1. À la demande de toute partie intéressée, la reconnaissance d’une décision est refusée:
a) si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis;
b) dans le cas où la décision a été rendue par défaut, si l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été notifié ou signifié au défendeur en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire;
c) si la décision est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l’État membre requis;
d) si la décision est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre État membre ou dans un État tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l’État membre requis; ou
e) si la décision méconnaît:
i) les sections 3, 4 ou 5 du chapitre II lorsque le preneur d’assurance, l’assuré, un bénéficiaire du contrat d’assurance, la victime, le consommateur ou le travailleur était le défendeur, ou
ii) la section 6 du chapitre II.
2. Lors de l’appréciation des motifs de compétence visés au paragraphe 1, point e), la juridiction saisie de la demande est liée par les constatations de fait sur lesquelles la juridiction d’origine a fondé sa compétence.
3. Sans préjudice du paragraphe 1, point e), il ne peut être procédé au contrôle de la compétence de la juridiction d’origine. Le critère de l’ordre public visé au paragraphe 1, point a), ne peut être appliqué aux règles de compétence.
4. La demande de refus de reconnaissance est présentée selon la procédure prévue à la sous-section 2 et, s’il y a lieu, à la section 4.
Aff. C-90/22, Concl. N. Emiliou
Motif 57 : "À cet égard, le libellé clair et non équivoque de l’article 45, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 1215/2012 permet à lui seul de conclure qu’une telle interprétation large de cette disposition est exclue, sous peine d’aboutir à une interprétation contra legem de celle-ci".
Motif 58 : "Selon la jurisprudence de la Cour, une interprétation d’une disposition du droit de l’Union ne saurait avoir pour résultat de retirer tout effet utile au libellé clair et précis de celle-ci. Ainsi, dès lors que le sens d’une disposition du droit de l’Union ressort sans ambiguïté du libellé même de celle-ci, la Cour ne saurait se départir de cette interprétation (arrêt du 23 novembre 2023, Ministarstvo financija, C‑682/22, EU:C:2023:920, point 31 et jurisprudence citée)".
Motif 70 : "Deuxièmement, la juridiction de renvoi indique que la méconnaissance d’une convention attributive de juridiction peut avoir pour effet de rendre applicable une loi autre que celle qui serait appliquée si cette convention était respectée. Ainsi, dans le cas où une juridiction non désignée se déclare compétente, le défendeur serait pris au dépourvu, tant par rapport au for saisi que, s’il échet, par rapport à la loi applicable au fond du litige".
Motif 74 : "En outre [outre que le législateur européen a choisi de ne pas faire figurer la violation de l'article 25 dans les motifs de refus de reconnaissance], comme M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 117 de ses conclusions, en ce qui concerne les conséquences concrètes de la reconnaissance de la décision du rechtbank Zeeland-West-Brabant (tribunal de la Zélande et du Brabant occidental), du 25 septembre 2019, rien dans le dossier dont dispose la Cour ne permet de conclure que cette reconnaissance heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique lituanien en tant qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental, ainsi que l’exige la jurisprudence rappelée au point 66 du présent arrêt.
Motif 75 : "En particulier, le seul fait qu’une action ne soit pas jugée par la juridiction désignée dans une convention attributive de juridiction et que, par conséquent, il ne soit pas statué sur cette action selon le droit de l’État membre dont relève cette juridiction ne saurait être considéré comme une violation du droit à un procès équitable d’une gravité telle que la reconnaissance de la décision sur ladite action serait manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis".
Dispositif (et motif 76) : "L’article 45, paragraphe 1, sous a), et sous e), ii) [...] doit être interprété en ce sens que : il ne permet pas à une juridiction d’un État membre de refuser la reconnaissance d’une décision d’une juridiction d’un autre État membre au motif que cette dernière juridiction s’est déclarée compétente pour statuer sur une action introduite au titre d’un contrat de transport international, en méconnaissance d’une convention attributive de juridiction, au sens de l’article 25 de ce règlement, faisant partie de ce contrat".
Aff. C-568/20, concl. P. Pikimäe
Motif 25 : "Il s’ensuit [de l’arrêt Gothaer, pt 23] que [la notion de « décision »] comprend également une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers".
Motif 31 : "En définitive, une interprétation restrictive de la notion de « décision », au sens de l’article 2, sous a), du règlement n° 1215/2012, aurait pour conséquence de créer une catégorie d’actes adoptés par des juridictions qui, tout en ne figurant pas au nombre des exceptions limitativement énumérées à l’article 45 de ce règlement, ne pourraient relever de cette notion de « décision » et que les juridictions des autres États membres ne seraient donc pas tenues d’exécuter. L’existence d’une telle catégorie d’actes serait incompatible avec le système établi aux articles 39, 45 et 46 dudit règlement, qui prévoit l’exécution de plein droit des décisions de justice et exclut le contrôle de la compétence des juridictions de l’État membre d’origine par celles de l’État membre requis (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a., C‑456/11, EU:C:2012:719, point 31)".
Motif 39 : "Il y a donc lieu de constater qu’aucune disposition du règlement n° 1215/2012 ni aucun des objectifs poursuivis par ce règlement ne fait obstacle à ce qu’une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers entre dans le champ d’application dudit règlement".
Motif 40 : "Il découle néanmoins du système établi aux articles 39, 45 et 46 du règlement n° 1215/2012 que le fait de reconnaître à une telle ordonnance le caractère de décision, au sens de l’article 2, sous a), de ce règlement, ne prive pas la partie défenderesse à l’exécution du droit de s’opposer à l’exécution de cette décision en faisant valoir l’un des motifs de refus conformément audit article 45".
Dispositif : "L’article 2, sous a), et l’article 39 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) doivent être interprétés en ce sens qu’une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers constitue une décision et jouit de la force exécutoire dans les autres États membres si elle a été rendue au terme d’une procédure contradictoire dans l’État membre d’origine et a été déclarée exécutoire dans celui-ci, le caractère de décision ne privant toutefois pas la partie défenderesse à l’exécution du droit de demander, conformément à l’article 46 de ce règlement, le refus d’exécution pour l’un des motifs visés à l’article 45 de celui-ci".