Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Q. préj. (FR), 14 févr. 2022, Eurelec Trading SCRL, Aff. C-98/22

La matière ʻcivile et commercialeʼ définie à l’article 1er, paragraphe 1 du règlement (UE) n°1215/2012 (…) doit-elle être interprétée comme intégrant dans son champ d’application l’action – et la décision judiciaire rendue à son issue – (i) intentée par le Ministre français de l’Économie et des Finances sur le fondement de l’article L.

Français

CJUE, 24 nov. 2022, Tilman, Aff. C-358/21 [Conv. Lugano II]

Motif 51 : "Dans la mesure où, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I, tel qu’interprété par la Cour, la transmission des informations concernées est réalisée si ces informations sont accessibles au moyen d’un écran, le renvoi, dans le contrat écrit, à des conditions générales par la mention du lien hypertexte d’un site Internet dont l’accès permet, en principe, de prendre connaissance de ces conditions générales, pour peu que ce lien hypertexte fonctionne et puisse être actionné par une partie appliquant une diligence normale, équivaut a fortiori à une preuve de communication de ces informations".

Motif 52 : "Dans un tel cas de figure, la circonstance qu’il n’existe, sur la page du site Internet en cause, aucune case susceptible d’être cochée aux fins d’exprimer l’acceptation de ces conditions générales ou que la page contenant ces conditions ne s’ouvre pas automatiquement lors de l’accès audit site Internet n’est pas en mesure de remettre en cause une telle conclusion (voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, El Majdoub, C‑322/14, EU:C:2015:334, point 39), dès lors que l’accès auxdites conditions générales est possible avant la signature du contrat et que l’acceptation de ces conditions intervient moyennant signature par la partie contractante concernée".

Motif 56 : "En tout état de cause, et même si la juridiction de renvoi n’a pas interrogé la Cour sur l’éventuelle existence d’un usage du commerce international connu des parties, il convient d’ajouter que, en dehors des deux options que l’article 23, paragraphe 1, de la convention de Lugano II prévoit à son point a), à savoir la conclusion écrite ou la conclusion verbale avec confirmation écrite, cet article 23, paragraphe 1, ajoute, à ses points b) et c), qu’une clause attributive de juridiction peut également être conclue, respectivement, sous une forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ou, dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée (voir, par analogie, arrêt du 8 mars 2018, Saey Home & Garden, C‑64/17, EU:C:2018:173, point 31)".

Dispositif : "L’article 23, paragraphes 1 et 2, de la [Convention de Lugano du 30 oct. 2007], doit être interprété en ce sens que : une clause attributive de juridiction est valablement conclue lorsqu’elle est contenue dans des conditions générales auxquelles le contrat conclu par écrit renvoie par la mention du lien hypertexte d’un site Internet dont l’accès permet, avant la signature dudit contrat, de prendre connaissance desdites conditions générales, de les télécharger et de les imprimer, sans que la partie à laquelle cette clause est opposée ait été formellement invitée à accepter ces conditions générales en cochant une case sur ledit site Internet".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-11085

Motifs : "Vu l'article 8, point 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…)  

4. La Cour de justice de l'Union européenne (CJCE, 12 juillet 2012, aff. C-616/10) a dit pour droit, à propos de l'article 6, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, rédigé en des termes identiques à l'article 8 point 1 précité, que ce texte « doit être interprété en ce sens qu'une situation dans laquelle deux ou plusieurs sociétés établies dans différents États membres sont accusées, chacune séparément, dans une procédure pendante devant une juridiction d'un de ces États membres, de contrefaçon à la même partie nationale d'un brevet européen, tel qu'en vigueur dans un autre État membre, en raison d'actes réservés concernant le même produit, est susceptible de conduire à des solutions inconciliables si les causes étaient jugées séparément, au sens de cette disposition. Il appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier l'existence d'un tel risque en tenant compte de tous les éléments pertinents du dossier. » 

5. Pour déclarer les juridictions françaises incompétentes pour connaître des actes de contrefaçon commis par la société Tyron Runflat en dehors du territoire français, l'arrêt retient que les atteintes prétendument portées en Grande Bretagne et en Allemagne aux parties anglaise et allemande de son brevet européen ne relèvent pas de la même situation de droit que celles portées à la partie française du brevet et que les produits incriminés en France et ceux qui le sont hors du territoire français ne sont pas les mêmes, de sorte qu'il n'y a pas identité de situation de droit et de fait dans les demandes portant sur des actes de contrefaçon commis sur le territoire français et en dehors du territoire, les décisions relatives aux demandes risquant d'être divergentes mais pas inconciliables. 

6. En statuant ainsi, alors que la société Hutchinson invoquait les atteintes portées par les sociétés françaises et la société Tyron, en France, en Allemagne et en Grande Bretagne, aux mêmes parties nationales de son brevet européen, concernant le même produit, la cour d'appel, à qui il appartenait de rechercher si le fait de juger séparément les actions en contrefaçon n'était pas susceptible de conduire à des solutions inconciliables, a violé le texte susvisé".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-11722

Motifs : 

"Enoncé du moyen

4. Les sociétés BGFI font grief à l'arrêt de déclarer les tribunaux français compétents [saisis par un ressortissant congolais, réfugié politique en France], alors « que l'égalité de traitement entre les réfugiés ayant leur résidence habituelle dans un Etat et les ressortissants de cet Etat prévue, s'agissant de l'accès aux tribunaux, par l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ne s'applique pas au privilège de juridiction instauré par l'article 14 du code civil à l'égard des seuls ressortissants français ; qu'en l'espèce, en retenant que l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève devait être interprété comme instaurant une égalité de traitement entre un ressortissant français et un réfugié au regard de l'article 14 du code civil, la cour d'appel a violé les articles susvisés. »

Réponse de la Cour

5. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne.

6. L'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) dispose :

« 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, § 1, de l'article 21, § 2, et des articles 24 et 25.

2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, § 1, point a). »

7. L'article 21 dispose :

«1. Un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait :

a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ; ou

b) dans un autre État membre :

i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou

ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.

2. Un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant les juridictions d'un État membre conformément au § 1, point b). »

8. Selon l'article 14 du code civil, un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France. 9. Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que ni le domicile du défendeur, ni le lieu d'accomplissement du travail, ni celui où se trouve l'établissement qui a embauché le salarié ne sont situés sur le territoire d'un Etat membre, le conflit de juridictions est réglé selon les dispositions du droit national qui ont été notifiées à la Commission européenne, au nombre desquelles figure l'article 14 du code civil, et que les étrangers domiciliés dans l'Etat du for peuvent s'en prévaloir au même titre que les nationaux.

10. La cour d'appel ayant constaté que le demandeur était domicilié en France et les défendeurs, hors de l'Union européenne, et que M. [E] [I] avait été embauché en République démocratique du Congo où s'était déroulée son activité professionnelle, il s'en déduit que le demandeur pouvait invoquer l'article 14 du code civil.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-11722

Motifs : 

"Enoncé du moyen

4. Les sociétés BGFI font grief à l'arrêt de déclarer les tribunaux français compétents [saisis par un ressortissant congolais, réfugié politique en France], alors « que l'égalité de traitement entre les réfugiés ayant leur résidence habituelle dans un Etat et les ressortissants de cet Etat prévue, s'agissant de l'accès aux tribunaux, par l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ne s'applique pas au privilège de juridiction instauré par l'article 14 du code civil à l'égard des seuls ressortissants français ; qu'en l'espèce, en retenant que l'article 16, alinéa 2 de la Convention de Genève devait être interprété comme instaurant une égalité de traitement entre un ressortissant français et un réfugié au regard de l'article 14 du code civil, la cour d'appel a violé les articles susvisés. »

Réponse de la Cour

5. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne.

6. L'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) dispose :

« 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, § 1, de l'article 21, § 2, et des articles 24 et 25.

2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, § 1, point a). »

7. L'article 21 dispose : «

1. Un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait :

a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ; ou

b) dans un autre État membre :

i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou

ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.

2. Un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant les juridictions d'un État membre conformément au § 1, point b). »

8. Selon l'article 14 du code civil, un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France. 9. Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que ni le domicile du défendeur, ni le lieu d'accomplissement du travail, ni celui où se trouve l'établissement qui a embauché le salarié ne sont situés sur le territoire d'un Etat membre, le conflit de juridictions est réglé selon les dispositions du droit national qui ont été notifiées à la Commission européenne, au nombre desquelles figure l'article 14 du code civil, et que les étrangers domiciliés dans l'Etat du for peuvent s'en prévaloir au même titre que les nationaux.

10. La cour d'appel ayant constaté que le demandeur était domicilié en France et les défendeurs, hors de l'Union européenne, et que M. [E] [I] avait été embauché en République démocratique du Congo où s'était déroulée son activité professionnelle, il s'en déduit que le demandeur pouvait invoquer l'article 14 du code civil.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-10106

Motifs :

"Recevabilité du moyen

4. Les sociétés BGFI [poursuivies en France par un ancien employé, de nationalité congolaise et bénéficiant du statut de réfugié politique] contestent la recevabilité du moyen [pris pour violation des articles 6 du règlement Bruxelles I bis et 14 du code civil]. Elles soutiennent, d'une part, qu'il est nouveau dès lors que l'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) n'a pas été invoqué devant les juges du fond, d'autre part, qu'il est mélangé de fait dès lors que cette disposition, qui renvoie aux règles nationales de conflit de juridictions lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un Etat de l'Union, n'est applicable que si l'article 21, paragraphe 2, relatif à la compétence en matière de contrat de travail ne l'est pas, ce que la cour d'appel n'a pas recherché.

5. Cependant, l'article 21, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I bis ne fixe les règles de compétence en matière de contrat de travail, lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un Etat de l'Union, que si le travail a été accompli, ou si l'établissement qui a procédé à l'embauche était situé, sur le territoire d'un Etat membre.

6. La cour d'appel ayant relevé, d'une part, que le demandeur était domicilié en France et les sociétés défenderesses, respectivement au Gabon et en République démocratique du Congo, d'autre part, que les faits sur lesquels se fondait la demande s'étaient entièrement déroulés dans ce dernier pays, d'où il se déduisait que le litige n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 21, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.

7. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 6 du règlement Bruxelles I bis et l'article 14 du code civil :

8. Le premier de ces textes dispose :

« 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe 1, de l'article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25.

2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, paragraphe 1, point a). »

9. Il résulte du second, qui est au nombre des dispositions notifiées à la Commission en application des dispositions précitées, qu'un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France.

10. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne.

11. Pour refuser à M. [Y] [O] le bénéfice de l'article 14 du code civil et déclarer les juridictions françaises incompétentes, l'arrêt retient que l'égalité de traitement entre nationaux et réfugiés, prévue à l'article 16 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, vise les règles de jouissance des droits et non les règles de compétence judiciaire et ne saurait conduire à étendre la compétence du juge français au détriment de celle du juge étranger résultant du jeu normal des règles de conflit de juridictions.

12. En statuant ainsi, alors que l'article 6, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I bis permet à l'étranger de se prévaloir de l'article 14 du code civil, sous la seule condition qu'il soit domicilié en France et que le défendeur le soit en dehors d'un Etat membre de l'Union européenne, la cour d'appel, à qui il incombait de vérifier l'application de ce dernier texte au regard des dispositions issues de ce règlement, a violé les textes susvisés."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 29 juin 2022, n° 21-10106

Motifs :

"Recevabilité du moyen

4. Les sociétés BGFI [poursuivies en France par un ancien employé, de nationalité congolaise et bénéficiant du statut de réfugié politique] contestent la recevabilité du moyen [pris pour violation des articles 6 du règlement Bruxelles I bis et 14 du code civil]. Elles soutiennent, d'une part, qu'il est nouveau dès lors que l'article 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…) n'a pas été invoqué devant les juges du fond, d'autre part, qu'il est mélangé de fait dès lors que cette disposition, qui renvoie aux règles nationales de conflit de juridictions lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un Etat de l'Union, n'est applicable que si l'article 21, paragraphe 2, relatif à la compétence en matière de contrat de travail ne l'est pas, ce que la cour d'appel n'a pas recherché.

5. Cependant, l'article 21, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I bis ne fixe les règles de compétence en matière de contrat de travail, lorsque le défendeur n'est pas domicilié dans un Etat de l'Union, que si le travail a été accompli, ou si l'établissement qui a procédé à l'embauche était situé, sur le territoire d'un Etat membre.

6. La cour d'appel ayant relevé, d'une part, que le demandeur était domicilié en France et les sociétés défenderesses, respectivement au Gabon et en République démocratique du Congo, d'autre part, que les faits sur lesquels se fondait la demande s'étaient entièrement déroulés dans ce dernier pays, d'où il se déduisait que le litige n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 21, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.

7. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 6 du règlement Bruxelles I bis et l'article 14 du code civil :

8. Le premier de ces textes dispose :

« 1. Si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe 1, de l'article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25.

2. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui est domiciliée sur le territoire d'un État membre, peut, comme les ressortissants de cet État membre, invoquer dans cet État membre contre ce défendeur les règles de compétence qui y sont en vigueur et notamment celles que les États membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, paragraphe 1, point a). »

9. Il résulte du second, qui est au nombre des dispositions notifiées à la Commission en application des dispositions précitées, qu'un Français, du seul fait de sa nationalité, a le droit d'attraire un étranger devant une juridiction française de son choix, lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France.

10. Il incombe aux juridictions des États membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct du droit de l'Union européenne.

11. Pour refuser à M. [Y] [O] le bénéfice de l'article 14 du code civil et déclarer les juridictions françaises incompétentes, l'arrêt retient que l'égalité de traitement entre nationaux et réfugiés, prévue à l'article 16 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, vise les règles de jouissance des droits et non les règles de compétence judiciaire et ne saurait conduire à étendre la compétence du juge français au détriment de celle du juge étranger résultant du jeu normal des règles de conflit de juridictions.

12. En statuant ainsi, alors que l'article 6, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I bis permet à l'étranger de se prévaloir de l'article 14 du code civil, sous la seule condition qu'il soit domicilié en France et que le défendeur le soit en dehors d'un Etat membre de l'Union européenne, la cour d'appel, à qui il incombait de vérifier l'application de ce dernier texte au regard des dispositions issues de ce règlement, a violé les textes susvisés."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 15 juin 2022, n° 18-24850

Motifs :

"7. Répondant à la question préjudicielle précitée (Civ. 1e, 13 mai 2020, n° 18-24850), la CJUE (CJUE, 21 déc. 2021, aff. C-231/20) a dit pour droit :

« L'article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens qu'une personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants à son égard sur Internet, agit simultanément aux fins, d'une part, de rectification et de suppression des contenus mis en ligne la concernant et, d'autre part, de réparation du préjudice qui aurait résulté de cette mise en ligne peut demander, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel ces propos sont ou étaient accessibles, la réparation du préjudice qui lui aurait été causé dans l'État membre de la juridiction saisie, bien que ces juridictions ne soient pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression. »

8. Pour accueillir l'exception d'incompétence internationale, l'arrêt retient qu'il ne suffit pas, pour que les juridictions françaises soient compétentes, que les propos dénigrants postés sur internet soient accessibles en France, mais qu'il faut encore qu'ils soient destinés à un public français.

9. En statuant ainsi, alors que, l'action tendant à la fois à la cessation de la mise en ligne des propos dénigrants, à la publication d'un rectificatif et à l'allocation de dommages-intérêts pour les préjudices subis en France, la dernière demande pouvait être portée devant la juridiction française dès lors qu'elle tendait à la réparation du seul préjudice causé sur le territoire de cet État membre et que le contenu attentatoire était accessible ou l'avait été sur ce territoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. 

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 

12. La cour d'appel ayant constaté que les messages litigieux étaient accessibles en France, il en résulte que les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître des demandes d'indemnisation des préjudices causés en France. 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare les juridictions françaises incompétentes à l'égard de la demande de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis en France (…)

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 2e, 2 déc. 2021, n° 20-14092

Motifs : "Réponse de la Cour

Vu les articles L. 111-2 et L. 111-3, 1° et 2°, du code des procédures civiles d'exécution et l'article 41, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 :

6. Aux termes du premier de ces textes, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution. Selon le deuxième, seuls constituent des titres exécutoires, d'une part, les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire et, d'autre part, les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d'un recours suspensif d'exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l'Union européenne applicables. Selon le troisième, sous réserve des dispositions de la section 2 du chapitre III du règlement, la procédure d'exécution des décisions rendues dans un autre État membre est régie par le droit de l'État membre requis. Une décision rendue dans un État membre et qui est exécutoire dans l'État membre requis est exécutée dans ce dernier dans les mêmes conditions qu'une décision rendue dans l'État membre requis.

7. Il résulte du dernier de ces textes qu'un jugement rendu dans un autre Etat membre doit répondre, indépendamment de son caractère exécutoire, aux mêmes critères que ceux appliqués, en droit interne, pour déterminer si une décision rendue par une juridiction nationale permet au créancier d'en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur, de sorte qu'il doit, conformément aux dispositions de l'article L. 111-2 précité, constater, à l'encontre de ce dernier, une créance liquide et exigible.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations et énonciations que la transaction ne comportait aucun engagement de M. [R] [D] qui n'y était pas partie, de sorte que le jugement du 9 février 2017, qui ne constatait pas une créance liquide et exigible à son encontre, ne pouvait fonder une mesure d'exécution forcée sur ses biens, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Civ. 1e, 16 févr. 2022, n° 20-20061

Motifs 1: "Selon l'arrêt sur compétence attaqué (Amiens, 7 juillet 2020) la société Opfood product (la société Opfood), dont le siège social est situé à [Localité 3], était liée à la société de droit espagnol Cat Mader par un contrat d'agent commercial comprenant une clause intitulée « compétence juridictionnelle », aux termes de laquelle « Tous les litiges auxquels le présent contrat pourrait donner lieu seront soumis aux tribunaux compétents selon les règles du droit communautaire. Le tribunal du lieu où se trouve le défendeur sera seul compétent »".

Motifs 6 : [après avoir cité le premier alinéa de l'article 25 puis CJCE, 9 novembre 2000, Coreck MaritimeGmbH, C-387/98, motifs 15] "Pour déclarer non écrite la clause attributive de juridiction insérée à l'avenant du 1er février 2017, rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société Cat Mader et décider que le tribunal de commerce de Compiègne est compétent pour connaître du litige, l'arrêt, se référant aux articles 4 et 7 du règlement précité et à l'option de compétence ouverte au demandeur en matière contractuelle, retient qu'il résulte de la première proposition de la clause qu'en application des règles de droit communautaire, la société Opfood bénéficiait d'une option de compétence entre la juridiction du lieu du domicile de la société Cat Mader et celle de son domicile professionnel, en l'occurrence le lieu de son siège social situé à Senlis, de sorte que la seconde proposition, qui ne prime pas sur la première et qui vise la seule compétence du juge du domicile du défendeur, la contredit directement, rendant l'ensemble de la clause contraire au principe de prévisibilité des règles de compétence".

Motifs 7. "En statuant ainsi, en se référant aux règles de conflit applicables en l'absence de clause ou de compétence exclusive et en concluant à une contradiction entre les deux alinéas de la clause qui l'aurait rendue imprévisible, alors qu'en présence d'une clause attributive de compétence, elle devait seulement vérifier, à sa lecture, si cette clause identifiait les éléments objectifs sur lesquels les parties s'étaient mises d'accord pour choisir le tribunal ou les tribunaux auxquels elles entendaient soumettre leurs différends nés ou à naître, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

Pages

Sites de l’Union Européenne

 

Theme by Danetsoft and Danang Probo Sayekti inspired by Maksimer