1. Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.
2. Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique.
3. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu'un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question.
Partie requérante: Obala i lučice d.o.o.
Partie défenderesse: NLB Leasing d.o.o.
(…)
Dans l’hypothèse où la Cour est compétente pour apporter une réponse en ce qui concerne l’application du droit matériel, la question suivante se pose en outre:
9) La présomption de conclusion d’un contrat par ce stationnement et le consentement au paiement du prix du ticket journalier lorsque le ticket n’est pas acheté selon le tarif horaire de stationnement ou lorsqu’expire la durée pour laquelle le ticket a été acheté sont-ils contraires aux dispositions fondamentales en matière de fourniture de services prévues à l’article 56 TFUE et par les autres dispositions de l’acquis de l’Union européenne, indépendamment du point de savoir si le propriétaire du véhicule est une personne physique ou morale ? En d’autres termes, s’agissant de la détermination du droit matériel, les dispositions de l’article 4, du règlement n° 593/2008 sont-elles susceptibles de s’appliquer en l’espèce (sachant que le présent dossier ne contient aucune preuve attestant que les parties ont convenu de la loi applicable) ?
— si l’on considère que l’on est en présence d’un contrat, s’agit-il en l’espèce d’un contrat de services, à savoir, ce contrat de stationnement peut-il être considéré comme un service au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 593/2008 ?
— à titre subsidiaire, ce stationnement peut-il être considéré comme un contrat de bail, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 593/2008 ?
— à titre subsidiaire, si ce stationnement relève des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 593/2008, la question se pose de savoir ce qui constitue en l’espèce la prestation caractéristique, car la requérante a, en substance, uniquement tracé un marquage sur la surface de la rue à des fins de stationnement et elle procède au recouvrement du parking, tandis que la défenderesse effectue le stationnement et paie le parking. En effet, si l’on considère que la prestation caractéristique est celle de la requérante, le droit croate est applicable, mais si la prestation caractéristique était celle de la défenderesse, c’est le droit slovène qui s’appliquerait. Cependant, eu égard au fait que le droit au recouvrement du stationnement est réglementé dans ce cas par le droit croate avec lequel le contrat présente alors des liens plus étroits, la présente affaire est-elle susceptible de relever à titre supplémentaire des dispositions de l’article 4, paragraphe [3], du règlement n° 593/2008 [?]
— si l’on considère que l’on est en présence d’une obligation non contractuelle visée par le règlement (CE) n° 864/2007, cette obligation non contractuelle peut-elle être considérée comme un dommage, de sorte que la loi applicable serait déterminée sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 864/2007 ?
— à titre subsidiaire, ce type de stationnement pourrait-il être considéré comme un enrichissement sans cause, de sorte que la loi applicable serait déterminée sur le fondement de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 864/2007 ?
— à titre subsidiaire, ce type de stationnement est-il susceptible d’être considéré comme une gestion d’affaires, de sorte que la loi applicable serait déterminée sur le fondement de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 864/2007 ?
— à titre subsidiaire, ce type de stationnement est-il susceptible d’être considéré comme une «culpa in contrahendo» à la charge de la défenderesse, de sorte que la loi applicable serait déterminée sur le fondement de l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 864/2007 ?
Aff. C-350/14, Concl. N. Wahl
Motif 21 : "À titre liminaire, il y a lieu de rappeler, s’agissant de l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement Rome II, qu’il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité, que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme (voir, en ce sens, arrêt Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 37). Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu à cet égard de tenir compte non seulement des termes de cette disposition, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt Lanigan, C‑237/15 PPU, EU:C:2015:474, point 35 et jurisprudence citée)".
Motif 25 : "Il s’ensuit que, lorsqu’il est possible d’identifier la survenance d’un dommage direct, ce qui est normalement le cas lors d’un accident de la circulation, le lieu de ce dommage direct sera le point de rattachement pertinent pour la détermination de la loi applicable, indépendamment des conséquences indirectes de cet accident. En l’occurrence, ledit dommage est constitué par les blessures ayant entraîné la mort de la fille de M. Lazar, ce même dommage s’étant, selon la juridiction de renvoi, produit en Italie. Les dommages subis par les parents proches de celle-ci doivent, quant à eux, être considérés comme des conséquences indirectes de l’accident en cause au principal, au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement Rome II".
Motifs : "8. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les informations contenues sur le site internet de la société espagnole étaient accessibles en français, que la société Subrogalia y affirmait travailler avec des clients de quatre pays dont la France et que le public français était la cible du site, la cour d'appel en a exactement déduit que le site internet litigieux était manifestement illicite en ce qu'il contrevenait explicitement aux dispositions, dépourvues d'ambiguïté, du droit français prohibant la GPA et qu'il avait vocation à permettre à des ressortissants français d'avoir accès à une pratique illicite en France.
9. Elle a ainsi caractérisé l'existence d'un dommage subi par l'association sur le territoire français au regard de la loi s'y appliquant et justement retenu que la société OVH, qui n'avait pas promptement réagi pour rendre inaccessible en France le site litigieux, avait manqué aux obligations prévues à l'article 6. I. 2, de la loi du 21 juin 2004."
Motifs : "Mais attendu que l'arrêt retient que la société Sisak ne conteste pas que les contrats de fourniture conclus, pendant une durée de vingt-cinq ans, entre elle et la société Génoyer et qui étaient matérialisés par des bons de commande, étaient régis, non par la loi croate, mais par la loi française, laquelle était mentionnée comme loi du contrat au verso de chacun de ces bons ; qu'il ajoute que la société Génoyer, victime de la rupture alléguée de la relation commerciale litigieuse établie entre les parties, est domiciliée en France et que son activité est localisée dans ce pays, où le fait dommageable s'est produit ; qu'ayant ainsi fait ressortir que, quel que soit le fondement, contractuel ou délictuel, de l'action en responsabilité pour rupture brutale d'une relation commerciale établie exercée par la société Génoyer, la loi française était applicable, soit en tant que loi du contrat, soit en tant que loi du pays où le dommage est survenu, au sens de l'article 4 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, auquel s'est référé l'arrêt sans cependant prendre parti sur son applicabilité, la cour d'appel en a exactement déduit que la responsabilité de la société Sisak devait s'apprécier au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et, par ces seuls motifs, a justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus".
Motifs : "Attendu [...] 3°/ qu'en toute hypothèse, une action en responsabilité délictuelle est soumise à la loi du pays avec lequel le fait dommageable présente les liens les plus étroits ; qu'en ne s'attachant, pour écarter l'application au litige de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, qu'à la rupture des seules relations contractuelles ayant existé entre les sociétés thaïlandaises CenCar et Rotosiam, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la rupture de la relation commerciale nouée et poursuivie en France par le groupe S... et la société Carrefour, qui était expressément invoquée par les demandeurs, ne présentait pas, quant à elle, un lien étroit avec la France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et de l'article 4 du règlement n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ; [...]
5°/ qu'une action en responsabilité délictuelle est soumise à la loi du pays avec lequel le fait dommageable présente les liens les plus étroits ; qu'en se fondant, pour écarter l'application au litige de l'article 1382 ancien du code civil, sur l'absence de liens permettant de rattacher à la France l'action en responsabilité exercée, sans rechercher si la faute imputée à la société Carrefour, qui consistait à avoir volontairement donné aux demandeurs de fausses assurances quant à son intention de soutenir durablement l'activité de la société Rotosiam en Thaïlande, n'était pas étroitement liée à la France, pour avoir été commise en France, par une société française, à l'occasion de négociations menées avec d'autres opérateurs français, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de l'article 4 du règlement n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles [...]
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que les documents contractuels existants concernent exclusivement les sociétés CenCar et Rotosiam et que les sociétés Carrefour et CenCar sont deux personnes morales distinctes, la seconde fût-elle une filiale à 100 % de la première, ce dont elle a exactement déduit que la rupture brutale alléguée concernait la relation commerciale ayant existé entre les sociétés Rotosiam et CenCar de sorte que la société Carrefour devait être mise hors de cause, la cour d'appel a, par ces seuls motifs rendant inopérants l'ensemble des griefs du moyen, justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli".
RG n° 12/02707
Motifs : "(…) le litige oppose trois parties dont deux sont françaises, n'a d'autres protagonistes que des Français et se rapporte exclusivement aux conditions et motifs dans lesquels une banque française [défenderesse] qui avait investi dans un fonds caïmanais a passé en France des ordres à une société de gestion française [ces deux sociétés lui reprochant un désengagement brutal lors de la crise financière de 2008].
En outre, le dommage direct allégué, résultant des ordres de retrait passés en France par l'investisseur français (Natixis) à une société de gestion de droit français (Anakena), est survenu en France par la mise en sommeil de la société de gestion et la fin de la perception de ses commissions.
Or, il résulte d'une jurisprudence constante, notamment de la Cour de Justice de l'Union européenne, que le 'lieu où le dommageable survient' au sens de l'article 4 § 1 du Règlement de Rome II [sic] s'entend comme désignant le lieu où le fait causal, engageant la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, a produit directement ses effets dommageables à l'égard de celui qui en est la victime immédiate, soit dans le cas d'espèce, la France, le préjudice invoqué par le fonds maître ne résultant que du retrait de Natixis du fonds nourricier, lequel n'est pas dans la cause.
En cet état, le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec la France qu'avec les Iles Caïman, sur le territoire desquelles le fonds était logé, peu important à cet égard que le contrat d'investissement ait été soumis au droit caïmanais dès lors que l'action entreprise n'a pas de fondement contractuel et que le fonds nourricier n'est pas partie au litige".
1. Sans préjudice de l'article 4, paragraphe 2, la loi applicable à une obligation non contractuelle découlant d'un dommage causé par un produit est :
a) la loi du pays dans lequel la personne lésée avait sa résidence habituelle au jour du dommage, si le produit a été commercialisé dans ce pays ; ou à défaut
b) la loi du pays dans lequel le produit a été acheté, si le produit a été commercialisé dans ce pays ; ou à défaut
c) la loi du pays dans lequel le dommage est survenu, si le produit a été commercialisé dans ce pays.
Toutefois, la loi applicable est celle du pays dans lequel la personne dont la responsabilité est invoquée a sa résidence habituelle, si cette personne ne pouvait raisonnablement pas prévoir la commercialisation du produit ou d'un produit du même type dans le pays dont la loi est applicable en vertu des points a), b) ou c).
2. S'il résulte de toutes les circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1, la loi de cet autre pays s'applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu'un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question.
Motif 20 : "Il y a lieu de préciser, (…), que, s’il ressort, certes, du considérant 7 du règlement n° 864/2007 que le législateur de l’Union a cherché à assurer une cohérence entre, d’une part, le règlement n° 44/2001 et, d’autre part, le champ d’application matériel ainsi que les dispositions du règlement n° 864/2007, il n’en découle toutefois pas que les dispositions du règlement n° 44/2001 devraient, partant, être interprétées à la lumière de celles du règlement n° 864/2007. En aucun cas la cohérence voulue ne saurait conduire à donner aux dispositions du règlement n° 44/2001 une interprétation étrangère au système et aux objectifs de celui-ci".
Europe 2014, comm. 142, obs. L. Idot
RTD com 2014. 447, obs. A. Marmisse-d'Abadie d'Arrast
1. La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être.
2. Lorsqu'un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, l'article 4 est applicable.
3. a) La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte restreignant la concurrence est celle du pays dans lequel le marché est affecté ou susceptible de l'être.
b) Lorsque le marché est affecté ou susceptible de l'être dans plus d'un pays, le demandeur en réparation qui intente l'action devant la juridiction du domicile du défendeur peut choisir de fonder sa demande sur la loi de la juridiction saisie, pourvu que le marché de cet État membre compte parmi ceux qui sont affectés de manière directe et substantielle par la restriction du jeu de la concurrence dont résulte l'obligation non contractuelle sur laquelle la demande est fondée. Lorsque le demandeur, conformément aux règles applicables en matière de compétence judiciaire, cite plusieurs défendeurs devant cette juridiction, il peut uniquement choisir de fonder sa demande sur la loi de cette juridiction si l'acte restreignant la concurrence auquel se rapporte l'action intentée contre chacun de ces défendeurs affecte également de manière directe et substantielle le marché de l'État membre de cette juridiction.
4. Il ne peut être dérogé à la loi applicable en vertu du présent article par un accord tel que mentionné à l'article 14.
Aff. C-343/19, Concl. M. Campos Sánchez-Bordona
Motif 39 : " (…) ladite interprétation est conforme aux exigences de cohérence prévues au considérant 7 du règlement Rome II, dans la mesure où, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de celui-ci, le lieu de survenance du dommage dans une affaire impliquant un acte de concurrence déloyale est le lieu où « les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être ». Un acte, tel que celui en cause au principal, qui, en étant susceptible d’affecter les intérêts collectifs des consommateurs en tant que groupe, constitue un acte de concurrence déloyale (arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation, C‑191/15, EU:C:2016:612, point 42), peut affecter ces intérêts dans tout État membre sur le territoire duquel le produit défectueux est acheté par les consommateurs. Ainsi, selon le règlement Rome II, le lieu de survenance du dommage est le lieu où un tel produit est acheté (voir, par analogie, arrêt du 29 juillet 2019, Tibor-Trans, C‑451/18, EU:C:2019:635, point 35)".
Dispositif (et motif 40) : "L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que, lorsque des véhicules ont été illégalement équipés dans un État membre par leur constructeur d’un logiciel manipulant les données relatives aux rejets des gaz d’échappement avant d’être acquis auprès d’un tiers dans un autre État membre, le lieu de la matérialisation du dommage se situe dans ce dernier État membre."
Aff. C-191/15, Concl. H. Saugmandsgaard Øe
Motif 39 : "(…) à la lumière de l’objectif d’application cohérente [au regard du règlement Bruxelles I] rappelé au point 36 du présent arrêt, la considération selon laquelle, dans le domaine de la protection des consommateurs, la responsabilité non contractuelle recouvre également les atteintes à l’ordre juridique résultant de l’utilisation de clauses abusives que les associations de protection des consommateurs ont pour mission d’empêcher (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2002, Henkel, C‑167/00, EU:C:2002:555, point 42) est pleinement transposable à l’interprétation des règlements Rome I et Rome II. Il y a donc lieu de considérer que l’action en cessation visée par la directive 2009/22 porte sur une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable au sens du chapitre II du règlement Rome II".
Motif 42 : "Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 73 de ses conclusions, la concurrence déloyale au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement Rome II englobe l’utilisation de clauses abusives insérées dans des conditions générales de vente dès lors qu’elle est susceptible d’affecter les intérêts collectifs des consommateurs en tant que groupe et, partant, d’influencer les conditions de concurrence sur le marché".
Motif 43 : "Dans le cas d’une action en cessation visée par la directive 2009/22, le pays où les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement Rome II est celui dans lequel résident les consommateurs vers lesquels l’entreprise dirige ses activités et dont les intérêts sont défendus par l’association de protection des consommateurs concernée au moyen de cette action".
Motif 45 : "En effet, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 77 de ses conclusions, la règle alternative prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement Rome II n’est pas adaptée à la matière de la concurrence déloyale dès lors que l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement vise à protéger des intérêts collectifs – dépassant le cadre des relations entre les parties au litige – en prévoyant une règle spécifiquement adaptée à cet effet. Cet objectif serait desservi s’il était permis de faire échec à cette règle sur la base de liens de rattachement personnels entre ces parties".
Motif 46 : "En tout état de cause, le fait pour Amazon EU de prévoir dans ses conditions générales que la loi du pays où elle a son siège s’applique aux contrats qu’elle a conclus ne saurait légitimement constituer un tel lien manifestement plus étroit".
Motif 47 : "S’il en était autrement, un professionnel tel qu’Amazon EU pourrait de facto, au moyen d’une telle clause, choisir la loi à laquelle doit être soumise une obligation non contractuelle et pourrait ainsi échapper aux conditions posées, à cet égard, à l’article 14, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), du règlement Rome II".
Motif 49 : "En revanche, la loi applicable à l’examen du caractère abusif de clauses figurant dans des contrats de consommation et faisant l’objet d’une action en cessation doit être déterminée de manière autonome en fonction de la nature de ces clauses. Ainsi, dans le cas où l’action en cessation vise à empêcher que de telles clauses soient insérées dans des contrats de consommation pour y créer des obligations contractuelles, la loi applicable à l’appréciation desdites clauses doit être déterminée conformément au règlement Rome I".
Motif 52 : "Il y a donc lieu de distinguer, aux fins de déterminer le droit applicable, entre, d’une part, l’appréciation des clauses concernées et, d’autre part, l’action en cessation de l’utilisation desdites clauses, introduite par une association telle que le VKI".
Motif 53 : "Cette distinction s’impose en vue de garantir l’application uniforme des règlements Rome I et Rome II. Qui plus est, le rattachement autonome des clauses en question garantit que le droit applicable ne varie pas en fonction du type d’action choisi".
Motif 54 : "Si, dans le cadre d’un procès engagé à la suite de l’introduction d’une action collective, les clauses contractuelles concernées devaient être examinées à l’aune du droit désigné comme applicable en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du règlement Rome II, il existerait un risque que les critères d’examen soient différents de ceux utilisés dans le cadre d’un procès individuel engagé par un consommateur".
Motif 55 : "En effet, en ce qui concerne l’examen des clauses dans le cadre d’un procès individuel engagé par un consommateur, la loi désignée comme applicable, en tant que loi du contrat, peut être différente de celle désignée comme applicable, en tant que loi du délit, à l’action en cessation. À cet égard, il convient d’observer que le niveau de protection des consommateurs varie encore d’un État membre à l’autre, conformément à l’article 8 de la directive 93/13, si bien que l’appréciation d’une clause peut varier, toutes choses étant égales par ailleurs, en fonction du droit applicable".
Motif 59 : "Toutefois, il convient de préciser que, lors de l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle donnée dans le cadre d’une action en cessation, il découle de l’article 6, paragraphe 2, du règlement Rome I, que le choix de la loi applicable est sans préjudice de l’application des dispositions impératives prévues par la loi du pays où résident les consommateurs dont les intérêts sont défendus au moyen de cette action. Ces dispositions peuvent comprendre celles qui transposent la directive 93/13 pour autant qu’elles assurent, conformément à l’article 8 de celle-ci, un niveau de protection plus élevé au consommateur".
Dispositif 1 (et motif 60) : "Le règlement (CE) n° 593/2008 (…) (Rome I) et le règlement (CE) n° 864/2007 (…) (« Rome II »), doivent être interprétés en ce sens que, sans préjudice de l’article 1er, paragraphe 3, de chacun de ces règlements, la loi applicable à une action en cessation au sens de la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs, dirigée contre l’utilisation de clauses contractuelles prétendument illicites par une entreprise établie dans un État membre qui conclut des contrats par voie de commerce électronique avec des consommateurs résidant dans d’autres États membres et, notamment, dans l’État du for, doit être déterminée conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 864/2007, alors que la loi applicable à l’appréciation d’une clause contractuelle donnée doit toujours être déterminée en application du règlement n° 593/2008, que cette appréciation soit effectuée dans le cadre d’une action individuelle ou dans celui d’une action collective".
Motifs :
"Mais sur le moyen relevé d'office
8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 (…), l'article 12 du code de procédure civile et les principes de primauté et d'effectivité du droit de l'Union européenne :
9. Le premier de ces textes dispose : « 1. La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être. 2. Lorsqu'un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, l'article 4 est applicable. (...) 4. Il ne peut être dérogé à la loi applicable en vertu du présent article par un accord tel que mentionné à l'article 14. »
10. Il résulte du second de ces textes et des principes susvisés que si le juge n'a pas, sauf règles particulières, l'obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne, telle une règle de conflit de lois lorsqu'il est interdit d'y déroger, même si les parties ne les ont pas invoquées.
11. Pour condamner les sociétés Mienta France, Blendex et Intercommerce à payer des dommages-intérêts au groupe SEB en application du droit français, l'arrêt retient que ces sociétés, en entretenant délibérément, par la gamme et la présentation de leurs articles, une confusion entre les produits de marque Mienta et ceux de marque Moulinex, pour profiter de la notoriété de cette dernière en Egypte, et en utilisant à cette fin les moules et les techniques de fabrication du groupe Moulinex, ainsi que son réseau de distribution en Egypte, ont commis des actes de parasitisme et de concurrence déloyale.
12. En statuant ainsi, sans mettre en oeuvre d'office, comme il le lui incombait, les dispositions impératives de l'article 6 du règlement « Rome II » pour déterminer la loi applicable au litige, la cour d'appel a violé les textes et les principes susvisés."
Motifs : (…)
"Vu l’article 6, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 :
11. Si le principe selon lequel la loi applicable à l’action en concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou sont susceptibles de l’être connaît une exception lorsque ce comportement affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, c’est à la condition que ces actes n’aient pas d’effet sur le marché.
12. Après avoir constaté que la société Goyard, qui entretenait des relations avec la société Hankyu, avait obtenu de celle-ci, sous la menace d’une rupture de partenariat, le déplacement du point de vente de ses concurrents, les sociétés FLP, dans son magasin d’Osaka, et que le dénigrement était caractérisé par la lettre du 15 septembre 2014 adressée par la société Goyard à la société Hankyun, l’arrêt retient que, dans la mesure où il n’est nullement établi que le marché japonais ait été affecté par les agissements dénoncés par les sociétés FLP, les actes de concurrence invoqués sont susceptibles d’affecter exclusivement les intérêts de ces dernières.
13. Relevant ensuite que les sociétés FLP demandent la réparation d’un préjudice les affectant personnellement et exclusivement et que les parties ont chacune leur siège en France, il en déduit que, conformément à l’article 4.2 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007, la loi française s’applique.
14. En se déterminant ainsi, par voie de simple affirmation, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les agissements litigieux n’étaient pas susceptibles d’affecter le marché japonais, la cour d'appel a privé sa décision de base légale".
Motifs: "Mais attendu, en premier lieu, que si le principe selon lequel la loi applicable à l'action en concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être connaît une exception [en vertu de l'article 6.2 du règlement (CE) n°864/2007] lorsque ce comportement affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, c'est précisément à la condition que ces actes n'aient pas d'effet sur le marché, ce que la cour d'appel a exclu, en retenant [sur le fondement de l'article 6.1 du règlement (CE) n° 864/2007] que le pays dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d'être affectés est l'Etat de Singapour ;
Attendu, en deuxième lieu, que le seul fait que certains des actes incriminés au titre de la concurrence déloyale aient pu être commis en France n'implique pas que les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sur le marché français s'en trouveraient affectés ;
Et attendu, enfin, que les sociétés Mariage frères ayant demandé aux juges du fond de dire la loi française applicable à l'ensemble des faits litigieux et, à titre subsidiaire, de faire application de la seule loi de Singapour, le moyen pris de la nécessité de recourir à l'application distributive des lois des différents marchés est contraire à leurs écritures d'appel ; (…)".
La loi applicable à une obligation non contractuelle découlant d'un dommage environnemental ou de dommages subséquents subis par des personnes ou causés à des biens est celle qui résulte de l'application de l'article 4, paragraphe 1, à moins que le demandeur en réparation n'ait choisi de fonder ses prétentions sur la loi du pays dans lequel le fait générateur du dommage s'est produit.
1. La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle est celle du pays pour lequel la protection est revendiquée.
2. En cas d'obligation non contractuelle résultant d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle communautaire à caractère unitaire, la loi applicable à toute question qui n'est pas régie par l'instrument communautaire pertinent est la loi du pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit.
3. Il ne peut être dérogé à la loi applicable en vertu du présent article par un accord tel que mentionné à l'article 14.
Aff. C-421/20, Concl. M. Szpunar
Motif 44 : "[L’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007] ne saurait, dans un cas où la contrefaçon ou la menace de contrefaçon pouvant être examinée se situe sur le territoire d’un seul État membre, être comprise comme visant l’applicabilité du droit d’un autre État membre ou de celui d’un pays tiers. La loi applicable étant, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007, celle qui est en vigueur sur le lieu d’une telle atteinte, cette loi coïncide, dans le cas d’une action en contrefaçon introduite en vertu de l’article 82, paragraphe 5, du règlement n° 6/2002 et portant, dès lors, sur des faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire d’un seul État membre, avec le droit de cet État membre".
Motif 45 : "S’il ne saurait être exclu qu’il ait également été porté atteinte au dessin ou modèle communautaire en cause dans d’autres États membres ou dans des pays tiers, toujours est-il que ces éventuelles atteintes ne font pas l’objet du litige introduit en vertu de l’article 82, paragraphe 5, du règlement n° 6/2002. Les objectifs de sécurité juridique et de prévisibilité, mis en exergue aux considérants 14 et 16 du règlement n° 864/2007, seraient méconnus si les termes « pays dans lequel il a été porté atteinte » au dessin ou modèle communautaire invoqué étaient interprétés comme désignant un pays dans lequel ont eu lieu des faits de contrefaçon qui ne font pas l’objet du litige en cause".
Motif 49 : "[L’interprétation adoptée dans l’arrêt Nintendo, au profit d’une loi unique] ne saurait être transposée au cas où le titulaire d’un dessin ou modèle communautaire introduit non pas une action en vertu de cet article 82, paragraphe 1, 2, 3 ou 4, mais choisit d’introduire une ou plusieurs actions ciblées, visant chacune des actes de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire d’un seul État membre, en vertu du paragraphe 5 dudit article. Dans ce dernier cas, il ne saurait être exigé du tribunal saisi qu’il vérifie s’il existe, sur le territoire d’un État membre autre que celui sur lequel porte l’action, un acte de contrefaçon initial et qu’il se fonde sur cet acte pour appliquer la loi de cet autre État membre, alors même que tant ledit acte que le territoire dudit État membre ne sont pas concernés par le litige en cause".
Motif 50 : "Il convient encore d’ajouter que le titulaire du dessin ou modèle communautaire ne saurait, par rapport aux mêmes faits de contrefaçon, cumuler des actions fondées sur le paragraphe 5 de l’article 82 du règlement n° 6/2002 et sur les autres paragraphes de cet article (voir, par analogie, arrêt du 5 septembre 2019, AMS Neve e.a., C 172/18, EU:C:2019:674, points 40 et 41). Il ne risque, dès lors, pas d’y avoir de situation où des demandes annexes d’une action en contrefaçon ayant le même objet seraient examinées dans le cadre de plusieurs procédures sur le fondement de différentes lois".
Dispositif : "L’article 88, paragraphe 2, et l’article 89, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, ainsi que l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 864/2007 (…) (« Rome II »), doivent être interprétés en ce sens que les tribunaux des dessins ou modèles communautaires saisis d’une action en contrefaçon en vertu de l’article 82, paragraphe 5, du règlement n° 6/2002, visant des actes de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire d’un seul État membre, doivent examiner les demandes annexes de cette action, tendant à l’octroi de dommages et intérêts, à la présentation de renseignements, de documents et de comptes, ainsi qu’à la remise des produits de contrefaçon en vue de leur destruction, sur le fondement du droit de l’État membre sur le territoire duquel les actes portant prétendument atteinte au dessin ou modèle communautaire invoqué ont été commis ou menacent d’être commis, ce qui coïncide, dans les circonstances d’une action introduite en vertu dudit article 82, paragraphe 5, avec le droit de l’État membre dans lequel ces tribunaux sont situés".
Aff. C-421/20, Concl. M. Szpunar
Partie demanderesse: Acacia Srl
Partie défenderesse: Bayerische Motoren Werke Aktiengesellschaft
1) En cas de contrefaçon d’un dessin ou modèle communautaire, le juge de la contrefaçon ayant compétence internationale au titre du lieu de commission du fait de contrefaçon en vertu de l’article 82, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, peut-il appliquer la loi nationale de l’État membre de son siège (la lex fori) à des demandes annexes visant le territoire de cet État membre?
2) En cas de réponse négative à la première question: pour déterminer la loi applicable aux demandes annexes en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 864/2007 (…), le «lieu de commission de l’acte de contrefaçon initial» au sens de l’arrêt du 27 septembre 2017, Nintendo (C-24/16 et C-25/16), peut-il également se situer dans l’État membre dans lequel se trouvent des consommateurs auxquels s’adresse une publicité en ligne et sont mis sur le marché des objets portant atteinte aux droits conférés par le dessin ou modèle communautaire au sens de l’article 19 du règlement n° 6/2002 lorsque l’action introduite dans cet État membre vise uniquement la proposition à la vente et mise sur le marché des produits en cause, y compris dans le cas où les offres sur Internet à l’origine de la proposition à la vente et de la mise sur le marché ont été formulées dans un autre État membre?
Conclusions de l'AG M. Szpunar :
"1) L’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 864/2007 (…) (« Rome II ») et l’article 88, paragraphe 2, et l’article 89, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un tribunal d’un État membre est saisi au titre de l’article 82, paragraphe 5, de ce dernier règlement d’une action en contrefaçon d’un titulaire établi dans cet État membre contre un auteur de contrefaçon établi dans un autre État membre, qui vise la proposition à la vente et la mise sur le marché de ce premier État membre des produits en cause, il s’agit d’une situation comportant un conflit de lois au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 864/2007 et, en conséquence, l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement désigne la loi applicable aux demandes annexes visant le territoire de cet État membre.
2) L’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007 doit être interprété en ce sens que, en ce qui concerne la détermination de la loi applicable aux demandes annexes à cette action en contrefaçon, la notion de « pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit », au sens de cette disposition, vise le pays du lieu où l’acte de contrefaçon initial, qui est à l’origine du comportement reproché, a été commis."
Aff. C-172/18, Concl. M. Szpunar
Motif 63 : "L’article 97, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 prévoit un for alternatif de compétence juridictionnelle et vise, ainsi qu’il a été exposé au point 42 du présent arrêt, à permettre au titulaire d’une marque de l’Union européenne d’introduire une ou plusieurs actions portant, chacune, spécifiquement sur les actes de contrefaçon commis sur le territoire d’un seul État membre. En revanche, l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007 ne concerne pas la détermination de la compétence juridictionnelle, mais porte sur le point de savoir comment, en cas d’obligation non contractuelle résultant d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle à caractère unitaire, la loi applicable à toute question qui n’est pas régie par l’instrument de l’Union pertinent doit être déterminée (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2017, Nintendo, C‑24/16 et C‑25/16, EU:C:2017:724, point 91)".
Motif 64 : "Cette détermination de la loi applicable peut s’avérer nécessaire lorsqu’une action en contrefaçon, introduite devant une juridiction compétente pour statuer sur des faits de contrefaçon commis sur le territoire de tout État membre, porte sur divers actes de contrefaçon, commis dans différents États membres. Il convient, dans un tel cas, afin d’éviter que le juge saisi doive appliquer une pluralité de lois, qu’un seul de ces actes de contrefaçon, à savoir l’acte de contrefaçon initial, soit identifié comme déterminant la loi applicable au litige (arrêt du 27 septembre 2017, Nintendo, C‑24/16 et C‑25/16, EU:C:2017:724, points 103 et 104). La nécessité de garantir l’applicabilité d’une loi unique n’existe pas dans le contexte des règles en matière de compétence juridictionnelle, telles que celles contenues dans le règlement n° 44/2001 et dans le règlement n° 207/2009, qui prévoient plusieurs fors".
Aff. C-172/18, Concl. M. Szpunar
Parties requérantes: AMS Neve Ltd, Barnett Waddingham Trustees, Mark Crabtree
Parties défenderesses: Heritage Audio SL, Pedro Rodríguez Arribas
Lorsqu’une entreprise, établie et ayant son siège social dans un État membre A, a pris des mesures dans ce territoire pour faire de la publicité et offrir à la vente des produits revêtus d’un signe identique à une marque de l’Union au moyen un site Internet visant à la fois des professionnels et des consommateurs d’un État membre B :
1) un tribunal des marques de l’Union de l’État membre B a-t-il compétence pour statuer sur une action en contrefaçon de la marque de l’Union en raison de cette publicité et de cette offre de vente des produits sur ce territoire ?
2) dans la négative, quels autres critères doivent être pris en compte par ce tribunal des marques de l’Union pour déterminer s’il a compétence pour statuer sur une telle action ?
3) dans la mesure où la réponse à la deuxième question ci-dessus demande que ce tribunal des marques de l’Union détermine si l’entreprise a pris des mesures actives dans l’État membre B, quels critères doivent être pris en compte pour déterminer si cette entreprise a pris de telles mesures actives ?
Conclusions de l'AG M. Szpunar :
"L’article 97, paragraphe 5, du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une entreprise, établie et ayant son siège social dans un État membre A, a pris des mesures dans ce territoire pour faire de la publicité et offrir à la vente des produits revêtus d’un signe identique à une marque de l’Union européenne au moyen d’un site Internet visant à la fois des professionnels et des consommateurs d’un État membre B, un tribunal des marques de l’Union européenne de l’État membre B a compétence pour statuer sur une action en contrefaçon de la marque de l’Union européenne en raison de cette publicité et de cette offre de vente des produits sur ce territoire.
C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient de se prononcer sur ce point lors de la vérification de la compétence des tribunaux de l’État membre concerné au titre de l’article 97, paragraphe 5, du règlement nº 207/2009".
Aff. C-24/16 et C-25/16, Concl. Y. Bot
Motif 94 : "En ce qui concerne la notion de « pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit », au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007, cette notion ne comportant aucun renvoi au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, les termes d’une telle disposition du droit de l’Union doivent, conformément à la jurisprudence rappelée au point 70 du présent arrêt, normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation dont elle fait partie".
Motif 95 : "À cet égard, il convient de relever que le libellé de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007 se réfère, dans sa version en langue française, à la loi du pays dans lequel « il a été porté atteinte à ce droit ». Un tel libellé ne permet pas de déterminer si cette notion implique un comportement actif de la part de l’auteur de la contrefaçon dans le pays ainsi désigné, à l’exclusion du lieu où cette contrefaçon produit ses effets. En revanche, d’autres versions linguistiques de ladite disposition, telles les versions en langues espagnole, allemande, italienne, lituanienne, néerlandaise, portugaise, slovène et suédoise, sont plus explicites à cet égard, dès lors qu’elles renvoient à la loi du pays où « la violation a été commise ». Il en va de même de la version en langue anglaise qui se réfère à la loi du pays « dans lequel l’acte de contrefaçon a été commis »".
Motif 98 : "Il s’ensuit que, dans la mesure où l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007 prévoit un critère de rattachement spécifique qui diffère du principe général de lex loci damni, prévu à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, ce critère relatif à la loi du « pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit » doit être compris comme étant distinct du critère du pays « où le dommage est survenu », visé à l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement. En conséquence, il y a lieu d’interpréter la notion de « pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit », au sens de l’article 8, paragraphe 2, du même règlement, en ce sens qu’elle vise le pays du lieu où le fait générateur du dommage s’est produit, à savoir celui sur le territoire duquel l’acte de contrefaçon a été commis".
Motif 103 (et dispositif 3) : "Eu égard [à la possible plurilocalisation des actes de contrefaçon, et aux objectifs de prévisibilité de l’issue des litiges, la sécurité juridique quant à la loi applicable et l’application uniforme du règlement, ainsi que celui d'atteindre un équilibre raisonnable entre les intérêts des parties,] il convient, dans des circonstances où sont reprochés à un même défendeur différents actes de contrefaçon relevant de la notion d’« utilisation », au sens de l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, commis dans différents États membres, pour identifier le fait générateur du dommage, non pas de se référer à chaque acte de contrefaçon reproché, mais d’apprécier, de manière globale, le comportement dudit défendeur, afin de déterminer le lieu où l’acte de contrefaçon initial, qui est à l’origine du comportement reproché, a été commis ou risque d’être commis".
Motif 108 : "Or, dans [l'hypothèse où la contrefaçon alléguée résulte d'une vente du produit par Internet destinée à des consommateurs situés dans plusieurs États membres], il convient de considérer que le fait générateur du dommage consiste dans le comportement d’un opérateur d’offrir à la vente des produits prétendument contrefaisants, notamment en mettant en ligne une offre à la vente sur son site Internet. Partant, le lieu où le fait générateur du dommage s’est produit, au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007, est celui du déclenchement du processus de la mise en ligne de l’offre à la vente par cet opérateur sur le site lui appartenant".
Partie requérante: Nintendo Co. Ltd
Parties défenderesses: BigBen Interactive GmbH, BigBen Interactive SA
(…)
3) Comment convient-il de déterminer le lieu «dans lequel il a été porté atteinte au droit» aux fins de l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 864/2007 (…), dans les cas de figure où :
a) l’auteur de l’atteinte propose au moyen d’un site internet des produits violant des droits protégés, lorsque ledit site internet est également adressé à des États membres autres que celui où l’auteur de l’atteinte est établi ;
b) l’auteur de l’atteinte fait transporter, dans un État membre autre que celui où il est établi, des produits violant des droits protégés ?
Convient-il d’interpréter l’article 15, sous a) et sous g), de ce règlement en ce sens que la loi applicable ainsi déterminée s’applique également aux actes de complicité d’autres personnes ?
Partie requérante: Nintendo Co. Ltd
Parties défenderesses: BigBen Interactive GmbH, BigBen Interactive SA
(…)
3) Comment convient-il de déterminer le lieu «dans lequel il a été porté atteinte au droit» aux fins de l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 864/2007 (…), dans les cas de figure où :
a) l’auteur de l’atteinte propose au moyen d’un site internet des produits violant des droits protégés, lorsque ledit site internet est également adressé à des États membres autres que celui où l’auteur de l’atteinte est établi ;
b) l’auteur de l’atteinte fait transporter, dans un État membre autre que celui où il est établi, des produits violant des droits protégés ?
Convient-il d’interpréter l’article 15, sous a) et sous g), de ce règlement en ce sens que la loi applicable ainsi déterminée s’applique également aux actes de complicité d’autres personnes ?
Sans préjudice de l'article 4, paragraphe 2, la loi applicable à l'obligation non contractuelle relative à la responsabilité d'une personne agissant en qualité de travailleur ou d'employeur ou celle d'une organisation représentant les intérêts professionnels des personnes susvisées du fait des dommages causés par une grève ou un lock-out en cours ou terminé est la loi du pays dans lequel cette grève ou ce lock-out est ou a été engagé.