Saisie

CJUE, 16 juil. 2015, Diageo Brands, Aff. C-681/13

Aff. C-681/13Concl. M. Szpunar

Motif 40 : "À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe de la confiance mutuelle entre les États membres, qui a, dans le droit de l’Union, une importance fondamentale, impose, notamment en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, à chacun de ces États de considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres respectent le droit de l’Union et, tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce droit (...)".

Motif 42 : "Conformément à une jurisprudence bien établie de la Cour, si les États membres restent, en principe, libres de déterminer, en vertu de la réserve inscrite à l’article 34, point 1, du règlement n° 44/2001, conformément à leurs conceptions nationales, les exigences de leur ordre public, les limites de cette notion relèvent de l’interprétation de ce règlement. Dès lors, s’il n’appartient pas à la Cour de définir le contenu de l’ordre public d’un État membre, il lui incombe néanmoins de contrôler les limites dans le cadre desquelles le juge d’un État membre peut avoir recours à cette notion pour ne pas reconnaître une décision émanant d’un autre État membre". 

Motif 48 : "(…) il convient de relever tout d’abord que la circonstance que l’erreur manifeste qui aurait été commise par le juge de l’État d’origine concerne, comme dans l’espèce au principal, une règle du droit de l’Union, et non une règle de droit interne, ne modifie pas les conditions de recours à la clause de l’ordre public au sens de l’article 34, point 1, du règlement n° 44/2001. En effet, il incombe au juge national d’assurer avec la même efficacité la protection des droits établis par l’ordre juridique national et des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Renault, C‑38/98, EU:C:2000:225, point 32)".

Motif 49 : "Il y a lieu ensuite de rappeler que le juge de l’État requis ne saurait, sous peine de remettre en cause la finalité du règlement n° 44/2001, refuser la reconnaissance d’une décision émanant d’un autre État membre au seul motif qu’il estime que, dans cette décision, le droit national ou le droit de l’Union a été mal appliqué. Il importe, au contraire, de considérer que, dans de tels cas, le système des voies de recours mis en place dans chaque État membre, complété par le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE, fournit aux justiciables une garantie suffisante (voir, en ce sens, arrêt Apostolides, C‑420/07, EU:C:2009:271, point 60 et jurisprudence citée).

Motif 50 : " Ainsi, la clause de l’ordre public ne serait appelée à jouer que dans la mesure où ladite erreur de droit impliquerait que la reconnaissance de la décision concernée dans l’État requis entraînerait la violation manifeste d’une règle de droit essentielle dans l’ordre juridique de l’Union et donc dudit État membre."

Motif 51 : "(…) S’il est vrai que le respect des droits conférés par l’article 5 de cette directive au titulaire d’une marque de même que l’application correcte des règles relatives à l’épuisement de ces droits, prévues à l’article 7 de ladite directive, ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, il ne saurait en être déduit qu’une erreur dans la mise en œuvre de ces dispositions heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique de l’Union en tant qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental de celui-ci".

Motif 64 : "Il s’ensuit [du respect du principe de confiance mutuelle] que le règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il repose sur l’idée fondamentale que les justiciables sont tenus, en principe, d’utiliser toutes les voies de recours ouvertes par le droit de l’État membre d’origine. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 64 de ses conclusions, sauf circonstances particulières rendant trop difficile ou impossible l’exercice des voies de recours dans l’État membre d’origine, les justiciables doivent faire usage dans cet État membre de toutes les voies de recours disponibles afin d’empêcher en amont une violation de l’ordre public. Cette règle se justifie d’autant plus lorsque la violation alléguée de l’ordre public découle, comme dans le litige au principal, d’une prétendue violation du droit de l’Union".

Motif 67 : "Dans [les circonstances de l'affaire au principal], il n’apparaît pas que les juridictions bulgares aient manifestement violé le principe de coopération entre les juridictions nationales [la juridiction inférieure n'étant pas tenue de saisir la Cour de justice] et la Cour ni que Diageo Brands ait été privée de la protection garantie par le système des voies de recours mis en place dans cet État membre [Diageo ayant décidé de ne pas former de recours contre le jugement défavorable rendu par la juridiction inférieure], tel que complété par le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE [la cour suprême bulgare étant, elle, tenue de saisir la Cour de justice en cas de doute sur l'interprétation d'un texte relevant du droit de l'Union, sous peine d'engager la responsabilité de la République de Bulgarie]".

Dispositif 1 (et Motifs 52 et 68): "Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 34, point 1, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens que le fait qu’une décision rendue dans un État membre est contraire au droit de l’Union ne justifie pas que cette décision ne soit pas reconnue dans un autre État membre au motif qu’elle viole l’ordre public de ce dernier État dès lors que l’erreur de droit invoquée ne constitue pas une violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’Union et donc dans celui de l’État membre requis ou d’un droit reconnu comme fondamental dans ces ordres juridiques. Tel n’est pas le cas d’une erreur affectant l’application d’une disposition telle que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 89/104.

Lorsqu’il vérifie l’existence éventuelle d’une violation manifeste de l’ordre public de l’État requis, le juge de cet État doit tenir compte du fait que, sauf circonstances particulières rendant trop difficile ou impossible l’exercice des voies de recours dans l’État membre d’origine, les justiciables doivent faire usage dans cet État membre de toutes les voies de recours disponibles afin de prévenir en amont une telle violation."

Motif 77 : "En ce qui concerne l’article 14 de la directive 2004/48, la Cour a déjà jugé que cette disposition vise à renforcer le niveau de protection de la propriété intellectuelle, en évitant qu’une partie lésée ne soit dissuadée d’engager une procédure judiciaire aux fins de sauvegarder ses droits (...)".

Motif 78 : "Eu égard à cet objectif ainsi qu’à la formulation large et générale de l’article 14 de la directive 2004/48, qui se réfère à la «partie ayant obtenu gain de cause» et à la «partie qui succombe», sans ajouter de précision ni fixer de limitation quant à la nature de la procédure à laquelle la règle qu’il édicte doit trouver application, il convient de considérer que cette disposition est applicable aux frais de justice exposés dans le cadre de toute procédure relevant du champ d’application de cette directive".

Motif 79 : "À cet égard, la circonstance que, dans le litige au principal, l’appréciation du caractère justifié ou injustifié de la saisie en cause soulève la question de la reconnaissance ou du refus de reconnaissance d’une décision rendue dans un autre État membre est sans incidence. Une telle question revêt en effet un caractère accessoire et ne modifie pas l’objet du litige".

Dispositif 2 (et Motif 80) : "L’article 14 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens qu’il est applicable aux frais de justice exposés par les parties dans le cadre d’une action en indemnisation, introduite dans un État membre, en réparation du préjudice causé par une saisie effectuée dans un autre État membre, ayant eu pour objet de prévenir une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, lorsque se pose, dans le cadre de cette action, la question de la reconnaissance d’une décision rendue dans cet autre État membre constatant le caractère injustifié de cette saisie.

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 16 avr. 2015, Lutz, Aff. C-557/13

Aff. C-557/13, Concl. M. Szpunar

Motif 27 : À cet égard, s’agissant de la qualité de «droit réel» d’un droit de saisie sur des avoirs bancaires, il y a lieu de préciser que l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1346/2000 mentionne, au nombre des «droits réels» visés à l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, le droit exclusif de recouvrer une créance. En outre, ainsi qu’il ressort du considérant 25 dudit règlement, la justification, la validité et la portée d’un droit réel devraient se déterminer normalement en vertu de la loi du lieu où il est situé.

Motif 28 : Dès lors, il apparaît que le droit résultant de la saisie pratiquée sur les comptes bancaires en cause au principal était effectivement susceptible de constituer un «droit réel» au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, à la condition que ce droit présentât, en vertu du droit national concerné, en l’occurrence le droit autrichien, un caractère exclusif par rapport aux autres créanciers de la société débitrice, ce qu’il incombera à la juridiction de renvoi de vérifier.

Motifs 29 : En outre, en ce qui concerne la question de savoir si le droit résultant de la saisie pratiquée sur les comptes bancaires en cause au principal, à supposer qu’il constitue un «droit réel» au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, est devenu caduc de plein droit du fait de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité contre la société débitrice, il est vrai que l’article 5, paragraphe 4, de ce règlement ne permet d’écarter l’application de l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement que dans l’hypothèse d’une «action» en nullité, en annulation ou en inopposabilité visée à l’article 4, paragraphe 2, sous m), du règlement n° 1346/2000.

Motif 30 : Cependant, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 49 de ses conclusions, la référence figurant, dans la plupart de ses versions linguistiques, à l’article 5, paragraphe 4, du règlement n° 1346/2000 aux «actions» en nullité, en annulation ou en inopposabilité ne permet pas de conclure que le champ d’application de cette disposition serait limité aux seules actions de nature judiciaire. En effet, ladite disposition doit se lire en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, sous m), de ce règlement, qui fait référence de manière générale «aux règles relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité» et non uniquement aux «actions» en nullité, en annulation ou en inopposabilité. Ainsi, pour déterminer si la nullité, l’annulation ou l’inopposabilité d’un acte peut résulter d’une action judiciaire, d’un autre acte juridique ou encore de l’effet de la loi, il convient de se référer à la lex fori concursus, compétente pour déterminer, en application de cet article 4, paragraphe 2, sous m), du règlement n° 1346/2000, les règles relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité.

Insolvabilité (règl. 1346/2000)

CJUE, 16 avr. 2015, Lutz, Aff. C-557/13

Aff. C-557/13, Concl. M. Szpunar

Motif 35 : "(...) interpréter l’article 13 du règlement n° 1346/2000 en ce sens qu’il serait également applicable aux actes intervenus postérieurement à l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité irait au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger la confiance légitime et la sécurité des transactions dans des États différents de celui de l’ouverture de la procédure. En effet, à compter de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, les créanciers du débiteur concerné sont en mesure de prévoir les effets de l’application de la lex fori concursus sur les relations juridiques qu’ils entretiennent avec ce débiteur. Ils ne sauraient donc en principe prétendre, comme l’a relevé à juste titre M. l’avocat général au point 60 des conclusions, à bénéficier d’une protection renforcée".

Motif 36 : "Il y a donc lieu de constater que l’article 13 du règlement n° 1346/2000 n’est, en principe, pas applicable aux actes qui interviennent après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité".

Motif 39 : "En vue d’atteindre cet objectif [de protection des droits réels pour protéger le crédit], l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 dispose que l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité «n’affecte pas» les droits réels relevant du champ d’application de cette disposition. À l’évidence, cette règle vise, notamment, à permettre au créancier de faire valoir, de manière effective, et ce même après l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, un droit réel constitué avant l’ouverture de cette procédure"

Motif 40 : "Or, pour permettre à un créancier de faire valoir utilement son droit réel, il est indispensable que ce créancier puisse procéder, après l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, à la réalisation de ce droit, en principe en application de la lex causae. L’article 5 du règlement n° 1346/2000 présente ainsi la particularité qu’il vise à protéger non seulement des actes accomplis avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité mais également et surtout des actes intervenant après l’ouverture de cette procédure. Il convient d’ajouter à cet égard que si l’article 20, paragraphe 1, de ce règlement prévoit qu’un créancier qui, après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, a obtenu satisfaction totale ou partielle en ce qui concerne sa créance sur des biens du débiteur qui se trouvent sur le territoire d’un État membre autre que l’État d’ouverture doit restituer ce qu’il a obtenu au syndic, cette même disposition précise que le créancier concerné n’est soumis à l’obligation de restitution que «sous réserve», notamment, de l’article 5 dudit règlement. Aussi l’article 20, paragraphe 1, de ce même règlement n’est‑il pas pertinent dans l’affaire au principal".

Motif 42 : "Si l’article 5, paragraphe 4, du règlement n° 1346/2000, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, sous m), de ce règlement, autorise l’introduction d’une action en nullité, en annulation ou en inopposabilité d’un acte ayant pour objet la réalisation d’un droit réel après l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, ces dispositions doivent être interprétées, pour garantir un effet utile à l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement, en ce sens qu’elles n’excluent pas que le créancier puisse invoquer l’article 13 du même règlement pour faire valoir que l’acte concerné est soumis à la loi d’un autre État membre que l’État d’ouverture de la procédure et que cette loi ne permet en l’espèce, par aucun moyen, d’attaquer cet acte".

Dispositif 1) : L’article 13 du règlement (CE) n° 1346/2000 (…), doit être interprété en ce sens qu’il est applicable à une situation dans laquelle le paiement, contesté par un syndic, d’une somme d’argent saisie antérieurement à l’ouverture de la procédure d’insolvabilité n’est intervenu qu’après l’ouverture de cette procédure".

Dispositif 2) : "L’article 13 du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que le régime d’exception qu’il instaure inclut également les délais de prescription, les délais d’exercice de l’action révocatoire et les délais de forclusion qui sont prévus par la loi à laquelle est soumis l’acte contesté par le syndic".

Dispositif 3) : "Les règles de forme à respecter pour l’exercice d’une action révocatoire sont déterminées, aux fins de l’application de l’article 13 du règlement n° 1346/2000, par la loi à laquelle est soumis l’acte contesté par le syndic".

Insolvabilité (règl. 1346/2000)

CJCE, 18 juil. 2007, Tedesco, Aff. C-175/06

Aff. C-175/06Concl. J. Kokott

Conclusions de Mme Kokott, n° 113 : "Des mesures de conservation et de recherche de preuves telles qu’une saisie contrefaçon au sens des articles 128 et 130 du code italien de la propriété industrielle constituent des mesures d’instruction qui relèvent du champ d’application défini par l’article 1er du règlement (CE) nº 1206/2001 (…), que la juridiction d’un État membre doit exécuter à la demande de la juridiction d’un autre État membre pour autant qu’aucun motif de refus n’existe".

Obtention des preuves (règl. 1206/2001)

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