Aff. C-421/20, Concl. M. Szpunar
Motif 44 : "[L’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007] ne saurait, dans un cas où la contrefaçon ou la menace de contrefaçon pouvant être examinée se situe sur le territoire d’un seul État membre, être comprise comme visant l’applicabilité du droit d’un autre État membre ou de celui d’un pays tiers. La loi applicable étant, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007, celle qui est en vigueur sur le lieu d’une telle atteinte, cette loi coïncide, dans le cas d’une action en contrefaçon introduite en vertu de l’article 82, paragraphe 5, du règlement n° 6/2002 et portant, dès lors, sur des faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire d’un seul État membre, avec le droit de cet État membre".
Motif 45 : "S’il ne saurait être exclu qu’il ait également été porté atteinte au dessin ou modèle communautaire en cause dans d’autres États membres ou dans des pays tiers, toujours est-il que ces éventuelles atteintes ne font pas l’objet du litige introduit en vertu de l’article 82, paragraphe 5, du règlement n° 6/2002. Les objectifs de sécurité juridique et de prévisibilité, mis en exergue aux considérants 14 et 16 du règlement n° 864/2007, seraient méconnus si les termes « pays dans lequel il a été porté atteinte » au dessin ou modèle communautaire invoqué étaient interprétés comme désignant un pays dans lequel ont eu lieu des faits de contrefaçon qui ne font pas l’objet du litige en cause".
Motif 49 : "[L’interprétation adoptée dans l’arrêt Nintendo, au profit d’une loi unique] ne saurait être transposée au cas où le titulaire d’un dessin ou modèle communautaire introduit non pas une action en vertu de cet article 82, paragraphe 1, 2, 3 ou 4, mais choisit d’introduire une ou plusieurs actions ciblées, visant chacune des actes de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire d’un seul État membre, en vertu du paragraphe 5 dudit article. Dans ce dernier cas, il ne saurait être exigé du tribunal saisi qu’il vérifie s’il existe, sur le territoire d’un État membre autre que celui sur lequel porte l’action, un acte de contrefaçon initial et qu’il se fonde sur cet acte pour appliquer la loi de cet autre État membre, alors même que tant ledit acte que le territoire dudit État membre ne sont pas concernés par le litige en cause".
Motif 50 : "Il convient encore d’ajouter que le titulaire du dessin ou modèle communautaire ne saurait, par rapport aux mêmes faits de contrefaçon, cumuler des actions fondées sur le paragraphe 5 de l’article 82 du règlement n° 6/2002 et sur les autres paragraphes de cet article (voir, par analogie, arrêt du 5 septembre 2019, AMS Neve e.a., C 172/18, EU:C:2019:674, points 40 et 41). Il ne risque, dès lors, pas d’y avoir de situation où des demandes annexes d’une action en contrefaçon ayant le même objet seraient examinées dans le cadre de plusieurs procédures sur le fondement de différentes lois".
Dispositif : "L’article 88, paragraphe 2, et l’article 89, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, ainsi que l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 864/2007 (…) (« Rome II »), doivent être interprétés en ce sens que les tribunaux des dessins ou modèles communautaires saisis d’une action en contrefaçon en vertu de l’article 82, paragraphe 5, du règlement n° 6/2002, visant des actes de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire d’un seul État membre, doivent examiner les demandes annexes de cette action, tendant à l’octroi de dommages et intérêts, à la présentation de renseignements, de documents et de comptes, ainsi qu’à la remise des produits de contrefaçon en vue de leur destruction, sur le fondement du droit de l’État membre sur le territoire duquel les actes portant prétendument atteinte au dessin ou modèle communautaire invoqué ont été commis ou menacent d’être commis, ce qui coïncide, dans les circonstances d’une action introduite en vertu dudit article 82, paragraphe 5, avec le droit de l’État membre dans lequel ces tribunaux sont situés".
Aff. C-421/20, Concl. M. Szpunar
Partie demanderesse: Acacia Srl
Partie défenderesse: Bayerische Motoren Werke Aktiengesellschaft
1) En cas de contrefaçon d’un dessin ou modèle communautaire, le juge de la contrefaçon ayant compétence internationale au titre du lieu de commission du fait de contrefaçon en vertu de l’article 82, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, peut-il appliquer la loi nationale de l’État membre de son siège (la lex fori) à des demandes annexes visant le territoire de cet État membre?
2) En cas de réponse négative à la première question: pour déterminer la loi applicable aux demandes annexes en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 864/2007 (…), le «lieu de commission de l’acte de contrefaçon initial» au sens de l’arrêt du 27 septembre 2017, Nintendo (C-24/16 et C-25/16), peut-il également se situer dans l’État membre dans lequel se trouvent des consommateurs auxquels s’adresse une publicité en ligne et sont mis sur le marché des objets portant atteinte aux droits conférés par le dessin ou modèle communautaire au sens de l’article 19 du règlement n° 6/2002 lorsque l’action introduite dans cet État membre vise uniquement la proposition à la vente et mise sur le marché des produits en cause, y compris dans le cas où les offres sur Internet à l’origine de la proposition à la vente et de la mise sur le marché ont été formulées dans un autre État membre?
Conclusions de l'AG M. Szpunar :
"1) L’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 864/2007 (…) (« Rome II ») et l’article 88, paragraphe 2, et l’article 89, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un tribunal d’un État membre est saisi au titre de l’article 82, paragraphe 5, de ce dernier règlement d’une action en contrefaçon d’un titulaire établi dans cet État membre contre un auteur de contrefaçon établi dans un autre État membre, qui vise la proposition à la vente et la mise sur le marché de ce premier État membre des produits en cause, il s’agit d’une situation comportant un conflit de lois au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 864/2007 et, en conséquence, l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement désigne la loi applicable aux demandes annexes visant le territoire de cet État membre.
2) L’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007 doit être interprété en ce sens que, en ce qui concerne la détermination de la loi applicable aux demandes annexes à cette action en contrefaçon, la notion de « pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit », au sens de cette disposition, vise le pays du lieu où l’acte de contrefaçon initial, qui est à l’origine du comportement reproché, a été commis."