Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CCIP-CA, 17 mars 2020, n° 19/20298, 19/22117

Motif  85 : "[S'agissant du transfert des actifs Gap et Starbucks, il] ressort des pièces versées que l'obligation litigieuse alléguée porte sur un transfert des actifs Gap et Starbucks vers des sociétés de droit luxembourgeois et ce sans contrepartie [avec désignation de la loi grecque]. Ce transfert sans contrepartie ne peut s'analyser ni en un contrat de vente de marchandises, ni en un contrat de fourniture de services de telle sorte qu'il relève de l'article 7 § 1 a) du Règlement Bruxelles I bis".

Motif 106 : "[S'agissant d'une autre relation contractuelle, il] ressort du Protocole de conciliation et notamment son article 7.2 que cette [autre] obligation consistait en une émission de parts bénéficiaires par la société Famar SA, laquelle est une société de droit luxembourgeois, au profit de sociétés elles-mêmes luxembourgeoises, en l'occurrence les sociétés (SPVs) L, P et Y".

Motif 107 : "La détermination de la juridiction compétente pour connaître de l'action tendant à voir engagée la responsabilité de la société Pillarstone Europe au titre du non respect de cette obligation, relève de l'article 7 §1 a) du Règlement Bruxelles I bis, dès lors que celle-ci ne peut être qualifiée ni d'un contrat de vente de marchandises, ni d'un de contrat de prestations de service".

Motif 108 : "Le lieu d'exécution de cette obligation alléguée qui sert de base à la demande doit donc être déterminée selon la loi applicable désignée par la règle de conflit de lois, et en l'occurrence, en vertu de l’article 4.2 du Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (ci-après désigné le « Règlement Rome I »), celle du pays dans lequel « la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle » [qui désigne la loi luxembourgeoise en l'espèce]".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CCIP-CA, 17 mars 2020, n° 19/20298, 19/22117

Motif  82 : "(…) un contrat de crédit doit être qualifié de contrat de fourniture de services et la cour de justice de l'Union européenne, qui a dit pour droit que l’article 7.1 b) règlement n°1215/2012 doit être interprété en ce sens, a également précisé que lorsqu’un établissement de crédit a consenti un crédit à deux codébiteurs solidaires, le « lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis », au sens de cette disposition, est, sauf convention contraire, celui du siège de cet établissement".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CCIP-CA, 17 mars 2020, n° 19/20298, 19/22117

Motif  93 : "Une clause attributive de juridiction insérée dans un contrat ne peut, en principe, produire ses effets que dans les rapports entre les parties qui ont donné leur accord à la conclusion de ce contrat. Pour qu'une telle clause puisse être opposable à un tiers, il est nécessaire que celui-ci ait donné son consentement à cet effet". 

Motif 98 : "Il ressort [des éléments de la cause] que la société Pillarstone Europe, bien que mentionnée dans le Protocole, n'y apparaît que comme « conseil » des banques grecques [signataires], et qu'elle n'est ni partie à ce Protocole ni signataire de celui-ci, même en cette qualité de conseil".

Motif 99 : "Il s'ensuit que l'implication de la société Pillarstone Europe dans les négociations en sa qualité de conseil des banques grecques n'est pas de nature à lui rendre opposable la clause attributive de juridiction convenue dans le Protocole de conciliation, étant observé par ailleurs que celle-ci ne vient pas non plus aux droits de la société Famar SA [également signataire] dont elle n'est pas l'actionnaire".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CCIP-CA, 17 mars 2020, n° 19/20298, 19/22117

Motif  63 : "Le champ matériel d'une clause attributive de juridiction qu'il incombe au juge national devant lequel elle est invoquée de déterminer (cf. CJUE arrêt du 21 mai 2015, CDC Hydrogen Peroxide, C - 352/13 point 67, mais aussi CJCE du 10 mars 1992. - Powell Duffryn plc contre Wolfgang Petereit. - Affaire C-214/89 et CJCE du 3 juillet 1997. - Francesco Benincasa contre Dentalkit Srl. - Affaire C-269/95), s'apprécie en fonction du lien qui existe entre le comportement dénoncé et le contrat contenant la clause attributive de juridiction".

Motif 73 : "[De l'examen des pièces, il] résulte une volonté manifeste des parties de cantonner l'objet du Protocole [contenant la convention attributive et relatif aux activités du Groupe Famar] de sorte que le litige lié au non respect des engagements qui auraient été pris, hors ce Protocole, par les banques grecques, ne saurait entrer dans le champ matériel de la clause attributive de juridiction qui y est insérée et être inclus et caractériser un litige « relatif au Protocole » ou même matérialisé dans le Protocole".

Motif 74 :  "Il convient dès lors de considérer que les litiges portant sur ces deux points litigieux [relatifs à d'autres activités que celles du Groupe Famar] ne peuvent entrer dans le périmètre de la clause attributive de compétence de sorte que le tribunal de commerce de Paris, nonobstant les liens capitalistiques entre le groupe X et le Groupe Famar, ou encore la seule référence qui a pu être faite dans ce Protocole à la dette “Holdco” [du groupe X], et quand bien même celle-ci fût grevée d'un nantissement des titres de Famar SA, ne pouvait se déclarer compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes sur le fondement de la clause attributive de juridiction". 

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Concl., 18 juin 2020, sur Q. préj. (AT), 4 oct. 2019, Ellmes Property Services, Aff. C-433/19

1) L’article 24, point 1, premier alinéa, première alternative, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) (ci-après le „règlement Bruxelles Ibis“) doit-il être interprété en ce sens que les actions d’un copropriétaire tendant à interdire à un autre copropriétaire de modifier, arbitrairement et sans l’accord des autres copropriétaires, son bien en copropriété, notamment l’affectation de celui-ci, ont pour objet de faire valoir un droit réel ?

Conclusions de l'AG M. Szpunar :

Français

Concl., 18 juin 2020, sur Q. préj. (AT), 4 oct. 2019, Ellmes Property Services, Aff. C-433/19

1) L’article 24, point 1, premier alinéa, première alternative, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) (ci-après le „règlement Bruxelles Ibis“) doit-il être interprété en ce sens que les actions d’un copropriétaire tendant à interdire à un autre copropriétaire de modifier, arbitrairement et sans l’accord des autres copropriétaires, son bien en copropriété, notamment l’affectation de celui-ci, ont pour objet de faire valoir un droit réel ?

(…)

Conclusions de l'AG M. Szpunar :

Français

Q. préj. (BG), 10 juin 2020, Toplofikatsia Sofia, Aff. C-256/20

1) L’article 5, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), lu en liaison avec le principe de garantie, par la juridiction nationale, de voies procédurales assurant une protection effective des droits résultant du droit de l’Union européenne, doit-il être interprété en ce sens que, lors de la détermination de la résidence habituelle du débiteur, comme exigence préalable du droit national pour mener une procédure formelle unilatérale sans recherche de preuves, telle que l’émission d’une injonction de faire, la juridiction nationa

2) L’article 5, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), lu en liaison avec le principe de garantie, par la juridiction nationale, de voies procédurales assurant une protection effective des droits résultant du droit de l’Union européenne, doit-il être interprété en ce sens qu’il impose à la juridiction nationale qui, après avoir émis l’injonction de faire à l’encontre le débiteur, a constaté que ce débiteur n’a probablement pas sa résidence habituelle dans l’État de la juridiction, et dans le cas où cela représente un obstac

Français

CJUE, 16 juil. 2020, Movic, Aff. C‑73/19

Aff. C-73/18, Concl. M Szpunar

Motif 38: "S’agissant du fondement d’une demande telle que celle formulée à titre principal dans les litiges au principal, il y a lieu de rappeler que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 93/13 prévoit que les États membres doivent instituer des actions en cessation de l’usage de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs".

Motif 42: "Il s’ensuit que des actions qui visent à faire constater et cesser des pratiques commerciales déloyales, au sens de la directive 2005/29, relèvent également de la notion de « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012". 

Motif 44: "Néanmoins, s’agissant des modalités d’exercice de l’action intentée, il y a lieu d’observer que les actions en cause au principal ont été introduites non pas par des personnes de droit privé, telles que des consommateurs ou des organismes œuvrant pour la protection des consommateurs, mais par les autorités belges chargées par l’État membre concerné de veiller, notamment, à la protection des consommateurs".

Motif 47: "[En premier lieu, s'il y a lieu de relever que la liste des personnes habilitées est établie par le code belge de droit des entreprises], la Cour a déjà dit pour droit que la circonstance qu’une compétence ou un pouvoir ont été conférés par une loi n’est pas déterminante en soi pour conclure qu’une autorité étatique a agi dans l’exercice de la puissance publique [voir, par analogie, s’agissant de la notion de « matière civile et commerciale », au sens du règlement (CE) n° 1393/2007 [...], arrêt du 11 juin 2015, Fahnenbrock e.a., C‑226/13, C‑245/13 et C‑247/13, EU:C:2015:383, point 56]".

Motif 50: "En second lieu, la réglementation nationale en cause au principal ne paraît pas davantage retenir pour les autorités belges qu’elle mentionne des règles de reconnaissance de l’intérêt pour agir qui leur confèreraient des conditions de recours exorbitantes par rapport à celles prévues pour les autres requérants".

Motif 53: "[Mais la loi ne distingue pas les autorités belges des autres requérants à cet égard]. En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 29 de ses conclusions, la défense de l’intérêt général ne saurait être confondue avec l’exercice de prérogatives de puissance publique".

Motif 54: "Ainsi, dans les litiges au principal, les conditions posées pour que les autorités belges aient intérêt à agir ne semblent pas, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, constituer l’exercice de prérogatives de puissance publique".

Motif 55: "Ensuite, les défenderesses au principal mettent en exergue la circonstance que les autorités belges utilisent leurs propres constatations et déclarations en tant qu’éléments de preuve en justice, de sorte que les pièces cruciales du dossier seraient constituées d’une série de rapports et de constatations procédant de contrôleurs étatiques, ce qui constituerait l’exercice de prérogatives de puissance publique".

Motif 57: "Ce n’est que si, en raison de l’usage qu’elle a effectué de certains éléments de preuve, une autorité publique ne se trouve pas concrètement dans la même situation qu’une personne de droit privé dans le cadre d’un litige analogue, qu’il conviendrait alors de considérer qu’une telle autorité a fait usage, dans le cas d’espèce, de prérogatives de puissance publique".

Motif 58: "Il y a lieu de préciser que le simple recueil et la compilation de griefs ou d’éléments de preuve, comme pourrait le faire un collectif de professionnels ou de consommateurs, ne sauraient équivaloir à l’exercice de telles prérogatives".

Motif 62: "En revanche, s’agissant de la demande formulée devant la juridiction de renvoi par les autorités belges, tendant à se voir octroyer la compétence d’établir l’existence d’infractions futures par simple procès-verbal rédigé par un fonctionnaire assermenté de la direction générale de l’inspection économique, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 75 à 77 de ses conclusions, il ne peut être considéré qu’une telle demande relève de la notion de « matière civile et commerciale », car cette demande porte en réalité sur des pouvoirs exorbitants par rapport aux règles de droit commun applicables dans les relations entre particuliers".

Motif 63: "Cependant, le système général du règlement n° 1215/2012 n’impose pas de lier nécessairement le sort d’une demande accessoire à celui d’une demande principale (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, Aannemingsbedrijf Aertssen et Aertssen Terrassements, C‑523/14EU:C:2015:722, point 33 ainsi que jurisprudence citée), de sorte que la compétence internationale d’une juridiction d’un État membre pour connaître d’une demande principale peut être fondée sur ce règlement sans que cela doive forcément être le cas aussi en ce qui concerne les demandes accessoires à celle-ci, et inversement".

Dispositif (et motif 64): "L’article 1er, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « matière civile et commerciale », figurant à cette disposition, une action opposant les autorités d’un État membre à des professionnels établis dans un autre État membre dans le cadre de laquelle ces autorités demandent, à titre principal, à ce que soit constatée l’existence d’infractions constituant des pratiques commerciales déloyales prétendument illégales et ordonnée la cessation de celles-ci, ainsi que, à titre accessoire, à ce que soient ordonnées des mesures de publicité et à ce que soit imposée une astreinte".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 9 juil. 2020, VKI [c. VW], Aff. C-343/19

Aff. C-343/19, Concl. M. Campos Sánchez-Bordona

Motif 39 : " (…) ladite interprétation est conforme aux exigences de cohérence prévues au considérant 7 du règlement Rome II, dans la mesure où, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de celui-ci, le lieu de survenance du dommage dans une affaire impliquant un acte de concurrence déloyale est le lieu où « les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être ». Un acte, tel que celui en cause au principal, qui, en étant susceptible d’affecter les intérêts collectifs des consommateurs en tant que groupe, constitue un acte de concurrence déloyale (arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation, C‑191/15, EU:C:2016:612, point 42), peut affecter ces intérêts dans tout État membre sur le territoire duquel le produit défectueux est acheté par les consommateurs. Ainsi, selon le règlement Rome II, le lieu de survenance du dommage est le lieu où un tel produit est acheté (voir, par analogie, arrêt du 29 juillet 2019, Tibor-Trans, C‑451/18, EU:C:2019:635, point 35)".

Dispositif (et motif 40) : "L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que, lorsque des véhicules ont été illégalement équipés dans un État membre par leur constructeur d’un logiciel manipulant les données relatives aux rejets des gaz d’échappement avant d’être acquis auprès d’un tiers dans un autre État membre, le lieu de la matérialisation du dommage se situe dans ce dernier État membre."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 9 juil. 2020, VKI [c. VW], Aff. C-343/19

Aff. C-343/19, Concl. M. Campos Sánchez-Bordona

Motif 29 : "(…) dans la procédure au principal, il ressort du dossier dont dispose la Cour, sous réserve de l’appréciation des faits qu’il revient à la juridiction de renvoi d’effectuer, que le dommage allégué par le VKI consiste en une moins-value des véhicules en cause résultant de la différence entre le prix que l’acquéreur a payé pour un tel véhicule et la valeur réelle de celui-ci en raison de l’installation d’un logiciel manipulant les données relatives aux rejets des gaz d’échappement."

Motif 30 : "Par conséquent, alors même que ces véhicules se trouvaient affectés d’un vice dès l’installation de ce logiciel, il y a lieu de considérer que le dommage invoqué ne s’est matérialisé qu’au moment de l’achat desdits véhicules, par leur acquisition pour un prix supérieur à leur valeur réelle".

Motif 31 : "Un tel préjudice, qui n’existait pas avant l’achat du véhicule par l’acquéreur final s’estimant lésé, constitue un dommage initial au sens de la jurisprudence rappelée au point 26 du présent arrêt et non une conséquence indirecte du préjudice éprouvé initialement par d’autres personnes au sens de la jurisprudence citée au point 27 du présent arrêt".

Motif 32 : "Par ailleurs, contrairement à ce que la juridiction de renvoi considère, ce dommage ne constitue pas non plus un préjudice purement patrimonial".

Motif 33 : "Certes, l’action en dommages et intérêts en cause au principal vise à obtenir une compensation de la réduction de la valeur des véhicules en cause estimée à 30 % de leur prix d’achat, c’est-à-dire une compensation financière quantifiable. Toutefois, ainsi que l’a relevé la Commission européenne dans ses observations écrites, le fait que la demande de dommages et intérêts soit exprimée en euros ne signifie pas pour autant qu’il s’agisse d’un préjudice purement patrimonial. En effet, contrairement aux affaires ayant donné lieu aux arrêts du 10 juin 2004, Kronhofer (C‑168/02, EU:C:2004:364), du 28 janvier 2015, Kolassa (C‑375/13, EU:C:2015:37), ainsi que du 12 septembre 2018, Löber (C‑304/17, EU:C:2018:701), dans lesquelles des investissements financiers avaient entraîné une diminution des avoirs financiers des personnes concernées sans aucun lien avec un bien matériel, dans l’affaire au principal, est en cause un vice affectant des véhicules, lesquels sont des biens matériels".

Motif 34 : "Ainsi, plutôt que d’un préjudice purement patrimonial, il s’agit en l’occurrence d’un dommage matériel résultant en une perte de valeur de chaque véhicule concerné et découlant du fait que, avec la révélation de l’installation du logiciel manipulant les données relatives aux rejets des gaz d’échappement, le paiement effectué pour l’acquisition d’un tel véhicule a pour contrepartie un véhicule affecté d’un vice et, partant, ayant une valeur moindre."

Dispositif (et motif 40) : "L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que, lorsque des véhicules ont été illégalement équipés dans un État membre par leur constructeur d’un logiciel manipulant les données relatives aux rejets des gaz d’échappement avant d’être acquis auprès d’un tiers dans un autre État membre, le lieu de la matérialisation du dommage se situe dans ce dernier État membre."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

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