Aff. C-272/18, concl. H. Saugmandsgaard Øe
Motif 47 : "En l’occurrence, il y a lieu de constater que, en application d’un contrat de fiducie tel que ceux en cause au principal, l’administrateur fiduciaire effectue une activité consistant à gérer la chose placée en fiducie, en contrepartie d’une rémunération. Dès lors, un tel contrat doit être considéré comme ayant pour objet une fourniture de services, au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention de Rome et de l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement Rome I".
Motif 48 : "S’agissant, d’autre part, du pays dans lequel les services dus au consommateur doivent être fournis, il convient de déterminer, tout d’abord, si cette question est préalable à la désignation de la loi régissant le contrat ou si elle relève de cette dernière".
Motif 49 : "Or, comme l’a exposé M. l’avocat général au point 71 de ses conclusions, la question du lieu de fourniture des services dus au consommateur vise à déterminer la loi applicable au contrat et doit, dès lors, être tranchée préalablement à la désignation de celle-ci".
Motif 51 : "Ainsi, sauf à permettre à un prestataire, tel que TVP, de choisir, au détriment de l’objectif de protection des consommateurs, la loi applicable en recourant à une clause contractuelle déterminant le lieu de fourniture, l’exclusion en cause ne saurait être interprétée en ce sens que les termes « doivent être fournis », au sens de l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement Rome I, se réfèrent à l’obligation contractuellement fixée de réaliser la prestation de services en un lieu déterminé. Comme l’a relevé M. l’avocat général au point 76 de ses conclusions, il importe de vérifier s’il résulte de la nature même des services convenus que ceux-ci ne peuvent être fournis, dans leur ensemble, qu’en dehors de l’État de résidence habituelle du consommateur".
Motif 52 : "Lorsque, comme le prévoient les contrats en cause au principal, le lieu de réalisation matérielle de la prestation se situe dans un pays différent de celui dans lequel le consommateur en bénéficie, il doit être considéré que les services ne sont fournis « exclusivement » en dehors de l’État membre de résidence habituelle du consommateur que lorsque ce dernier n’a aucune possibilité d’en percevoir le bénéfice dans son État de résidence et doit se rendre à l’étranger à cette fin".
Dispositif 2 (et motif 53) : "L’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles et l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 593/2008 doivent être interprétés en ce sens que ne relève pas de l’exclusion prévue à ces dispositions un contrat de fiducie en application duquel les services qui sont dus au consommateur doivent être fournis, à distance, dans le pays de résidence habituelle de celui-ci depuis le territoire d’un autre pays".
Aff. C-272/18, Concl. H. Saugmandsgaard Øe
Partie requérante: Verein für Konsumenteninformation
Partie défenderesse: TVP Treuhand- und Verwaltungsgesellschaft für Publikumfonds mbH & Co KG
1) L’exclusion du champ d’application prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous e), de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (ci-après la «convention de Rome») et l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I, ci-après le «règlement Rome I») vise-t-elle également des accords conclus entre un constituant et un administrateur qui détient en fiducie pour ledit constituant une participation dans une société en commandite, notamment lorsqu’il y a une imbrication entre les statuts de la société et le contrat de fiducie?
2) En cas de réponse négative à la première question:
L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (ci-après la «directive concernant les clauses abusives») doit-il être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de fiducie relatif à la gestion d’une participation en commandite, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et en vertu de laquelle le droit applicable est celui de l’État du siège de la société en commandite, est abusive, lorsque le seul objet du contrat de fiducie est la gestion de ladite société en commandite et que le constituant a les droits et les obligations d’un associé direct?
3) En cas de réponse affirmative à la première ou à la deuxième question:
La réponse est-elle différente si, pour fournir les prestations de services dont il est redevable, le professionnel n’a pas à se rendre dans l’État du consommateur mais est tenu de transférer au consommateur les versements de dividendes et autres avantages patrimoniaux issus de la participation, ainsi que de lui transmettre des informations relatives au déroulement de l’activité de la [société dans laquelle il détient une] participation? La question de l’applicabilité du règlement Rome I ou de la convention de Rome importe-t-elle à cet égard?
4) En cas de réponse affirmative à la troisième question:
Cette réponse reste-t-elle valable lorsque, de surcroît, la demande de souscription du consommateur a été signée dans l’État de résidence de celui-ci, le professionnel fournit des informations sur la participation également sur Internet et un compte de paiement a été mis en place dans l’État du consommateur, sur lequel ce dernier doit verser le montant de la participation, bien que le professionnel ne soit pas habilité à disposer de ce compte bancaire? La question de l’applicabilité du règlement Rome I ou de la convention de Rome importe-t-elle à cet égard?
Conclusions de l'AG H. Saugmandsgaard Øe :
"1) L’article 1er, paragraphe 2, sous e), de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, et l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement (CE) n° 593/2008 (…), doivent être interprétés en ce sens que l’exclusion qu’ils prévoient, relative aux « questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales », ne s’applique pas à des obligations contractuelles trouvant leur source dans un contrat de fiducie ayant pour objet la gestion d’une participation dans une société en commandite.
2) L’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, et l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 593/2008 doivent être interprétés en ce sens que l’exclusion qu’ils prévoient, relative au « contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle », ne s’applique pas à un contrat de fiducie dans le cadre duquel des services sont fournis par le professionnel au consommateur, dans le pays de résidence habituelle de ce dernier, à distance depuis le territoire d’un autre pays.
3) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de fiducie, conclu entre un professionnel et un consommateur, relatif à la gestion d’une participation dans une société en commandite, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et en vertu de laquelle le droit applicable est celui de l’État membre du siège du professionnel et de cette société, est abusive, au sens de cette disposition, dès lors qu’elle n’informe pas le consommateur du fait que, nonobstant ce choix, il bénéficie également, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ou de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 593/2008, de la protection que lui assurent les dispositions impératives du droit qui serait applicable en l’absence de cette clause".