Aux fins du présent règlement, on entend par:
a) "décision", toute décision rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée telle qu’arrêt, jugement, ordonnance ou mandat d’exécution, ainsi qu’une décision concernant la fixation par le greffier du montant des frais du procès.
Aux fins du chapitre III, le terme "décision" englobe les mesures provisoires ou les mesures conservatoires ordonnées par une juridiction qui, en vertu du présent règlement, est compétente au fond. Il ne vise pas une mesure provisoire ou conservatoire ordonnée par une telle juridiction sans que le défendeur soit cité à comparaître, à moins que la décision contenant la mesure n’ait été signifiée ou notifiée au défendeur avant l’exécution;
b) "transaction judiciaire", une transaction approuvée par une juridiction d’un État membre ou conclue devant une juridiction d’un État membre en cours de procédure;
c) "acte authentique", un acte dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans l’État membre d’origine et dont l’authenticité:
i) porte sur la signature et le contenu de l’acte, et
ii) a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à le faire;
d) "État membre d’origine", l’État membre dans lequel, selon le cas, la décision a été rendue, la transaction judiciaire a été approuvée ou conclue, ou l’acte authentique a été dressé ou enregistré formellement;
e) "État membre requis", l’État membre dans lequel la reconnaissance de la décision est invoquée ou dans lequel l’exécution de la décision, de la transaction judiciaire ou de l’acte authentique est demandée;
f) "juridiction d’origine", la juridiction qui a rendu la décision dont la reconnaissance est invoquée ou l’exécution est demandée.
Partie requérante: Obala i lučice d.o.o.
Partie défenderesse: NLB Leasing d.o.o.
1) Les notaires sont-ils autorisés à procéder à la signification d’actes en application du règlement (CE) n° 1393/2007 (…), lorsqu’ils signifient leurs décisions dans des affaires auxquelles ne s’applique pas le règlement n° 1215/2012, eu égard au fait que les notaires en République de Croatie, lorsqu’ils agissent dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues par le droit national dans les procédures d’exécution forcée sur le fondement d’un «document faisant foi», ne relèvent pas de la notion de «juridiction» au sens du règlement n° 1215/2012 [?] En d’autres termes, étant donné que les notaires ne relèvent pas de la notion de «juridiction» visée par le règlement n° 1215/2012, peuvent-ils appliquer dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues par le droit national dans la procédure d’exécution sur le fondement d’un «document faisant foi» les dispositions relatives à la signification et à la notification des actes prévues par le règlement (CE) n° 1393/2007 ?
2) Doit-on considérer que le stationnement dans la rue et sur la voie publique, lorsque le droit au recouvrement est prévu par la loi relative à la sécurité routière et par les règles relatives à l’accomplissement des activités municipales en tant qu’activités de puissance publique, relève de la matière civile au sens du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) qui régit la question de la compétence des juges ainsi que de la reconnaissance et de l’exécution des décisions judiciaires en matière civile et commerciale, notamment eu égard au fait que, lorsque la présence d’un véhicule sans ticket de stationnement ou avec un ticket de stationnement non valable est constatée, ce véhicule est immédiatement soumis à une obligation de paiement du ticket journalier, comme s’il avait été garé toute la journée, indépendamment de la durée exacte de l’utilisation de la place de parking, ce recouvrement du ticket journalier revêtant donc un caractère répressif, étant précisé que, dans certains États membres, ce stationnement est considéré comme une infraction routière ?
3) Dans le cadre des contentieux susmentionnés concernant le stationnement dans la rue et sur la voie publique, lorsque le droit au recouvrement est prévu par la loi relative à la sécurité routière et par les règles relatives à l’accomplissement des activités municipales en tant qu’activités de puissance publique, les juges peuvent-ils procéder à la signification et à la notification d’actes aux défendeurs dans un autre État membre sur le fondement du règlement (CE) n° 1393/2007 (…) ?
(…)
Aff. C-568/20, concl. P. Pikimäe
Motif 25 : "Il s’ensuit [de l’arrêt Gothaer, pt 23] que [la notion de « décision »] comprend également une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers".
Motif 31 : "En définitive, une interprétation restrictive de la notion de « décision », au sens de l’article 2, sous a), du règlement n° 1215/2012, aurait pour conséquence de créer une catégorie d’actes adoptés par des juridictions qui, tout en ne figurant pas au nombre des exceptions limitativement énumérées à l’article 45 de ce règlement, ne pourraient relever de cette notion de « décision » et que les juridictions des autres États membres ne seraient donc pas tenues d’exécuter. L’existence d’une telle catégorie d’actes serait incompatible avec le système établi aux articles 39, 45 et 46 dudit règlement, qui prévoit l’exécution de plein droit des décisions de justice et exclut le contrôle de la compétence des juridictions de l’État membre d’origine par celles de l’État membre requis (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a., C‑456/11, EU:C:2012:719, point 31)".
Motif 39 : "Il y a donc lieu de constater qu’aucune disposition du règlement n° 1215/2012 ni aucun des objectifs poursuivis par ce règlement ne fait obstacle à ce qu’une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers entre dans le champ d’application dudit règlement".
Motif 40 : "Il découle néanmoins du système établi aux articles 39, 45 et 46 du règlement n° 1215/2012 que le fait de reconnaître à une telle ordonnance le caractère de décision, au sens de l’article 2, sous a), de ce règlement, ne prive pas la partie défenderesse à l’exécution du droit de s’opposer à l’exécution de cette décision en faisant valoir l’un des motifs de refus conformément audit article 45".
Dispositif : "L’article 2, sous a), et l’article 39 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) doivent être interprétés en ce sens qu’une ordonnance d’injonction de payer adoptée par une juridiction d’un État membre sur le fondement de jugements définitifs rendus dans un État tiers constitue une décision et jouit de la force exécutoire dans les autres États membres si elle a été rendue au terme d’une procédure contradictoire dans l’État membre d’origine et a été déclarée exécutoire dans celui-ci, le caractère de décision ne privant toutefois pas la partie défenderesse à l’exécution du droit de demander, conformément à l’article 46 de ce règlement, le refus d’exécution pour l’un des motifs visés à l’article 45 de celui-ci".
Dispositif : "L’article 18 TFUE et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale [en l'espèce, croate] habilitant les notaires, agissant dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues dans les procédures d’exécution forcée sur le fondement d’un document faisant foi, à rendre des ordonnances d’exécution qui, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193), ne peuvent pas être reconnues et exécutées dans un autre État membre.
Partie requérante: PARKING d.o.o.
Partie défenderesse: SAWAL d.o.o.
1) Une disposition de la législation nationale, l’article 1er de l’Ovršni zakon (publié aux Narodne novine n° 112/12, 25/13, 93/14, 55/16 et 73/17), qui habilite les notaires à procéder au recouvrement forcé de créances sur le fondement d’un document faisant foi en délivrant une ordonnance d’exécution, en tant que titre exécutoire, sans accord exprès de la personne morale débitrice établie en République de Croatie, est-elle conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et à l’article 18 TFUE, compte tenu des arrêts rendus par la Cour dans les affaires C 484/15 et C 551/15 ?
2) L’interprétation donnée dans les arrêts de la Cour du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C 484/15, EU:C:2017:199), et Pula Parking (C 551/15, EU:C:2017:193), peut-elle être appliquée à l’affaire Povrv-1614/2018 exposée ci-dessus, dont la juridiction de céans est saisie, et, plus précisément, le règlement n° 1215/2012 doit-il être interprété en ce sens que, en Croatie, les notaires, agissant dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues par le droit national dans les procédures d’exécution forcée sur le fondement d’un «document faisant foi», dans lesquelles les parties défenderesses à l’exécution sont des personnes morales établies dans d’autres États membres de l’Union européenne, ne relèvent pas de la notion de «juridiction» au sens dudit règlement ?
Partie requérante: Interplastics s.r.o.
Partie défenderesse: Letifico d.o.o.
1) La disposition de la législation nationale, à savoir l’article 1er de l’Ovršni zakon (loi sur l’exécution forcée) (Narodne novine, br. 112/12, 25/13, 93/14, 55/16 et 73/17), qui habilite les notaires à réaliser le recouvrement forcé d’une créance sur le fondement d’un document faisant foi en délivrant une ordonnance d’exécution, en tant que titre exécutoire, sans l’accord exprès de la personne morale débitrice établie en Croatie, est-elle conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi qu’à l’article 18 du [traité sur le fonctionnement de l’Union européenne], compte tenu des arrêts [du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C-484/15, EU:C:2017:199)] et [du 9 mars 2017, Pula Parking (C-551/15, EU:C:2017:193)] ?
2) L’interprétation donnée dans les arrêts [précités] de la Cour peut-elle être appliquée dans l’affaire, exposée concrètement, qui a été introduite devant la juridiction de céans sous le numéro [Povrv-752/19], et, plus précisément, le règlement n° 1215/2012 doit-il être interprété en ce sens que, en Croatie, les notaires, agissant dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues par le droit national dans les procédures d’exécution forcée sur le fondement d’un «document faisant foi» dans [lesquelles] les parties demanderesses à l’exécution sont des personnes morales établies dans d’autres États membres de l’Union européenne, ne relèvent pas de la notion de «juridiction» au sens dudit règlement ?
Aff. C-551/15, Concl. M. Bobek
Motif 54 : "Par conséquent, étant donné les objectifs poursuivis par le règlement n° 1215/2012, la notion de « juridiction » au sens de celui‑ci doit être interprétée en tenant compte de la nécessité de permettre aux juridictions nationales des États membres d’identifier les décisions rendues par des juridictions d’autres États membres et de procéder, avec la célérité requise par ce règlement, à l’exécution de ces décisions. En effet, le respect du principe de confiance mutuelle dans l’administration de la justice dans les États membres de l’Union qui sous-tend l’application dudit règlement suppose, notamment, que les décisions dont l’exécution est demandée dans un autre État membre ont été rendues dans une procédure judiciaire offrant des garanties d’indépendance et d’impartialité ainsi que le respect du principe du contradictoire".
Motif 56 : "En l’occurrence, ainsi que le gouvernement croate l’a fait valoir lors de l’audience, en Croatie, les notaires font partie du service public notarial, lequel est distinct du système judiciaire. Conformément aux dispositions de la loi sur l’exécution forcée, les notaires sont compétents pour statuer par voie d’ordonnance sur les demandes d’ouverture d’une procédure d’exécution sur le fondement d’un document faisant foi. Une fois l’ordonnance notifiée au défendeur, celui-ci peut former opposition. Le notaire qui est saisi d’une opposition recevable, motivée et formée en temps utile contre l’ordonnance qu’il a rendue transmet le dossier, aux fins de la procédure d’opposition, à la juridiction compétente, laquelle statuera sur l’opposition".
Motif 57 : "Il résulte de ces dispositions que l’ordonnance d’exécution sur le fondement d’un « document faisant foi », délivrée par le notaire, n’est notifiée au débiteur qu’après son adoption, sans que la demande par laquelle le notaire a été saisi ait été communiquée à ce débiteur".
Motif 58 : "S’il est vrai que le débiteur a la possibilité de former opposition contre l’ordonnance d’exécution délivrée par le notaire et qu’il semble que le notaire exerce les attributions qui lui sont dévolues dans le cadre de la procédure d’exécution forcée sur le fondement d’un « document faisant foi » sous le contrôle d’un juge, auquel le notaire doit renvoyer les contestations éventuelles, il n’en reste pas moins que l’examen, par le notaire, en Croatie, de la demande de délivrance d’une ordonnance d’exécution sur un tel fondement n’est pas contradictoire".
Dispositif 2 (et motif 59) : "Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que le règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que, en Croatie, les notaires, agissant dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues par le droit national dans les procédures d’exécution forcée sur le fondement d’un « document faisant foi », ne relèvent pas de la notion de « juridiction » au sens dudit règlement".
Aff. C- 551/15, Concl. M. Bobek
Demandeur : Pula Parking
Défendeur : Sven Klaus Tederahn
1) Le règlement (UE) n° 1215/2012 est-il applicable dans le cas particulier considéré en l’espèce, eu égard à la nature de la relation juridique entre les parties ?
2) Le règlement (UE) n° 1215/2012 se rapporte-t-il également à la compétence des notaires en Croatie ?
Conclusions de l'AG. M. Bobek :
"Pour pouvoir être qualifiée de « juridiction » au sens du règlement n° 1215/2012, une entité doit être un organe juridictionnel de l’État membre et faire partie du système judiciaire de celui-ci. Toutefois, en cas de doute, une entité peut néanmoins relever de la définition de « juridiction » lorsqu’elle remplit les critères suivants : i) l’origine légale, ii) la permanence, iii) le caractère obligatoire de sa juridiction, iv) la nature contradictoire de la procédure, v) l’application, par l’entité, des règles de droit, ainsi que vi) l’indépendance".