Union Européenne (CJUE)

CJUE, 7 nov. 2019, K.H.K., Aff. C‑555/18

Aff. C‑555/18, concl. M. Szpunar

Motif 37 : "Afin de déterminer si la juridiction qui a rendu une décision d’injonction de payer sur le fondement du droit national est également compétente pour délivrer une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires [conformément à l'article 6 § 4 du règlement], il y a lieu de vérifier si la « décision », la « transaction judiciaire » ou l’« acte authentique », que le créancier a obtenus dans l’État membre d’origine, doivent, au sens du règlement no 655/2014, être pourvus de force exécutoire".

Motif 40 : "Concernant l’analyse du contexte dans lequel s’inscrit ladite disposition, l’article 7 du règlement no 655/2014, lu en combinaison avec le considérant 14 de celui-ci, vise à établir un juste équilibre entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur, en ce qu’il prévoit des conditions différentes pour la délivrance de l’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires selon que le créancier a déjà obtenu ou non un titre exigeant du débiteur le paiement de sa créance dans l’État membre d’origine. En particulier, dans le premier cas, le créancier ne doit démontrer que le caractère urgent de la mesure du fait de l’existence d’un danger imminent, tandis que, dans le second cas, il doit également convaincre la juridiction du fumus boni iuris".

Motif 41 : "Comme M. l’avocat général l’a souligné aux points 68 et 69 de ses conclusions, une interprétation de l’article 4, points 8 à 10, du règlement no 655/2014, selon laquelle le titre obtenu par le créancier qui n’est pas exécutoire dans l’État membre d’origine constituerait une « décision », un « acte authentique » ou une « transaction judiciaire », au sens de ladite disposition, serait susceptible de porter atteinte à l’équilibre visé au point précédent du présent arrêt".

Motif 42 : "Par ailleurs, cette interprétation est corroborée par le libellé de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 655/2014, lu en combinaison avec son considérant 20, qui prévoit que la demande d’obtention d’informations sur les comptes bancaires du débiteur peut être introduite en présence notamment d’un titre exécutoire. Une telle demande peut être fondée sur un titre non exécutoire à titre d’exception et seulement si certaines conditions plus strictes sont remplies". 

Motif 43 : "Les travaux préparatoires du règlement no 655/2014 confirment également une telle interprétation. La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale [COM(2011) 445 final], distinguait, d’une part, le cas dans lequel le créancier dispose déjà d’une décision, d’une transaction judiciaire ou d’un acte authentique exécutoire dans l’État membre d’exécution et, d’autre part, celui où le créancier n’a pas encore engagé de procédure judiciaire sur le fond ou lorsqu’il a obtenu un titre contre le défendeur qui est exécutoire dans l’État membre d’origine, mais qui n’a pas encore été déclaré exécutoire dans l’État membre d’exécution."

Motif 44 : "Or, cette distinction entre le caractère exécutoire des titres dans l’État membre d’origine et dans l’État membre d’exécution a été abandonnée par le législateur de l’Union et les conditions de délivrance de l’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires qui avaient été envisagées dans l’hypothèse où le créancier détiendrait déjà un titre exécutoire dans l’État membre d’origine ont été transférées de cette hypothèse à celle où le créancier détient un titre exigeant du débiteur le paiement de la créance. Ainsi, il ressort de l’analyse des travaux préparatoires du règlement no 655/2014 que, afin de pouvoir être considéré comme une « décision », une « transaction judiciaire » ou un « acte authentique », au sens dudit règlement, ce titre doit être exécutoire dans l’État membre d’origine". 

Dispositif 1 (et motif 45) : "L’article 4, point 10, du règlement (UE) no 655/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’une injonction de payer, telle que celle en cause au principal, qui n’est pas exécutoire, ne relève pas de la notion d’« acte authentique », au sens de cette disposition".

Saisie des avoirs bancaires

CJUE, 5 déc. 2019, Ordre des avocats du barreau de Dinant, Aff. C‑421/18

Aff. C‑421/18, Concl. H. Saugmandsgaard Øe

Motif 26 : "[Bien qu'un contrat ne soit pas exigé pour le jeu de l'article 7.1 lettre a)] l’identification d’une obligation est néanmoins indispensable à l’application de ladite disposition, étant donné que la compétence juridictionnelle en vertu de celle-ci est établie en fonction du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée. Ainsi, l’application de cette règle présuppose la détermination d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur (arrêt du 8 mai 2019, Kerr, C‑25/18EU:C:2019:376, points 24 et 25 ainsi que jurisprudence citée).

Motif 27 : "Or, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, en vertu de l’article 428, premier alinéa, du code judiciaire belge, l’inscription au tableau de l’Ordre constitue une exigence à laquelle toute personne souhaitant porter le titre d’avocat et en exercer la profession doit nécessairement se conformer."

Motif 28 : "En outre, conformément à l’article 443, premier alinéa, du code judicaire belge, le conseil de l’Ordre peut imposer aux avocats inscrits au tableau le paiement des cotisations fixées par lui, de telle sorte que, lorsque cette autorité décide de faire usage de cette compétence légale, le paiement de ces cotisations revêt, pour les intéressés, un caractère obligatoire".

Motif 29 : "Une telle situation doit être distinguée de celle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 mai 2019, Kerr (C‑25/18EU:C:2019:376) [concernant] une obligation des copropriétaires à l’égard de la copropriété, portant sur le paiement des contributions financières annuelles au budget de la copropriété au titre de l’entretien des parties communes d’un immeuble à appartements".

Motif 31 : "[En effet,] il ressort de la décision de renvoi que l’inscription au tableau de l’Ordre constitue une obligation légale à laquelle l’exercice de la profession d’avocat est subordonné et que les personnes désireuses d’exercer cette profession doivent impérativement adhérer à un ordre d’avocats et se soumettre aux décisions adoptées par cet ordre, notamment en ce qui concerne le paiement de cotisations".

Motif 32 (et dispositif 2, première partie) : "Dans ces conditions, l’article 7, point 1, sous a), du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’une action par laquelle un ordre d’avocats tend à obtenir la condamnation d’un de ses membres au paiement des cotisations professionnelles annuelles qu’il lui impose de payer ne constitue pas, en principe, une action « en matière contractuelle », au sens de cette disposition".

Motif 33 (et dispositif 2, deuxième partie) : "Toutefois, il ne peut être exclu que, outre les relations imposées par la loi, un ordre d’avocats établisse également avec ses membres des relations de nature contractuelle. Ainsi, dans la mesure où ces cotisations constitueraient la contrepartie de prestations librement consenties, notamment d’assurance, que cet ordre aurait négociées auprès d’un tiers afin d’obtenir des conditions plus avantageuses pour les avocats membres dudit ordre, l’obligation d’acquitter lesdites cotisations aurait un caractère contractuel et, partant, une action engagée en vue d’obtenir l’exécution de cette obligation relèverait du champ d’application de l’article 7, point 1, sous a), du règlement n° 1215/2012. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que tel est le cas dans le litige au principal".

Mots-Clefs: 
Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 5 déc. 2019, Ordre des avocats du barreau de Dinant, Aff. C‑421/18

Aff. C‑421/18, Concl. H. Saugmandsgaard Øe

Motif 22 : "A titre liminaire, il y a lieu de relever que, si certains litiges opposant une autorité publique à une personne de droit privé peuvent relever du champ d’application du règlement n° 1215/2012, il en est autrement lorsque l’autorité publique agit dans l’exercice de la puissance publique (arrêts du 11 avril 2013, Sapir e.a., [...] point 33, et du 15 novembre 2018, Kuhn, [...], point 34). En effet, la manifestation de prérogatives de puissance publique par l’une des parties au litige, en raison de l’exercice par celle-ci de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, exclut un tel litige de la « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement (arrêt du 28 février 2019, Gradbeništvo Korana, [...], point 49)".

Motif 23 (et dispositif 1): "Dès lors, un litige portant sur l’obligation pour un avocat d’acquitter des cotisations professionnelles annuelles dont celui-ci est redevable à l’ordre des avocats auquel il appartient ne relève du champ d’application dudit règlement qu’à la condition que, en demandant à cet avocat d’exécuter cette obligation, cet ordre n’agisse pas, en vertu du droit national applicable, dans l’exercice d’une prérogative de puissance publique, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 3 oct. 2019, Jana Petruchová, Aff. C-208/18

Aff. C-208/18, Concl. E. Tanchev

Motif 60 : "(…), il y a encore lieu d’examiner, aux fins de la qualification d’une personne en tant que « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, d’une part, la pertinence de l’exclusion des instruments financiers du champ d’application de l’article 6 du règlement Rome I et, d’autre part, la pertinence de la qualité de « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, de cette personne".

Motif 63 : "S’il ressort, certes, du considérant 7 du règlement Rome I que le champ d’application matériel et les dispositions de ce règlement devraient être cohérents par rapport au règlement n° 44/2001, auquel a succédé le règlement n° 1215/2012, il n’en découle toutefois pas que les dispositions du règlement n° 1215/2012 devraient être interprétées à la lumière de celles du règlement Rome I. En aucun cas la cohérence voulue par le législateur de l’Union ne saurait conduire à donner aux dispositions du règlement n° 1215/2012 une interprétation étrangère au système et aux objectifs de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, Kainz, C‑45/13EU:C:2014:7, point 20)".

Motif 65 : "À cet égard, dans la mesure où, ainsi qu’il a été constaté aux points 48 et 49 du présent arrêt, des instruments financiers tels que des CFD relèvent du champ d’application des articles 17 à 19 du règlement n° 1215/2012, le fait de refuser au consommateur une protection procédurale au seul motif qu’une telle protection ne lui est pas fournie en matière de conflit de lois serait contraire aux objectifs de ce règlement". 

Motif 66 : "Il s’ensuit que l’exclusion des instruments financiers du champ d’application de l’article 6 du règlement Rome I est sans incidence sur la qualification d’une personne de « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012". 

Motif 67 : "Deuxièmement, s’agissant de la pertinence, aux fins de cette qualification, du fait que cette personne soit un « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, il convient de rappeler que cette disposition définit le « client de détail » comme étant « un client qui n’est pas professionnel ». En vertu du point 11 de cet article 4, paragraphe 1, un client professionnel est « tout client respectant les critères prévus à l’annexe II » de ladite directive".

Motif 76 : "En conséquence, bien qu’il ne puisse pas être exclu qu’un « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, puisse être qualifié de « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, s’il est une personne physique agissant en dehors de toute activité commerciale, ces deux notions, compte tenu des différences quant à leur portée et aux objectifs poursuivis par les dispositions les prévoyant, ne se recouvrent pas parfaitement". 

Motif 77 : "Il s’ensuit que la qualité de « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, d’une personne est, en tant que telle, en principe sans incidence aux fins de la qualification de celle-ci en tant que « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012".

Dispositif (et motif 78) : "L’article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens qu’une personne physique qui, en vertu d’un contrat tel qu’un contrat financier pour différences conclu avec une société de courtage, effectue des opérations sur le marché international des changes FOREX (Foreign Exchange) par l’intermédiaire de cette société doit être qualifiée de « consommateur », au sens de cette disposition, si la conclusion de ce contrat ne relève pas de l’activité professionnelle de cette personne, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Aux fins de cette qualification, d’une part, des facteurs tels que la valeur des opérations effectuées en vertu de contrats tels que les contrats financiers pour différences, l’importance des risques de pertes financières liés à la conclusion de tels contrats, les connaissances ou l’expertise éventuelles de ladite personne dans le domaine des instruments financiers ou son comportement actif dans le cadre de telles opérations sont, en tant que tels, en principe sans pertinence et, d’autre part, le fait que les instruments financiers ne relèvent pas de l’article 6 du règlement (CE) n° 593/2008 (…) (Rome I), ou que cette personne soit un « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, est, en tant que tel, en principe sans incidence". 

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 3 oct. 2019, VKI c. TVP, Aff. C-272/18

Aff. C-272/18, concl. H. Saugmandsgaard Øe

Motif 55 : "Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de fiducie, conclu entre un professionnel et un consommateur, relatif à la gestion d’une participation en commandite, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et en vertu de laquelle le droit applicable est celui de l’État du siège de la société en commandite, est abusive, au sens de cette disposition".

Motif 58 : "Si l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Rome et l’article 6, paragraphe 2, du règlement Rome I autorisent, en principe, le recours à une clause relative au choix de la loi applicable, il convient néanmoins de rappeler qu’est abusive, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une telle clause, contenue dans des conditions générales de vente d’un professionnel, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et induit le consommateur en erreur en lui donnant l’impression que seule la loi de l’État membre du siège de ce professionnel s’applique au contrat conclu par voie électronique, sans l’informer du fait qu’il bénéficie également, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, dudit règlement, de la protection que lui assurent les dispositions impératives du droit qui serait applicable en l’absence de cette clause, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier à la lumière de toutes les circonstances pertinentes (arrêt du 28 juillet 2016, VKI c. Amazon, C‑191/15, EU:C:2016:612, point 71)".  

Dispositif 3 (et motif 60) : "L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat de fiducie relatif à la gestion d’une participation en commandite, tel que ceux en cause au principal, conclu entre un professionnel et un consommateur, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et en vertu de laquelle le droit applicable est celui de l’État membre du siège de la société en commandite, est abusive, au sens de cette disposition, lorsqu’elle induit ce consommateur en erreur en lui donnant l’impression que seule la loi de cet État membre s’applique au contrat, sans l’informer du fait qu’il bénéficie également, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 593/2008, de la protection que lui assurent les dispositions impératives du droit national qui serait applicable en l’absence de cette clause". 

Rome I (règl. 593/2008)

CJUE, 3 oct. 2019, VKI c. TVP, Aff. C-272/18

Aff. C-272/18, concl. H. Saugmandsgaard Øe

Motif 47 : "En l’occurrence, il y a lieu de constater que, en application d’un contrat de fiducie tel que ceux en cause au principal, l’administrateur fiduciaire effectue une activité consistant à gérer la chose placée en fiducie, en contrepartie d’une rémunération. Dès lors, un tel contrat doit être considéré comme ayant pour objet une fourniture de services, au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention de Rome et de l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement Rome I".

Motif 48 : "S’agissant, d’autre part, du pays dans lequel les services dus au consommateur doivent être fournis, il convient de déterminer, tout d’abord, si cette question est préalable à la désignation de la loi régissant le contrat ou si elle relève de cette dernière". 

Motif 49 : "Or, comme l’a exposé M. l’avocat général au point 71 de ses conclusions, la question du lieu de fourniture des services dus au consommateur vise à déterminer la loi applicable au contrat et doit, dès lors, être tranchée préalablement à la désignation de celle-ci". 

Motif 51 : "Ainsi, sauf à permettre à un prestataire, tel que TVP, de choisir, au détriment de l’objectif de protection des consommateurs, la loi applicable en recourant à une clause contractuelle déterminant le lieu de fourniture, l’exclusion en cause ne saurait être interprétée en ce sens que les termes « doivent être fournis », au sens de l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement Rome I, se réfèrent à l’obligation contractuellement fixée de réaliser la prestation de services en un lieu déterminé. Comme l’a relevé M. l’avocat général au point 76 de ses conclusions, il importe de vérifier s’il résulte de la nature même des services convenus que ceux-ci ne peuvent être fournis, dans leur ensemble, qu’en dehors de l’État de résidence habituelle du consommateur". 

Motif 52 : "Lorsque, comme le prévoient les contrats en cause au principal, le lieu de réalisation matérielle de la prestation se situe dans un pays différent de celui dans lequel le consommateur en bénéficie, il doit être considéré que les services ne sont fournis « exclusivement » en dehors de l’État membre de résidence habituelle du consommateur que lorsque ce dernier n’a aucune possibilité d’en percevoir le bénéfice dans son État de résidence et doit se rendre à l’étranger à cette fin".

Dispositif 2 (et motif 53) : "L’article 5, paragraphe 4, sous b), de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles et l’article 6, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 593/2008 doivent être interprétés en ce sens que ne relève pas de l’exclusion prévue à ces dispositions un contrat de fiducie en application duquel les services qui sont dus au consommateur doivent être fournis, à distance, dans le pays de résidence habituelle de celui-ci depuis le territoire d’un autre pays". 

Rome I (règl. 593/2008)

CJUE, 3 oct. 2019, VKI c. TVP, Aff. C-272/18

Aff. C-272/18, concl. H. Saugmandsgaard Øe

Motif 37 : "Comme M. l’avocat général l’a relevé aux points 49 à 55 de ses conclusions, si des opérations telles que la vente ou la fiducie portant sur des parts sociales sont de nature à soulever des questions relevant du droit des sociétés, il n’en va pas de même des contrats sous-tendant ces opérations. Notamment la seule circonstance qu’un contrat ait un lien avec des « questions relevant du droit des sociétés » n’a pas pour effet d’exclure du champ d’application du règlement Rome I les obligations trouvant leur source dans ce contrat. Par conséquent, ces questions ne doivent pas être confondues avec des questions d’ordre contractuel. En l’occurrence, l’action en cessation intentée par le VKI porte sur le caractère abusif et, de ce fait, sur la licéité de certaines clauses des contrats de fiducie en cause. Dès lors, les questions posées par le litige au principal relèvent du domaine de la loi régissant le contrat et, partant, du règlement Rome I".

Motif 39 : "Par ailleurs, si les parties au principal sont en désaccord sur le point de savoir si les constituants ont ou non la qualité d’associés, cette question, qui relève du droit des sociétés, n’est pas déterminante dans le cadre de l’affaire au principal. En effet, celle-ci porte non pas sur l’étendue des éventuels droits et obligations que les constituants auraient, en vertu du droit des sociétés applicable, à l’égard des sociétés en commandite, ou les éventuelles obligations des constituants à l’égard des tiers créanciers de la société, mais sur le caractère abusif et, partant, sur la licéité de certaines clauses des contrats de fiducie".

Motif 40 : "Or, ces clauses, qui concernent des questions telles que l’étendue de la responsabilité de TVP en qualité d’administratrice fiduciaire, le lieu de l’exécution des prestations fiduciaires et la loi applicable au contrat de fiducie, ont pour objet de régler les rapports contractuels entre constituants et administrateurs fiduciaires et relèvent, en conséquence, du domaine de la lex contractus. Les obligations en cause au principal ne sont donc pas exclues du champ d’application de la convention de Rome ou du règlement Rome I". 

Dispositif 1 (et motif 41) : "L’article 1er, paragraphe 2, sous e), de la convention [de Rome du] 19 juin 1980, et l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement [Rome I], doivent être interprétés en ce sens que ne sont pas exclues du champ d’application de cette convention et de ce règlement des obligations contractuelles, telles que celles en cause au principal, qui trouvent leur source dans un contrat de fiducie ayant pour objet la gestion d’une participation dans une société en commandite". 

Rome I (règl. 593/2008)

CJUE, 3 oct. 2019, Jana Petruchová, Aff. C-208/18

Aff. C-208/18, Concl. E. Tanchev

Motif 47 : "(…), la Cour est interrogée sur la question de savoir si, dans une situation telle que celle décrite aux points 45 et 46 du présent arrêt, une personne physique peut se voir refuser la qualité de « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, en raison de facteurs tels que les risques liés à la conclusion de contrat tels que les CFD, la valeur des transactions, les connaissances ou l’expertise éventuelles dont dispose cette personne dans le domaine des instruments financiers ou son comportement actif sur le marché FOREX".

Motif 48 : "À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que la Cour a déjà jugé que le champ d’application des dispositions de la section 4 du chapitre II du règlement n° 1215/2012 régissant la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs s’étend à tous les types de contrats, excepté celui précisé à l’article 17, paragraphe 3, de ce règlement, à savoir le contrat de transport autre que celui qui, pour un prix forfaitaire, combine voyage et hébergement (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2019, Pillar Securitisation, C‑694/17EU:C:2019:345, point 42)".

Motif 49 : "Il en découle que des instruments financiers tels que les CFD ["contrats financiers pour différences "] relèvent du champ d’application des articles 17 à 19 du règlement n° 1215/2012".

Motif 50 : "En deuxième lieu, la Cour a précisé également que le champ d’application des dispositions de la même section 4 du chapitre II du règlement n° 1215/2012 n’est pas limité à des montants particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2019, Pillar Securitisation, C‑694/17EU:C:2019:345, point 42)".

Motif 51 : "En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, si les articles 17 à 19 du règlement n° 1215/2012 devaient être interprétés en ce sens qu’ils ne sont pas applicables aux investissements financiers importants, l’investisseur ne serait pas en mesure, dès lors que ce règlement ne fixe pas de seuil au-delà duquel le montant d’une transaction est considéré comme étant important, de savoir s’il bénéficiera de la protection octroyée par ces dispositions, ce qui serait contraire à la volonté du législateur de l’Union, exprimée au considérant 15 dudit règlement, selon lequel les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité".

Motif 52 : "Or, le règlement n° 1215/2012 poursuit un objectif de sécurité juridique qui consiste à renforcer la protection juridique des personnes établies dans l’Union européenne, en permettant à la fois au demandeur d’identifier facilement la juridiction qu’il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait (arrêt du 4 octobre 2018, Feniks, C‑337/17EU:C:2018:805, point 34 et jurisprudence citée)".

Motif 53 : "Il en découle, en tant que corollaire de ce qui précède et notamment du point 51 du présent arrêt, que la circonstance, relevée dans la décision de renvoi, que la conclusion des CFD soit susceptible de comporter, pour un investisseur, des risques importants en termes de pertes financières est, en tant que telle, sans pertinence pour la qualification de celui-ci en tant que « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement". 

Motif 54 : "En troisième lieu, s’agissant du point de savoir si les connaissances et l’expertise d’une personne dans le domaine dont relève le contrat qu’elle a conclu, telles que celles dont dispose Mme Petruchová à l’égard des CFD dans l’affaire au principal, sont susceptibles de la priver de la qualité de « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, il y a lieu de relever que, pour qu’une personne puisse se voir reconnaître cette qualité, il suffit qu’elle conclue un contrat pour un usage étranger à son activité professionnelle. À cet égard, ladite disposition n’impose pas de conditions supplémentaires".

Motif 57 : "En quatrième lieu, il convient de préciser que le comportement actif, sur le marché FOREX, d’une personne qui place ses ordres par l’intermédiaire d’une société de courtage et demeure, de ce fait, responsable du rendement de ses investissements est, en tant que tel, sans incidence sur la qualification de ladite personne en tant que « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012".

Motif 59 : "Par conséquent, s’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, dans le cadre de ses relations contractuelles avec FIBO, Mme Petruchová a effectivement agi en dehors et indépendamment de toute activité d’ordre professionnel, et d’en tirer les conséquences pour ce qui concerne la qualité de « consommateur » de celle-ci, il convient de préciser que, aux fins de cette qualification, des facteurs tels que la valeur des opérations effectuées en vertu de contrats tels que les CFD, l’importance des risques de pertes financières liés à la conclusion de tels contrats, les connaissances ou l’expertise éventuelles de Mme Petruchová dans le domaine des instruments financiers ou encore son comportement actif dans le cadre de telles opérations sont, en tant que tels, en principe sans pertinence".

Motif 60 : "Cela étant précisé, il y a encore lieu d’examiner, aux fins de la qualification d’une personne en tant que « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, d’une part, la pertinence de l’exclusion des instruments financiers du champ d’application de l’article 6 du règlement Rome I et, d’autre part, la pertinence de la qualité de « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, de cette personne".

Motif 63 : "S’il ressort, certes, du considérant 7 du règlement Rome I que le champ d’application matériel et les dispositions de ce règlement devraient être cohérents par rapport au règlement n° 44/2001, auquel a succédé le règlement n° 1215/2012, il n’en découle toutefois pas que les dispositions du règlement n° 1215/2012 devraient être interprétées à la lumière de celles du règlement Rome I. En aucun cas la cohérence voulue par le législateur de l’Union ne saurait conduire à donner aux dispositions du règlement n° 1215/2012 une interprétation étrangère au système et aux objectifs de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, Kainz, C‑45/13EU:C:2014:7, point 20)".

Motif 65 : "À cet égard, dans la mesure où, ainsi qu’il a été constaté aux points 48 et 49 du présent arrêt, des instruments financiers tels que des CFD relèvent du champ d’application des articles 17 à 19 du règlement n° 1215/2012, le fait de refuser au consommateur une protection procédurale au seul motif qu’une telle protection ne lui est pas fournie en matière de conflit de lois serait contraire aux objectifs de ce règlement". 

Motif 66 : "Il s’ensuit que l’exclusion des instruments financiers du champ d’application de l’article 6 du règlement Rome I est sans incidence sur la qualification d’une personne de « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012". 

Motif 67 : "Deuxièmement, s’agissant de la pertinence, aux fins de cette qualification, du fait que cette personne soit un « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, il convient de rappeler que cette disposition définit le « client de détail » comme étant « un client qui n’est pas professionnel ». En vertu du point 11 de cet article 4, paragraphe 1, un client professionnel est « tout client respectant les critères prévus à l’annexe II » de ladite directive".

Motif 76 : "En conséquence, bien qu’il ne puisse pas être exclu qu’un « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, puisse être qualifié de « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, s’il est une personne physique agissant en dehors de toute activité commerciale, ces deux notions, compte tenu des différences quant à leur portée et aux objectifs poursuivis par les dispositions les prévoyant, ne se recouvrent pas parfaitement". 

Motif 77 : "Il s’ensuit que la qualité de « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39, d’une personne est, en tant que telle, en principe sans incidence aux fins de la qualification de celle-ci en tant que « consommateur », au sens de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012".

Dispositif (et motif 78) : "L’article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens qu’une personne physique qui, en vertu d’un contrat tel qu’un contrat financier pour différences conclu avec une société de courtage, effectue des opérations sur le marché international des changes FOREX (Foreign Exchange) par l’intermédiaire de cette société doit être qualifiée de « consommateur », au sens de cette disposition, si la conclusion de ce contrat ne relève pas de l’activité professionnelle de cette personne, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Aux fins de cette qualification, d’une part, des facteurs tels que la valeur des opérations effectuées en vertu de contrats tels que les contrats financiers pour différences, l’importance des risques de pertes financières liés à la conclusion de tels contrats, les connaissances ou l’expertise éventuelles de ladite personne dans le domaine des instruments financiers ou son comportement actif dans le cadre de telles opérations sont, en tant que tels, en principe sans pertinence et, d’autre part, le fait que les instruments financiers ne relèvent pas de l’article 6 du règlement (CE) n° 593/2008 (…) (Rome I), ou que cette personne soit un « client de détail », au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 12, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, est, en tant que tel, en principe sans incidence". 

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 9 oct. 2019, BGL BNP Paribas, Aff. C‑548/18

Motif 37 : "Il s’ensuit que, dans l’état actuel du droit de l’Union, l’absence de règles de conflit visant expressément l’opposabilité des cessions de créances aux tiers constitue un choix du législateur de l’Union".

Dispositif (et motif 38) : "L’article 14 du règlement (CE) n° 593/2008 (…) doit être interprété en ce sens qu’il ne désigne pas, de manière directe ou par analogie, la loi applicable concernant l’opposabilité aux tiers d’une cession de créance en cas de cessions multiples d’une créance par le même créancier à des cessionnaires successifs"

Rome I (règl. 593/2008)

CJUE, 18 sept. 2019, Skarb Państwa Rzeczypospolitej Polskiej (Riel), Aff. C‑47/18

Motif 51 : "L’article 4, paragraphe 2, sous h), du règlement n° 1346/2000 énonce le principe selon lequel les règles concernant la production, la vérification et l’admission des créances sont déterminées par la loi de l’État membre sur le territoire duquel la procédure d’insolvabilité est ouverte. L’article 41 de ce règlement, figurant au chapitre IV de celui-ci, intitulé « Information des créanciers et production de leurs créances », énonce cependant certaines exigences relatives au contenu de la production d’une créance, qui, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 59 et 72 de ses conclusions, doivent être regardées comme constituant des exigences maximales, relatives au contenu de la production d’une créance, pouvant être imposées par une réglementation nationale aux créanciers ayant leur résidence habituelle, leur domicile ou leur siège dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel la procédure d’insolvabilité a été ouverte".

Motif 54 : "Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 41 du règlement n° 1346/2000 ne doit pas faire l’objet d’une interprétation ayant pour effet d’écarter la production d’une créance au motif que la déclaration de créance en cause ne comporte pas l’une des indications énoncées à cet article 41, lorsque la mention de cette indication n’est pas imposée par la loi de l’État membre sur le territoire duquel la procédure d’insolvabilité a été ouverte et que ladite indication peut, sans difficulté particulière, être déduite des pièces justificatives visées audit article 41, ce qu’il appartient à l’autorité compétente, chargée de la vérification des créances, d’apprécier".

Dispositif 3 (et motif 55) : "L’article 41 du règlement (CE) n° 1346/2000 (…), doit être interprété en ce sens qu’un créancier peut, dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, produire une créance sans indiquer formellement la date de naissance de celle-ci, lorsque la loi de l’État membre sur le territoire duquel cette procédure a été ouverte n’impose pas l’obligation d’indiquer cette date et que cette dernière peut, sans difficulté particulière, être déduite des pièces justificatives visées à cet article 41, ce qu’il appartient à l’autorité compétente, chargée de la vérification des créances, d’apprécier".

Insolvabilité bis (règl. 2015/848)

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