1. Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue:
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.
Aff. 25/75, Concl. F. Capotorti
Motif 6 : "La clause écrite attributive de juridiction figurant dans un contrat de travail est, de par sa nature, une option de compétence qui n’a pas d’effet juridique tant qu’une instance judiciaire n’est pas déclenchée et qui ne tire à conséquence qu’au jour où l’action judiciaire est mise en mouvement. C’est donc à cette date qu’il faut se placer pour en apprécier la portée au regard de la règle de droit s’appliquant à cette époque.
L’action judiciaire ayant été engagée le 27 novembre 1973, c’est la convention qui s’applique en vertu de son article 54. Il résulte, en effet, de cet article que la seule condition nécessaire et suffisante pour que le régime de la convention s’applique à l’égard de litiges relatifs à des rapports de droit nés avant la date d’entrée en vigueur de la convention est que l’action judiciaire ait été introduite postérieurement à cette date, ce qui est le cas de l’espèce".
Dispositif : "Les articles 17 et 54 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (…) doivent être interprétés en ce sens que, dans les actions judiciaires introduites après l’entrée en vigueur de la convention, les clauses attributives de juridiction, stipulées dans les contrats de travail conclus antérieurement à cette entrée en vigueur, doivent être tenues pour valables, même dans le cas ou elles auraient été considérées comme nulles selon les règles nationales en vigueur au moment de la conclusion du contrat".
- Dans la même affaire : Soc., 4 juin 1980, n° 77-40043
JDI 1980. 426, obs. A. Huet
D. 1980. 544, note J. Mestre
Aff. 23/78, Concl. F. Capotorti
Motif 5 : "(…) l’article 17 se réfère, dans ses termes, à la désignation, par les parties au contrat, d’une seule juridiction, ou des juridictions d’un seul Etat ; que cette formulation, inspirée de la pratique la plus courante dans la vie des affaires, ne saurait cependant être interprétée comme visant à exclure la possibilité, pour les parties, de designer deux ou plusieurs juridictions en vue du règlement de litiges éventuels ; que cette interprétation se justifie par la considération que l’article 17 se fonde sur la reconnaissance de l’autonomie de la volonté des parties en matière d’attribution de compétence aux juridictions appelées à connaître de litiges relevant du champ d’application de la convention, autres que ceux qui sont expressément exceptés en vertu de l’alinéa 2 de l’article 17 ;
qu’il doit en être tout particulièrement ainsi dans un cas ou, par une telle clause, les parties ont attribué compétence, réciproquement, aux juridictions désignées par la règle générale de l’article 2 de la convention ; qu’en dépit de cette coïncidence, une telle clause conserve toujours un effet utile en ce sens qu’elle a pour conséquence d’exclure, dans les rapports entre parties, d’autres attributions de compétence facultatives, telles qu’on les trouve aux articles 5 et 6 de la convention".
Dispositif 1 : "L'article 17, alinéa 1, de la convention du 27 septembre 1968 (…) ne saurait être interprété comme excluant une clause contractuelle selon laquelle chacune des deux parties à un contrat de vente, qui ont leur domicile dans des Etats différents, ne peut être attraite que devant les tribunaux de son Etat".
JDI 1979. 663, note A. Huet
Rev. crit. DIP 1981. 127 (1e esp.), note H. Gaudemet-Tallon
Motifs : "Attendu que la cour d’appel a constaté que la clause attributive de juridiction donnant « compétence exclusive aux tribunaux de la ville de Luxembourg, à moins que la banque ne préfère choisir ceux du siège social » de l’emprunteur, a été stipulée entre deux sociétés de droit luxembourgeois, domiciliées au Luxembourg et relevant du même tribunal d’arrondissement, dans un contrat dont le caractère international résultait de l’affectation au profit de la banque, en garantie du prêt consenti, d’un compte d’instruments financiers ouvert dans un établissement bancaire français…".
Motifs : "Attendu que la société MJA, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société eBizcuss, fait grief à l’arrêt d’accueillir l’exception d’incompétence, alors, selon le moyen : [...]
2°/ en toute hypothèse, que la clause attributive de juridiction permettant à une partie de porter potentiellement ses demandes devant les juridictions d’un Etat tiers n’entre pas dans le champ d’application de l’article 23 du Règlement (CE) 44/2001 du 22 décembre 2000 ; qu’en décidant que la clause d’élection de for stipulée aux contrats conclus entre la société eBizcuss et la société Apple entrait dans le champ d’application de cet article motif pris qu’en l’espèce, la clause désignait les juridictions irlandaises, quand il lui appartenait d’apprécier in abstracto si la clause rentrait dans le champ d’application de l’article 23, la cour d’appel a violé l’article susvisé ;
Mais attendu qu’ayant relevé que la clause d’élection de for imposait à la société eBizcuss d’agir devant les juridictions irlandaises tandis qu’était réservée à son cocontractant, de manière optionnelle, la faculté de saisir une autre juridiction, la cour d’appel en a exactement déduit que cette clause, qui permettait d’identifier les juridictions éventuellement amenées à se saisir d’un litige opposant les parties à l’occasion de l’exécution ou de l’interprétation du contrat, répondait à l’impératif de prévisibilité auquel doivent satisfaire les clauses d’élection de for ; que le moyen n’est pas fondé sur ce point".
JCP 2015, 1322, note L. Idot
RTD civ. 2015, p. 844, obs. L. Usunier
Procédures 2015, comm. 358, obs. C. Nourissat
JCP E 2016, 1087, note M.-E. Ancel et L. Marion
Gaz. Pal. 2015, n° 318, p. 19, note C. Dupoirier et V. Bouvard
JCP 2015, n° 1123, obs. F. Mailhé
Dans la même affaire : Civ. 1e, 30 janv. 2013, n° 11-24723 [Conv. Lugano I]
Motifs : "(…) ayant énoncé, à bon droit, que l'article 17 de la Convention de Lugano reconnaît la validité d'une clause attributive de juridiction aux seules conditions que l'une des parties au moins soit domiciliée dans un Etat signataire [en l'espèce, en Suisse] et que la juridiction désignée soit celle d'un Etat contractant [en l'espèce, les "tribunaux de Paris"], la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche [relative au caractère international de la situation] que ces énonciations rendaient inutile, a légalement justifié sa décision en retenant la validité de la clause attributive de compétence litigieuse".
Gaz. Pal. 2015, n° 314, p. 35, obs. J. Morel-Maroger
Motif : "l'article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 (…) reconnaît la validité de la clause attributive de juridiction aux seules conditions que l'une des parties au moins soit domiciliée sur le territoire d'un Etat membre et que la juridiction désignée soit celle d'un Etat membre ; qu'ayant constaté que les parties étaient domiciliées sur le territoire d'Etats membres différents, la cour d'appel a, par ce seul motif, faisant ressortir un élément d'extranéité suffisant à établir le caractère international du contrat, légalement justifié sa décision ; que le moyen [qui mettait notamment en avant l'existence d'une succursale de la société anglaise en France, l'objet du contrat qui consistait en l'acquisition de parts sociales d'une société française et le choix d'une juridiction française au titre de l'élection de for] n'est pas fondé".
Rev. societes 2015. 128, note M. Menjucq
AJCA 2014. 377, obs. F. Jault-Seseke
D. 2014. 2196, obs. J. Lecaroz
JDI 2015. 646, note A. Sinay-Cytermann
Motif : "Attendu que, pour déclarer la juridiction suisse compétente en application de l'article 42, alinéa 1er, du code de procédure civile, la cour d'appel, après avoir relevé que le seul élément d'extranéité par rapport au droit français était la résidence en Suisse de l'une des parties [les deux parties étant françaises et l'autre ayant son siège en France], en a déduit que la Convention de Lugano n'était pas applicable ; Qu'en statuant ainsi, alors que, même s'il s'agissait d'une clause attributive de juridiction conclue entre non commerçants, l'article 17 de la Convention de Lugano était applicable dès lors que M. X... était domicilié en Suisse, la cour d'appel a violé les textes susvisés…"
RJ com 2013. 217, obs. P. Berlioz
RJ com 2013. 172, obs. G. Deharo
Gaz. Pal. 12 avr. 2013, p. 38, obs. J. Morel-Maroger
RDAI/IBLJ 2013. 499, obs. M. Muller
Motif : "Attendu que, pour dire le tribunal d'instance de Montpellier compétent, l'arrêt attaqué retient que le contrat de vente [portant sur un chat persan] est rédigé en anglais et qu'il n'est pas démontré que Mme X..., non commerçante, a apprécié la présence de la clause attributive de juridiction, placée à la dernière ligne du contrat et non spécifiée de manière très apparente contrairement aux prescriptions de l'article 48 du nouveau code de procédure civile ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les parties étaient, à la date de la convention, domiciliées sur le territoire d'Etats communautaires [en France et en Allemagne], que la situation était internationale et que la clause, rédigée par écrit, relative à un rapport de droit déterminé, désignait les tribunaux d'un Etat communautaire [tribunaux de Viersen, en Allemagne], la cour d'appel a ajouté [à l'article 23 du règlement Bruxelles I] une condition qu'il ne comporte pas et l'a ainsi violé".
RDC 2008. 900, obs. P. Deumier
D. 2008. 2560, obs. S. Bollée
JCP 2008. II. 10092, note C. Boismain
Motif : "L'application de l'article 17 de la convention de Bruxelles, modifiée, du 27 septembre 1968 est subordonnée à la reconnaissance du caractère international de la situation qui s'apprécie, pour des motifs de sécurité juridique, au moment de la conclusion de la clause attributive de juridiction ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que si le contrat de sous-traitance avait été signé avec une société ayant son siège en Allemagne, ce qui constituait le seul élément d'extranéité, l'opération de construction devait être réalisée en France, au profit de sociétés françaises, par l'intermédiaire de l'établissement de la société Keller en France, lequel est devenu une société de droit français pour la poursuite de ses activités et, enfin, que la clause d'élection de for désignait une juridiction française, de sorte que, dans la commune volonté des parties, la situation n'avait pas de caractère international ; qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que la cour d'appel a décidé que l'article 17 de la convention de Bruxelles n'était pas applicable au litige".
Gaz. Pal., 25 févr. 2006, n° 56, p. 24, obs. M.-L. Niboyet
JDI 2006. 169, note J.-M. Jacquet
Rev. crit. DIP 2006. 413, note M. Audit
RTD com 2006, p. 252, obs. P. Delebecque
Adde : M.-E. Ancel, L'internationalité à la lumière de la clause d'electio fori, Mélanges Jacques Foyer, Economica, 2008, p. 21
Dans la même affaire : CJCE, 13 nov. 1979, Sanicentral, Aff. 25/79
Motifs : "Vu les articles 17 et 54 de la convention (...) signée à Bruxelles le 27 septembre 1968 et publiée en France suivant le décret n° 73-63 du 13 janvier 1973 ; vu également les arrêts de la cour de cassation (chambre sociale), du 10 janvier 1979, et de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 novembre 1979 ; attendu qu'il résulte des deux premiers de ces textes que si les parties ont, par convention, désigné un tribunal d'un Etat contractant pour connaître de leurs différends, ce tribunal est seul compètent et que les dispositions de ladite convention ne sont applicables qu'aux actions judiciaires intentées postérieurement à son entrée en vigueur ;
(...)
Attendu, cependant que selon l'arrêt susvisé de la Cour de justice des Communautés européennes, les articles 17 et 54 de la convention de Bruxelles "doivent être interprétés en ce sens que dans les actions judiciaires introduites après l'entrée en vigueur de la convention, les clauses attributives de juridiction, stipulées dans les contrats de travail conclus antérieurement à cette entrée en vigueur, doivent être tenues pour valables, même dans le cas où elles auraient été considérées comme nulles selon les règles nationales en vigueur au moment de la conclusion du contrat" ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que Collin avait intenté son action postérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er février 1973, de la convention de Bruxelles, et que la clause attribuant compétence à une juridiction allemande devait être tenue pour valable, la cour d'appel a violé les textes susvisés".