1. Lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer.
2. Lorsque ces demandes sont pendantes au premier degré, la juridiction saisie en second lieu peut également se dessaisir, à la demande de l'une des parties, à condition que le tribunal premier saisi soit compétent pour connaître des demandes en question et que sa loi permette leur jonction.
3. Sont connexes, au sens du présent article, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.
Aff. C-406/92, Concl. G. Tesauro
Motif 52 : "(...) En outre, l'expression "connexité" ne couvrant pas la même notion dans chacun des États contractants, l'article 22, troisième alinéa, énonce les éléments d' une définition (...). Il faut donc en conclure que la notion de connexité définie dans cette disposition doit être interprétée de manière autonome".
Motif 53 : "Afin de satisfaire l'objectif d' une bonne administration de la justice, cette interprétation doit être large et comprendre tous les cas où il existe un risque de contrariété de solutions, même si les décisions peuvent être exécutées séparément et si leurs conséquences juridiques ne s'excluent pas mutuellement".
Motif 54 : "Selon les propriétaires des marchandises et la Commission, l'adjectif "inconciliables" figurant à la fois à l'article 22, troisième alinéa, et à l'article 27, point 3, de la convention doit avoir le même sens dans les deux dispositions et donc qualifier des décisions dont les conséquences juridiques s'excluent mutuellement au sens de l'arrêt du 4 février 1988, Hoffmann (145/86, Rec. p. 645, point 22). Ils rappellent que la Cour a jugé dans cet arrêt (point 25) qu'une décision étrangère condamnant un époux à verser des aliments à son conjoint au titre de ses obligations d'entretien résultant du mariage est inconciliable, au sens de l'article 27, point 3, de la convention, avec une décision nationale ayant prononcé le divorce entre les époux concernés".
Motif 55 : "Cet argument ne peut être retenu. En effet, les objectifs des deux dispositions sont différents. L'article 27, point 3, de la convention ouvre la possibilité au juge, par exception aux principes et aux objectifs de la convention, de refuser la reconnaissance d'une décision étrangère. Par conséquent, la notion de "décision inconciliable" y figurant doit être interprétée en fonction de cet objectif. En revanche, l'article 22, troisième alinéa, de la convention a pour objectif, ainsi que l'a relevé l'avocat général dans ses conclusions (point 28), de réaliser une meilleure coordination de l'exercice de la fonction judiciaire à l'intérieur de la Communauté et d'éviter l'incohérence et la contradiction des décisions, même si ces dernières peuvent recevoir une exécution séparée".
Motif 57 : "Force est donc de constater que le terme "inconciliable" utilisé à l' article 22, troisième alinéa, de la convention a un sens différent de celui du même terme utilisé par l'article 27, point 3, de la convention".
Dispositif 5 : "L'article 22 de la convention de Bruxelles doit être interprété en ce sens que pour qu'il y ait connexité entre, d'une part, une demande formée dans un État contractant par un certain groupe de propriétaires de marchandises contre le propriétaire d'un navire en vue de la réparation d'un préjudice causé à une partie de la cargaison transportée en vrac dans le cadre de contrats distincts mais identiques et, d'autre part, une demande en réparation formée dans un autre État contractant contre le même propriétaire du navire par les propriétaires d'une autre partie de la cargaison transportée dans les mêmes conditions et dans le cadre de contrats distincts mais identiques à ceux conclus entre le premier groupe et le propriétaire du navire, il suffit que leur instruction et leur jugement séparés comportent le risque d'une contrariété de décisions, sans qu'il soit nécessaire qu'ils comportent le risque de conduire à des conséquences juridiques s'excluant mutuellement".
CDE 1997. 164, note H. Tagaras
JDI 1995. 469, obs. A. Huet
Rev. crit. DIP 1995. 601, note E. Tichadou
Motif : "Mais attendu que l'arrêt retient que même si les fautes alléguées par [la demanderesse à l'instance en France] ont pu contribuer au même préjudice, les demandes formées par celle-ci à l'égard de la Société générale [en France], d'une part, et de la société UBS Luxembourg [au Luxembourg], d'autre part, ne sont pas pour autant connexes en l'absence d'une même situation de fait et de droit ; qu'ayant ainsi souverainement apprécié la connexité des instances en cause, la cour d'appel a légalement justifié sa décision".
BJB 2014. 145, note A. Tenenbaum
Rev. crit. DIP 2014. 432, note S. Corneloup
Gaz. Pal. 16 mars 2014, p. 29, note J. Morel-Maroger
Motif : "Attendu que l'arrêt constate souverainement d'abord la saisine des juridictions italiennes, par la société Gommatex, d'une action en déchéance de garantie et en prescription contre la société Bourjois, ainsi subsidiairement qu'en rejet des demandes pouvant être faites au fond ; puis l'absence d'action en responsabilité intentée par la société Bourjois en Italie ; qu'il relève encore que la société Bourjois a assigné les deux sociétés italiennes devant la juridiction française en réparation des vices rédhibitoires, en précisant la part de responsabilité incombant à chacune de ses adversaires ; enfin, que les fondements juridiques des actions, les périodes de fabrication des doublures litigieuses et les demandes de condamnations sont distincts ; que la cour d'appel a légalement justifié sa décision, dès lors que, au regard de l'article 22 de la Convention de Bruxelles, ne sont connexes que les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément".
Rev. crit. DIP 2010. 769, note L. Usunier
Motif : "(…) ayant démontré la connexité entre les demandes [l'une en libération de dette, présentée par la société Prodonta à un juge suisse, fondée sur la compensation de sa dette au titre de factures impayées avec des créances découlant de la rupture abusive du contrat de distribution par la société Micro Méga ; l'autre, intentée elle aussi par la société Prodonta devant un juge français, en indemnisation de la rupture abusive du contrat par la société Micro Méga] liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps, et ayant constaté que la société Micro Méga revendiquait la compétence de la juridiction suisse saisie en premier par la Société Prodonta, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision au regard de l'article 22 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988".