Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 8 févr. 2024, Inkreal, Aff. C-566/22

Aff. C-566/22, Concl. J. Richard de la Tour

Motif 28 : "(…) il y a lieu de relever que l’interprétation de l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, selon laquelle une convention attributive de juridiction telle que celle en cause au principal [une clause désignant les juridictions tchèques contenue dans un contrat liant deux parties domiciliées en Slovaquie] est couverte par cette disposition, répond à l’objectif de sécurité juridique poursuivi par ce règlement. 

Motif 29 : En effet, d’une part, dans la mesure où des parties à un contrat, établies dans le même État membre, peuvent valablement convenir de la compétence des juridictions d’un autre État membre pour connaître de litiges nés de ce contrat, et ce sans qu’il soit nécessaire que ledit contrat présente des liens supplémentaires avec cet autre État membre, une telle possibilité contribue à assurer que le demandeur connaisse la juridiction qu’il peut saisir, que le défendeur prévoie celle devant laquelle il peut être attrait et que le juge saisi soit en mesure de se prononcer aisément sur sa propre compétence. 

Motif 30 : D’autre part, l’applicabilité de l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 à une convention attributive de juridiction telle que celle en cause au principal réduit la possibilité de procédures concurrentes et évite que des décisions inconciliables ne soient rendues dans différents États membres, ainsi que le commande l’objectif d’un fonctionnement harmonieux de la justice, visé au considérant 21 de ce règlement. 

Motif 31 : En effet, si, en l’occurrence, la juridiction compétente était déterminée non pas selon les dispositions du règlement n° 1215/2012, mais selon les règles nationales de droit international privé des États membres concernés, il existerait un risque accru de conflits de compétence préjudiciables à la sécurité juridique, l’application de ces règles nationales étant susceptible de conduire à des solutions divergentes. 

Motif 32 : Il convient d’ajouter que l’objectif de sécurité juridique se trouverait également compromis si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 n’était applicable qu’à la condition qu’il existe, au-delà de la convention attributive de juridiction en faveur des juridictions d’un autre État membre, des éléments supplémentaires de nature à démontrer l’incidence transfrontière du litige concerné.

Motif 33 : En effet, dès lors qu’une telle condition implique que le juge saisi devrait vérifier l’existence de tels éléments supplémentaires et en apprécier la pertinence, non seulement se verrait réduite la prévisibilité pour les parties contractantes de la juridiction compétente pour connaître de leur litige, mais l’examen, par le juge saisi, de sa propre compétence serait rendu plus complexe. 

Motif 34 : Or, la Cour a déjà jugé, dans ce contexte, que le choix de la juridiction désignée dans une convention attributive de juridiction ne peut être apprécié qu’au regard de considérations qui se rattachent aux exigences établies à l’article 25 du règlement n° 1215/2012, des considérations relatives aux liens entre la juridiction désignée et le rapport litigieux ou au bien-fondé de la convention attributive de juridiction étant étrangères à ces exigences (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 1999, Castelletti, C‑159/97, EU:C:1999:142, point 5 du dispositif). 

Motif 35 : Il y a lieu de souligner, par ailleurs, que l’applicabilité de l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 à une convention attributive de juridiction telle que celle en cause au principal reflète la confiance réciproque dans l’administration de la justice au sein de l’Union, visée au considérant 26 de ce règlement, et contribue ainsi à maintenir et à développer un espace de liberté, de sécurité et de justice, entre autres en facilitant l’accès à la justice, au sens du considérant 3 dudit règlement. 

Motif 36 : Enfin, la règle énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, de la convention de La Haye, du 30 juin 2005, sur les accords d’élection de for, convention figurant à l’annexe I de la décision 2009/397/CE du Conseil, du 26 février 2009, relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, de la convention sur les accords d’élection de for (JO 2009, L 133, p. 1), et approuvée par la décision 2014/887/UE du Conseil, du 4 décembre 2014 (JO 2014, L 353, p. 5), ne vient pas infirmer cette interprétation. En vertu de cette disposition, « une situation est internationale sauf si les parties résident dans le même État contractant et si les relations entre les parties et tous les autres éléments pertinents du litige, quel que soit le lieu du tribunal élu, sont liés uniquement à cet État ». 

Motif 37 : À cet égard, il convient de relever que, comme l’a fait valoir la Commission, la règle énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, de cette convention reflète un choix propre aux auteurs de celle-ci, opéré au regard de la nécessité d’apporter une solution susceptible d’emporter une large adhésion au niveau international. 

Dispositif (et point 39) : L’article 25, paragraphe 1, du règlement [Bruxelles I bis], doit être interprété en ce sens que : une convention attributive de juridiction par laquelle les parties à un contrat établies dans un même État membre conviennent de la compétence des juridictions d’un autre État membre pour connaître de litiges nés de ce contrat relève de cette disposition, même si ledit contrat ne comporte aucun autre lien avec cet autre État membre".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 7 sept. 2023, Beverage City & Lifestyle GmbH e.a. c. Advance Magazine Publishers, Aff. C-832/21

Aff. C-832/21, Concl. J. Richard de la Tour

Dispositif : "L’article 8, point 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : plusieurs défendeurs domiciliés dans différents États membres peuvent être attraits devant la juridiction du domicile de l’un d’eux saisie, dans le cadre d’une action en contrefaçon, de demandes formées contre l’ensemble de ces défendeurs par le titulaire d’une marque de l’Union européenne lorsqu’il leur est reproché une atteinte matériellement identique à cette marque commise par chacun, dans le cas où ces défendeurs sont liés par un contrat de distribution exclusive."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Concl., 16 nov. 2023, sur Q. préj. (ES), 25 mai 2022, Maersk A/S, Aff. C-345/22

1) La règle visée à l’article 25 du règlement n° 1215/2012, qui prévoit que la nullité de la convention attributive de juridiction doit être appréciée conformément au droit de l’État membre auquel les parties ont attribué la compétence, s’applique-t-elle également – dans une situation telle que celle du litige au principal – à la question de la validité de l’extension de la clause à un tiers n’étant pas partie au contrat dans lequel la clause est insérée ?

Conclusions de l'AG A. M. Collins : 

"65. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par l’Audiencia Provincial de Pontevedra (cour provinciale de Pontevedra, Espagne) :

Français

CJUE, 13 déc. 2023, P. G. [Avdzhilov], Aff. C-319/23

Dispositif : "L’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) doit être interprété en ce sens que : lorsque cette disposition est applicable, une juridiction d’un État membre saisie d’une action visant à obtenir une indemnisation sur le fondement du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, doit apprécier sa compétence tant internationale que territoriale au regard de cette disposition, nonobstant l’éventuelle existence, dans la législation nationale, d’autres fors compétents en faveur des consommateurs".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 9 mars 2023, JA c. Wurth Automotive, Aff. C-177/22

Dispositif 1:  "L’article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que :

afin de déterminer si une personne ayant conclu un contrat relevant du point c) de cette disposition peut être qualifiée de « consommateur », au sens de ladite disposition, il convient de tenir compte des finalités actuelles ou futures poursuivies par la conclusion de ce contrat, indépendamment de la nature salariée ou indépendante de l’activité exercée par cette personne."

Dispositif 2 : "L’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que :

afin de déterminer si une personne ayant conclu un contrat relevant du point c) de cette disposition peut être qualifiée de « consommateur », au sens de ladite disposition, il peut être tenu compte de l’impression créée par le comportement de cette personne dans le chef de son cocontractant, consistant notamment en une absence de réaction de la personne qui invoque la qualité de consommateur aux stipulations du contrat la désignant en tant qu’entrepreneuse, en la circonstance qu’elle a conclu ce contrat par le truchement d’un intermédiaire, exerçant des activités professionnelles dans le domaine dont relève ledit contrat, qui, après la signature de ce même contrat, a interrogé l’autre partie sur la possibilité de mentionner la taxe sur la valeur ajoutée sur la facture afférente ou encore en la circonstance qu’elle a vendu le bien faisant l’objet du contrat peu après la conclusion de celui-ci et a réalisé un bénéfice éventuel."

Dispositif 3 : "L’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que :

lorsqu’il s’avère impossible de déterminer à suffisance de droit, dans le cadre de l’appréciation globale des informations qui sont à la disposition d’une juridiction nationale, certaines circonstances entourant la conclusion d’un contrat, s’agissant notamment des mentions de ce contrat ou de l’intervention d’un intermédiaire lors de cette conclusion, celle-ci doit apprécier la valeur probante de ces informations selon les règles de droit national, y compris en ce qui concerne la question de savoir si le bénéfice du doute doit profiter à la personne qui invoque la qualité de « consommateur », au sens de cette disposition."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 13 avr. 2023, n° 22-12965

Dispositif : "RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne les questions suivantes :

1°) En présence d'une clause attributive de juridiction asymétrique offrant à l'une seulement des parties la possibilité d'opter pour une juridiction de son choix, compétente selon les règles de droit commun, autre que celle mentionnée par cette même clause, si l'autre partie soutient que cette clause est illicite en raison de son imprécision et/ou de son caractère déséquilibré, cette question doit-elle être tranchée au regard de règles autonomes tirées de l'article 25, § 1, du règlement Bruxelles I bis et de l'objectif de prévisibilité et de sécurité juridique poursuivi par ce règlement, ou doit-elle être tranchée en faisant application du droit de l'Etat membre désigné par la clause. Autrement dit, cette question relève-t-elle au sens de cet article, de la validité au fond de la clause ? Faut-il au contraire considérer que les conditions de validité au fond de la clause s'interprètent de manière restrictive et ne visent que les seules causes matérielles de nullité, et principalement la fraude, l'erreur, le dol, la violence et l'incapacité ?

2°) Si la question de l'imprécision ou du caractère déséquilibré de la clause doit être tranchée au regard de règles autonomes, l'article 25, § 1, du règlement Bruxelles I bis doit-il être interprété en ce sens qu'une clause qui n'autorise une partie à saisir qu'un seul tribunal, alors qu'elle permet à l'autre de saisir, outre ce tribunal, toute autre juridiction compétente selon le droit commun doit ou ne doit pas recevoir application ?

3°) Si l'asymétrie d'une clause relève d'une condition de fond, comment faut-il interpréter ce texte et particulièrement le renvoi au droit de l'Etat de la juridiction désignée lorsque plusieurs juridictions sont désignées par la clause, ou lorsque la clause désigne une juridiction tout en laissant une option à l'une des parties pour choisir une autre juridiction et que ce choix n'a pas été encore fait au jour où le juge est saisi :

- la loi nationale applicable est-elle celle de la seule juridiction explicitement désignée, peu important que d'autres puissent également être saisies ?

- en présence d'une pluralité de juridictions désignées, est-il possible de se référer au droit de la juridiction effectivement saisie ?

- enfin, eu égard au considérant n° 20 du règlement Bruxelles I bis, faut-il comprendre que le renvoi au droit de la juridiction de l'Etat membre désigné s'entend des règles matérielles de cet Etat ou de ses règles de conflit de lois ?

SURSOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ; (…)"

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 1er févr. 2023, n° 20-15703

Motifs : "7. Aux termes de l'article 7, paragraphe 2, règlement (UE) n° 1215/2012 (…) dit Bruxelles I bis :

« Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : [...]

2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. »

8. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé qu'eu égard à la nature ubiquitaire des données et des contenus mis en ligne sur un site Internet et au fait que la portée de leur diffusion est en principe universelle, une demande visant à la rectification des premières et à la suppression des seconds est une et indivisible et ne peut, par conséquent, être portée que devant une juridiction compétente pour connaître de l'intégralité d'une demande de réparation du dommage et non devant une juridiction qui n'a pas une telle compétence (arrêt du 17 octobre 2017, C-194/16, point 48 ; arrêt du 21 décembre 2021, C-251/20, point 32).

9. La cour d'appel a relevé que les demandes formulées par les sociétés Enigma étaient limitées à la réparation du préjudice subi en France et aux mesures adéquates de réparation et de prévention de tout nouveau dommage sur ce territoire seulement et a retenu que les pièces produites établissaient que la société Malwarebytes ciblait le marché français et mettait à disposition des utilisateurs un site internet en langue française à partir duquel ils pouvaient, à l'aide d'instructions en français, procéder au téléchargement et à l'installation d'une version française des logiciels et obtenir des informations en français de sorte qu'il s'agissait bien d'un site destiné au public français.

10. Elle a ainsi fait ressortir que l'action en cessation partielle et non intégrale des sociétés Enigma, visant une géo-rectification limitée au territoire français à l'exception de tous les autres, était divisible d'un point de vue géographique et non pas une et indivisible.

11. Elle en a exactement déduit, sans méconnaître la jurisprudence européenne qui concerne le retrait pur et simple du contenu litigieux du réseau internet indépendamment de toute considération géographique, que les sociétés Enigma pouvaient saisir la juridiction française."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 1er févr. 2023, n° 20-15703

Motifs : "4. Il résulte de son article 4 que le règlement (UE) n° 1215/2012 (…) dit Bruxelles I bis, n'est pas applicable à la société Malawarebytes Inc. [société de droit américain], défenderesse en première instance qui n'est pas domiciliée sur le territoire d'un Etat membre".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 1er févr. 2023, n° 20-15703

Motifs : "4. Il résulte de son article 4 que le règlement (UE) n° 1215/2012 (…) dit Bruxelles I bis, n'est pas applicable à la société Malawarebytes Inc. [société de droit américain], défenderesse en première instance qui n'est pas domiciliée sur le territoire d'un Etat membre".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 6 oct. 2021, TOTO, Aff. C-581/20

Aff. C-581/20, Concl. M. A. Rantos

Motif 59 : "S’il découle (…) de l’économie du règlement n° 1215/2012 que les effets des décisions prononcées par les juridictions d’un État membre compétentes pour connaître du fond et ceux des décisions des juridictions d’autres États membres diffèrent, il n’en demeure pas moins que ce règlement n’instaure pas de hiérarchie entre ces fors".

Motif 60 : "En particulier, il ne ressort aucunement des termes de l’article 35 dudit règlement que celui-ci confère aux juridictions d’un État membre compétentes pour connaître du fond une compétence de principe pour adopter des mesures provisoires ou conservatoires, impliquant que les juridictions d’autres États membres ne seraient plus compétentes pour adopter de telles mesures, une fois que ces premières juridictions ont été saisies d’une demande aux fins de prononcer de telles mesures ou qu’elles ont statué sur une telle demande".

Dispositif 2 : "L’article 35 du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une juridiction d’un État membre saisie d’une demande de mesures provisoires ou conservatoires au titre de cette disposition n’est pas tenue de se déclarer incompétente lorsque la juridiction d’un autre État membre, compétente pour connaître du fond, a déjà statué sur une demande ayant le même objet et la même cause et formée entre les mêmes parties".

Motif 64 : "Cette disposition établit (…) un chef de compétence alternatif en faveur des juridictions d’un État membre autre que celui dont les juridictions sont compétentes pour connaître du fond, mais il ne garantit pas l’octroi d’une mesure provisoire ou conservatoire dans un litige concret, qui reste entièrement soumis à la réglementation de l’État membre saisi."

Motif 65 : "Dès lors, une disposition nationale qui restreint la possibilité d’ordonner une mesure en référé relative à un recours portant sur une créance pécuniaire à l’égard de l’État et de certaines de ses autorités publiques ne saurait être regardée comme étant incompatible avec la règle de compétence posée à l’article 35 du règlement n° 1215/2012".

Dispositif 3 : "L’article 35 du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une demande de mesures provisoires ou conservatoires doit être examinée au regard de la loi de l’État membre de la juridiction saisie et ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui n’autorise pas une action en référé relative à un recours portant sur une créance pécuniaire à l’égard de l’État ou d’une autorité publique".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

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