiel doit s’entendre comme une mise en danger manifeste de l’équilibre financier de ce journal. Le juge de l’État membre requis peut tenir compte de la gravité de la faute et de l’étendue du préjudice uniquement pour déterminer si, en dépit du caractère a priori manifestement déraisonnable de la somme globale d’une condamnation, celle-ci est appropriée pour contrecarrer les effets des propos diffamatoires.

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