Aux fins du présent règlement, on entend par:
1) "compte bancaire" ou "compte", tout compte contenant des fonds, détenu auprès d’une banque au nom du débiteur ou au nom d’un tiers pour le compte du débiteur;
2) "banque", un établissement de crédit au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 1), du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil1, y compris les succursales, au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 17), dudit règlement, d’établissements de crédit ayant leur administration centrale à l’intérieur ou, conformément à l’article 47 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil2, à l’extérieur de l’Union lorsque ces succursales sont situées dans l’Union;
3) "fonds", de l’argent porté au crédit d’un compte dans n’importe quelle monnaie, ou des créances similaires ouvrant droit à la restitution d’argent, tels que des dépôts sur le marché monétaire;
4) "État membre dans lequel le compte bancaire est tenu":
a) l’État membre indiqué dans le numéro IBAN (identifiant international de compte bancaire) du compte; ou
b) pour un compte bancaire ne comportant pas d’IBAN, l’État membre dans lequel la banque auprès de laquelle le compte est détenu a son administration centrale ou, si le compte est détenu auprès d’une succursale, l’État membre dans lequel la succursale est située;
5) "créance", un droit au paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminé qui est devenue exigible ou un droit au paiement d’une somme d’argent d’un montant déterminable découlant d’une transaction ou d’un événement qui a déjà eu lieu, pour autant que cette créance puisse être produite en justice;
6) "créancier", une personne physique domiciliée dans un État membre ou une personne morale domiciliée dans un État membre ou toute autre entité domiciliée dans un État membre ayant la capacité juridique d’ester en justice au titre du droit d’un État membre, qui sollicite, ou a déjà obtenu, une ordonnance de saisie conservatoire concernant une créance;
7) "débiteur", une personne physique ou une personne morale ou toute autre entité ayant la capacité juridique d’ester en justice au titre du droit d’un État membre, à l’égard de laquelle le créancier cherche à obtenir, ou a déjà obtenu, une ordonnance de saisie conservatoire concernant une créance;
8) "décision", toute décision rendue par une juridiction d’un État membre quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, y compris une décision sur la fixation par le greffier du montant des frais du procès;
9) "transaction judiciaire", une transaction qui a été approuvée par une juridiction d’un État membre ou conclue devant une juridiction d’un État membre en cours de procédure;
10) "acte authentique", un acte dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans un État membre et dont l’authenticité:
a) porte sur la signature et le contenu de l’acte; et
b) a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à le faire;
11) "État membre d’origine", l’État membre dans lequel l’ordonnance de saisie conservatoire a été délivrée;
12) "État membre d’exécution", l’État membre dans lequel est tenu le compte bancaire devant faire l’objet de la saisie conservatoire;
13) "autorité chargée de l’obtention d’informations", l’autorité qu’un État membre a désignée comme étant compétente aux fins de l’obtention des informations nécessaires sur le ou les comptes du débiteur en vertu de l’article 14;
14) "autorité compétente", l’autorité ou les autorités qu’un État membre a désignées comme étant compétentes pour la réception, la transmission, la signification ou la notification en vertu de l’article 10, paragraphe 2, de l’article 23, paragraphes 3, 5 et 6, de l’article 25, paragraphe 3, de l’article 27, paragraphe 2, de l’article 28, paragraphe 3, et de l’article 36, paragraphe 5, deuxième alinéa;
15) "domicile", le domicile déterminé conformément aux articles 62 et 63 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil3.
Aff. C‑555/18, concl. M. Szpunar
Motif 37 : "Afin de déterminer si la juridiction qui a rendu une décision d’injonction de payer sur le fondement du droit national est également compétente pour délivrer une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires [conformément à l'article 6 § 4 du règlement], il y a lieu de vérifier si la « décision », la « transaction judiciaire » ou l’« acte authentique », que le créancier a obtenus dans l’État membre d’origine, doivent, au sens du règlement no 655/2014, être pourvus de force exécutoire".
Motif 40 : "Concernant l’analyse du contexte dans lequel s’inscrit ladite disposition, l’article 7 du règlement no 655/2014, lu en combinaison avec le considérant 14 de celui-ci, vise à établir un juste équilibre entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur, en ce qu’il prévoit des conditions différentes pour la délivrance de l’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires selon que le créancier a déjà obtenu ou non un titre exigeant du débiteur le paiement de sa créance dans l’État membre d’origine. En particulier, dans le premier cas, le créancier ne doit démontrer que le caractère urgent de la mesure du fait de l’existence d’un danger imminent, tandis que, dans le second cas, il doit également convaincre la juridiction du fumus boni iuris".
Motif 41 : "Comme M. l’avocat général l’a souligné aux points 68 et 69 de ses conclusions, une interprétation de l’article 4, points 8 à 10, du règlement no 655/2014, selon laquelle le titre obtenu par le créancier qui n’est pas exécutoire dans l’État membre d’origine constituerait une « décision », un « acte authentique » ou une « transaction judiciaire », au sens de ladite disposition, serait susceptible de porter atteinte à l’équilibre visé au point précédent du présent arrêt".
Motif 42 : "Par ailleurs, cette interprétation est corroborée par le libellé de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 655/2014, lu en combinaison avec son considérant 20, qui prévoit que la demande d’obtention d’informations sur les comptes bancaires du débiteur peut être introduite en présence notamment d’un titre exécutoire. Une telle demande peut être fondée sur un titre non exécutoire à titre d’exception et seulement si certaines conditions plus strictes sont remplies".
Motif 43 : "Les travaux préparatoires du règlement no 655/2014 confirment également une telle interprétation. La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale [COM(2011) 445 final], distinguait, d’une part, le cas dans lequel le créancier dispose déjà d’une décision, d’une transaction judiciaire ou d’un acte authentique exécutoire dans l’État membre d’exécution et, d’autre part, celui où le créancier n’a pas encore engagé de procédure judiciaire sur le fond ou lorsqu’il a obtenu un titre contre le défendeur qui est exécutoire dans l’État membre d’origine, mais qui n’a pas encore été déclaré exécutoire dans l’État membre d’exécution."
Motif 44 : "Or, cette distinction entre le caractère exécutoire des titres dans l’État membre d’origine et dans l’État membre d’exécution a été abandonnée par le législateur de l’Union et les conditions de délivrance de l’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires qui avaient été envisagées dans l’hypothèse où le créancier détiendrait déjà un titre exécutoire dans l’État membre d’origine ont été transférées de cette hypothèse à celle où le créancier détient un titre exigeant du débiteur le paiement de la créance. Ainsi, il ressort de l’analyse des travaux préparatoires du règlement no 655/2014 que, afin de pouvoir être considéré comme une « décision », une « transaction judiciaire » ou un « acte authentique », au sens dudit règlement, ce titre doit être exécutoire dans l’État membre d’origine".
Dispositif 1 (et motif 45) : "L’article 4, point 10, du règlement (UE) no 655/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’une injonction de payer, telle que celle en cause au principal, qui n’est pas exécutoire, ne relève pas de la notion d’« acte authentique », au sens de cette disposition".
Aff. C-555/18, Concl. M. Szpunar
Partie requérante: K. N. K.
Partie défenderesse: V. A. S., E. E. K.
1) Une injonction de payer au titre de l’article 410 du grazhdanski protsesualen kodeks (code de procédure civile bulgare) non encore exécutoire constitue-t-elle un acte authentique au sens de l’article 4, point 10, du règlement (UE) n° 655/2014 (…) ?
2) Si l’injonction au titre de l’article 410 du grazhdanski protsesualen kodeks (code de procédure civile bulgare) ne constitue pas un acte authentique, y a-t-il lieu d’ouvrir une procédure distincte, sur la demande du créancier, différente de la procédure au titre de l’article 5, sous a), du règlement (UE) n° 655/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014 ?
3) Si l’injonction au titre de l’article 410 du grazhdanski protsesualen kodeks (code de procédure civile bulgare) constitue un acte authentique, le tribunal doit-il se prononcer, dans le délai visé à l’article 18, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 655/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, s’il existe une disposition du droit national selon laquelle les délais cessent de courir pendant les vacances judiciaires ?
Conclusions de l'AG M. Szpunar :
"L’article 4, point 10, du règlement (UE) nº 655/2014 (…), doit être interprété en ce sens qu’une ordonnance d’injonction de payer telle que celle en cause au principal ne constitue pas un acte authentique au sens de ce règlement dans la mesure où le contenu de celle-ci, en faisant abstraction du bien-fondé de la créance, se résume en l’obligation pour le débiteur de désintéresser le créancier et, en conséquence, l’authenticité de cet acte ne porte pas sur le contenu de celui-ci au sens souhaité par le législateur de l’Union.
Dans le système du règlement nº 655/2014, un titre doit être exécutoire dans l’État membre où il a été rendu, approuvé, conclu ou établi afin de pouvoir considérer que le créancier a obtenu un titre (une décision, une transaction judiciaire, un acte authentique) exigeant du débiteur le paiement de la créance, au sens de l’article 5, sous b), de ce règlement".