1. L'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles - à la fois des biens déterminés et des ensembles de biens indéterminés dont la composition est sujette à modification - appartenant au débiteur, et qui se trouvent, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre État membre.
2. Les droits visés au paragraphe 1 sont notamment:
a) le droit de réaliser ou de faire réaliser le bien et d'être désintéressé par le produit ou les revenus de ce bien, en particulier en vertu d'un gage ou d'une hypothèque;
b) le droit exclusif de recouvrer une créance, notamment en vertu de la mise en gage ou de la cession de cette créance à titre de garantie;
c) le droit de revendiquer le bien et/ou d'en réclamer la restitution entre les mains de quiconque le détient ou en jouit contre la volonté de l'ayant droit;
d) le droit réel de percevoir les fruits d'un bien.
3. Est assimilé à un droit réel, le droit, inscrit dans un registre public et opposable aux tiers, permettant d'obtenir un droit réel au sens du paragraphe 1.
4. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité visées à l'article 4, paragraphe 2, point m).
Dispositif : "L’article 5 du règlement (CE) n° 1346/2000 (…), doit être interprété en ce sens que constitue un « droit réel », au sens de cet article, une sûreté constituée en vertu d’une disposition de droit national, telle que celle en cause au principal, selon laquelle l’immeuble du débiteur de taxes foncières est grevé de plein droit d’une charge foncière de droit public et ce propriétaire doit tolérer l’exécution forcée du titre constatant la créance fiscale, sur cet immeuble".
Aff. C-557/13, Concl. M. Szpunar
Motif 27 : À cet égard, s’agissant de la qualité de «droit réel» d’un droit de saisie sur des avoirs bancaires, il y a lieu de préciser que l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1346/2000 mentionne, au nombre des «droits réels» visés à l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, le droit exclusif de recouvrer une créance. En outre, ainsi qu’il ressort du considérant 25 dudit règlement, la justification, la validité et la portée d’un droit réel devraient se déterminer normalement en vertu de la loi du lieu où il est situé.
Motif 28 : Dès lors, il apparaît que le droit résultant de la saisie pratiquée sur les comptes bancaires en cause au principal était effectivement susceptible de constituer un «droit réel» au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, à la condition que ce droit présentât, en vertu du droit national concerné, en l’occurrence le droit autrichien, un caractère exclusif par rapport aux autres créanciers de la société débitrice, ce qu’il incombera à la juridiction de renvoi de vérifier.
Motifs 29 : En outre, en ce qui concerne la question de savoir si le droit résultant de la saisie pratiquée sur les comptes bancaires en cause au principal, à supposer qu’il constitue un «droit réel» au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, est devenu caduc de plein droit du fait de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité contre la société débitrice, il est vrai que l’article 5, paragraphe 4, de ce règlement ne permet d’écarter l’application de l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement que dans l’hypothèse d’une «action» en nullité, en annulation ou en inopposabilité visée à l’article 4, paragraphe 2, sous m), du règlement n° 1346/2000.
Motif 30 : Cependant, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 49 de ses conclusions, la référence figurant, dans la plupart de ses versions linguistiques, à l’article 5, paragraphe 4, du règlement n° 1346/2000 aux «actions» en nullité, en annulation ou en inopposabilité ne permet pas de conclure que le champ d’application de cette disposition serait limité aux seules actions de nature judiciaire. En effet, ladite disposition doit se lire en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, sous m), de ce règlement, qui fait référence de manière générale «aux règles relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité» et non uniquement aux «actions» en nullité, en annulation ou en inopposabilité. Ainsi, pour déterminer si la nullité, l’annulation ou l’inopposabilité d’un acte peut résulter d’une action judiciaire, d’un autre acte juridique ou encore de l’effet de la loi, il convient de se référer à la lex fori concursus, compétente pour déterminer, en application de cet article 4, paragraphe 2, sous m), du règlement n° 1346/2000, les règles relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité.
Procédures 2015, comm. 193, obs. C. Nourissat
Rev. sociétés 2015. 551, obs. L.-C. Henry
RTD com. 2015. 383, obs. J.-L. Vallens
Aff. C-527/10, Concl. J. Mazák
Motif 42 : "(…) il y a lieu de comprendre l’article 5, paragraphe 1, du règlement comme une disposition qui, dérogeant à la règle de la loi de l’État d’ouverture, permet d’appliquer au droit réel d’un créancier ou d’un tiers sur certains biens appartenant au débiteur la loi de l’État membre sur le territoire duquel se trouve le bien en question".
Dispositif : "L’article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 (…), doit être interprété en ce sens que cette disposition est applicable [dans le cadre d’une procédure juridictionnelle de droit civil concernant l’existence d’un droit réel — en l’occurrence une sûreté financière — dans le cas où les biens auxquels ce droit se réfère, tels qu’une somme d’argent mise en dépôt judiciaire, sont situés dans un État [la Hongrie] qui n’était pas encore membre de l’Union au moment de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité dans un État membre [en Autriche], mais l’était devenu au moment de l’introduction du recours ayant déclenché ladite procédure juridictionnelle] (…) il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier [le lieu de situation des biens litigieux à la date d'ouverture de la procédure]".
Europe 2012, comm. 361, obs. L. Idot
Rev. proc. coll. 2012. Comm. 182, note M. Menjucq
JCP E 2012, n° 1622, obs. M. Menjucq
D. 2012. 2340, obs. L. d'Avout
Rev. crit. DIP 2014. 145, note C. Chalas
Adde D. Bureau, Le règlement du Conseil relatif aux procédures d'insolvabilité - La fin d'un îlot de résistance, Rev. crit. DIP 2002. 613, spéc. n° 71s.
Adde Banque et Droit sept.-oct. 2013. 13, note A. Gautron, E. Dal Maso
RG n° 12/22704
Motif : "Attendu que ne sont discutés entre les parties ni les effets en la circonstance de la procédure d'insolvabilité ouverte en Italie, c'est-à-dire la règle générale de reconnaissance automatique, ni la portée des dispositions de l'article 5 du règlement CE n°1346/2000 (…) et l'exception qu'elles apportent à ce principe en faveur des droits réels des tiers ;
Attendu que c'est à l'affréteur à temps qu'incombe la charge de faire la preuve du droit réel dont il se prétend titulaire sur le navire et ses soutes, ce qui est le seul objet du litige ;
Attendu qu'en vertu de l'article L. 5114-8 paragraphe 6 du code des transports, sont privilégiées sur le navire les créances provenant des contrats passés ou d'opérations effectuées par le capitaine hors du port d'attache pour les besoins réels de la conservation du navire ou de la continuation du voyage ; que ce privilège confère préférence sur toute hypothèque et suit le navire en quelque main qu'il passe ; que c'est bien un droit réel qu'il confère ;
Attendu que [le fréteur, société débitrice] est fondée à soutenir que les seuls documents produits à l'appui de leur prétention par les [créanciers, affréteurs], signés du bord pour ce qui concerne les livraisons de combustibles, ne peuvent pas suffire à eux seuls à démontrer que la créance qu'[ils] réclament sur le prix de celles-ci provient de contrats passés ou d'opérations effectuées par le capitaine lui-même, condition nécessaire à l'existence du privilège ; qu'il en résulte que les [créanciers] ne démontrent que leur créance bénéficie du privilège revendiqué ;
(…) Attendu que le « lien » résultant d'une clause 18 de la charte-partie confère à l'affréteur « a lien on the Ship for all monies paid in advance and not earned, an any overpaid hire or excess deposit to be returned at once », c'est-à-dire selon la traduction qu'en propose l'intimée, non discutée, « un lien sur le navire pour toute somme payée en avance et non gagnée, et tout loyer trop payé ou acompte non rendu » ;
Attendu que les [créanciers] n'ont pas démontré que leur créance (…), répondrait à l'un ou l'autre des termes de cette définition contractuelle dès lors que, ne ressortant pas d'un loyer, rien n'autorise à leur admettre sans autre démonstration la qualité d'une somme « payée en avance et non gagnée », ne s'agissant pas d'une rémunération, d'un gain ou d'un profit quelconque au sens du contrat, ni d'un « acompte non rendu » au sens propre de ces termes mais d'un approvisionnement fait et payé pour les besoins de navigations et alors sans idée d'acompte ; que s'agissant de l'institution d'une prérogative susceptible de s'exercer sur le navire ayant selon les [créanciers] les caractères d'un privilège sur celui-ci, qui plus est à caractère réel, les règles d'interprétation des contrats n'autorisent pas à envisager de l'étendre au-delà des termes selon lesquels elle a été convenue par les parties ;
Attendu que les [créanciers] qui ont payé les carburants pour s'en servir et sont titulaires d'une créance conventionnelle sur un excédent ne sont pas fond[és] à prétendre ni se dire « propriétaires » de cet excédent ni à revendiquer le privilège du vendeur faute d'être vendeurs, pas plus que d'une quelconque subrogation dans les droits de celui-ci, qui leur permettrait de revendiquer les clauses générales de vente, à défaut de tout fondement d'une telle subrogation, légale ou conventionnelle que les [créanciers] ne précisent pas ;
Attendu par conséquent [que les créanciers] ne justifient d'aucun droit réel ni sur le navire, ni sur ses soutes (…)".
DMF 2014. 756, note O. Cachard