Union Européenne (CJUE)

CJUE, 6 mars 2025, [E. M. A., E. M. A., M. I. A. [Anikovi], Aff. C‑395/23

Aff. C-395/23, Concl. J. Richard de la Tour

Motif 24 : "Le règlement Bruxelles I bis régit, en vertu de son article 1er, paragraphe 1, la matière civile et commerciale quelle que soit la nature de la juridiction saisie, étant précisé qu’il ressort notamment de son article 24, point 1, que la matière civile et commerciale inclut la « matière de[s] droits réels immobiliers ». L’article 1er, paragraphe 2, sous a), du règlement Bruxelles I bis exclut de son champ d’application « l’état et la capacité des personnes physiques »."

Motif 25 :"En l’occurrence, ainsi que cela résulte de la décision de renvoi, une autorisation judiciaire telle que celle en cause au principal est une mesure prise eu égard à l’état et à la capacité de l’enfant mineur, qui vise à protéger l’intérêt supérieur de celui-ci. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, la nécessité d’obtenir cette autorisation étant ainsi une conséquence directe de cet état et de cette capacité, ladite autorisation constitue, indépendamment de la matière de l’acte juridique concerné par cette autorisation, une mesure de protection de l’enfant liée à l’administration, à la conservation ou à la disposition de ses biens dans le cadre de l’exercice de la responsabilité parentale, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous e), du règlement Bruxelles II ter, et se rapportant directement à la capacité de la personne physique concernée, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), du règlement Bruxelles I bis (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2013, Schneider, C‑386/12EU:C:2013:633, point 26, et du 6 octobre 2015, Matoušková, C‑404/14EU:C:2015:653, points 28 à 31)."

Motif 26 : "Compte tenu de ces éléments et de l’intention du législateur de l’Union, telle qu’elle est exprimée au considérant 10 du règlement Bruxelles II ter, une autorisation judiciaire telle que celle en cause au principal relève du champ d’application de ce règlement, à l’exclusion du règlement Bruxelles I bis."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 4 oct. 2024, Real Madrid, Aff. C‑633/22

Motif 36 : "À cet égard, il convient de rappeler que, en prohibant la révision au fond de la décision étrangère, l’article 36 et l’article 45, paragraphe 2, du règlement no 44/2001 interdisent au juge de l’État membre requis de refuser la reconnaissance ou l’exécution de cette décision au seul motif qu’une divergence existerait entre la règle de droit appliquée par le juge de l’État membre d’origine et celle qu’aurait appliquée le juge de l’État membre requis s’il avait été saisi du litige. De même, le juge de l’État membre requis ne saurait contrôler l’exactitude des appréciations de droit ou de fait qui ont été portées par le juge de l’État membre d’origine (arrêts du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07, EU:C:2009:271, point 58, et du 25 mai 2016, Meroni, C‑559/14, EU:C:2016:349, point 41)".

Motif 37 : "Par conséquent, un recours à la clause de l’ordre public, prévue à l’article 34, point 1, du règlement no 44/2001, n’est concevable que dans l’hypothèse où la reconnaissance ou l’exécution de la décision rendue dans un autre État membre heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique de l’État membre requis, en tant qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental. Afin de respecter la prohibition de la révision au fond de la décision étrangère, l’atteinte devrait constituer une violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’État membre requis ou d’un droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique (arrêts du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07, EU:C:2009:271, point 59, et du 25 mai 2016, Meroni, C‑559/14, EU:C:2016:349, point 42)".

[...]

Motif 63 : "En outre, eu égard au rôle fondamental de la presse dans une société démocratique et aux garanties dont elle doit disposer conformément à la jurisprudence rappelée au point 55 du présent arrêt, tel est, en règle générale, le cas lorsque la condamnation consiste à accorder à la partie lésée une réparation excédant le dommage matériel ou moral réellement subi".

Motif 68 : "Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, parmi lesquelles figurent non seulement les ressources des personnes condamnées mais également la gravité de leur faute et l’étendue du préjudice telles qu’elles ont été constatées dans les décisions en cause au principal, si l’exécution de ces décisions aurait pour effet, au regard des critères énoncés aux points 53 à 64 du présent arrêt, une violation manifeste des droits et libertés tels que consacrés à l’article 11 de la Charte".

Motif 70 : "Dans ce contexte, il convient de préciser que, si la juridiction de renvoi peut prendre en compte les sommes allouées dans l’État membre requis pour une atteinte comparable, une éventuelle divergence entre ces sommes et le montant des dommages-intérêts accordés dans lesdites décisions n’est pas, à elle seule, suffisante pour considérer, de manière automatique et sans vérifications ultérieures, que ces dommages-intérêts sont manifestement disproportionnés par rapport à l’atteinte à la réputation en cause".

Motif 71 : "En outre, dans la mesure où la vérification à effectuer par la juridiction de renvoi ne vise qu’à identifier une atteinte manifeste aux droits et libertés consacrés par l’article 11 de la Charte, elle ne saurait impliquer un contrôle des appréciations de fond portées par les juridictions de l’État membre d’origine, un tel contrôle constituant une révision au fond, laquelle est expressément prohibée par l’article 36 et l’article 45, paragraphe 2, du règlement no 44/2001. Ainsi, en l’occurrence, la juridiction de renvoi ne saurait notamment examiner si EE et Société Éditrice du Monde ont agi, en publiant l’article en cause au principal, dans le respect de leurs devoirs et responsabilités ou remettre en cause les constats de l’arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême) du 24 février 2014 en ce qui concerne la gravité de la faute d’EE ou de Société Éditrice du Monde ou l’étendue du préjudice subi par le Real Madrid et par AE".

Motif 72 : "Compte tenu des interrogations de la juridiction de renvoi, il convient encore de faire observer que, comme il ressort des points 58 et 63 du présent arrêt, il ne saurait être exclu que celle-ci soit amenée, au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce, à constater l’existence d’une violation manifeste de la liberté de la presse résultant d’une exécution des décisions en cause au principal en ce qui concerne seulement l’une des deux parties requérantes ou l’une des deux parties défenderesses visées par ces décisions"

Motif 73 : "Dans l’hypothèse où elle constaterait l’existence d’une violation manifeste de la liberté de la presse, cette juridiction devrait limiter le refus d’exécution desdites décisions à la partie manifestement disproportionnée, dans l’État membre requis, des dommages-intérêts alloués".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 23 janv. 2025, E. V. G.-T. [Albausy], Aff. C-187/23

Aff. C-187/23Concl. M. Campos Sánchez-Bordona

Motif 63 : "(…), la nécessité de préserver la fiabilité du certificat successoral européen conformément aux finalités rappelées aux points 53 et 54 du présent arrêt exige d’interpréter l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 650/2012 en ce sens que toute contestation, même paraissant non fondée ou non étayée, soulevée au cours de la procédure de délivrance d’un certificat successoral européen, fait obstacle à la délivrance de ce certificat, à l’exception des contestations définitivement rejetées dans le cadre d’une autre procédure, comme indiqué au point 61 du présent arrêt."

Motif 64 : "Afin de préserver la confiance des citoyens de l’Union dans le certificat successoral européen, il est, en effet, impératif que cet instrument, doté de la force probante établie à l’article 63, paragraphe 2, du règlement n° 650/2012, et produisant les effets énoncés, notamment, à l’article 69, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, ne soit délivré qu’en l’absence de toute contestation visant des éléments à certifier."

Motif 65 : "En présence d’une telle contestation, l’autorité émettrice, qui ne dispose pas du pouvoir de la trancher, est tenue de refuser de délivrer le certificat successoral européen sollicité, étant entendu que ce refus pourra faire l’objet du recours prévu à l’article 72 du règlement n° 650/2012. L’autorité judiciaire saisie d’un tel recours pourra, le cas échéant, examiner le bien-fondé des contestations ayant fait obstacle à la délivrance du certificat."

Motif 66 : "Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en rendant, en tant qu’autorité émettrice du certificat successoral européen, des décisions en application de l’article 67, paragraphe 1, du règlement n° 650/2012, la juridiction de renvoi n’exerce pas de fonction juridictionnelle et, partant, n’est pas habilitée à saisir la Cour au titre de l’article 267 TFUE."

Successions (règl. 650/2012)

CJUE, 17 juil. 2023, PA c. MO [Jurtukała], Aff. C-55/23 [Ord.]

Dispositif 1 : "L’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) n° 650/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : la règle de compétence subsidiaire prévue par cette disposition ne trouve à s’appliquer que lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès était située dans un État membre non lié par ce règlement ou dans un État tiers".

Successions (règl. 650/2012)

CJUE, 7 nov. 2024, LS c. PL [Hantoch], Aff. C-291/23

Dispositif : "L’article 10, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 650/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : afin de déterminer si peut s’exercer la compétence subsidiaire, pour statuer sur l’ensemble de la succession, des juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux, il y a lieu d’examiner si ces biens sont situés dans cet État membre non pas au moment de la saisine de ces juridictions, mais au moment du décès".

Successions (règl. 650/2012)

CJUE, 28 nov. 2024, VariusSystems, Aff. C‑526/23

Aff. C-526/23, Concl. J. Richard de la Tour

Motifs 20 : "En cas de pluralité d’obligations contractuelles, il y a lieu de déterminer l’obligation caractéristique du contrat concerné (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2017, Kareda, C‑249/16, EU:C:2017:472 point 40)".

Motifs 21 : "S’agissant d’un contrat de fourniture d’un logiciel, tel que celui en cause au principal, il convient de constater, à l’instar de ce qui a été exposé par la Commission européenne dans ses observations écrites, que la conception et la programmation d’un logiciel ne constituent pas l’obligation caractéristique d’un tel contrat, dès lors que le service faisant l’objet de celui-ci n’est pas fourni effectivement au client concerné tant que ce logiciel n’est pas opérationnel. En effet, ce n’est qu’à partir de ce moment, auquel ledit logiciel est susceptible d’être utilisé et auquel sa qualité peut être contrôlée, que ce service sera fourni effectivement".

Motifs 22 (et dispositif): "Étant donné que l’obligation caractéristique d’un contrat de fourniture en ligne d’un logiciel tel que celui en cause au principal consiste à mettre ce dernier à la disposition du client concerné, le lieu d’exécution de ce contrat doit être considéré comme étant celui où ce client accède à ce logiciel, à savoir celui où il consulte et utilise celui-ci".

Motifs 23 : "Lorsque ledit logiciel est appelé à être utilisé à des endroits différents, il importe de préciser que ce lieu se situe au domicile dudit client, et, dans le cas d’une société, au siège de celle-ci, dès lors que ledit lieu est certain et identifiable, tant pour le demandeur que pour le défendeur, et qu’il est, de ce fait, de nature à faciliter l’administration de la preuve et l’organisation du procès (voir, par analogie, arrêt du 19 avril 2012, Wintersteiger, C‑523/10, EU:C:2012:220, point 37)".

Motifs 24 : "Cette conclusion vaut indépendamment du point de savoir si, comme GR le fait valoir, les spécifications auxquelles VariusSystems a dû se conformer étaient celles prévues par la législation de l’État membre du domicile du client, à savoir la République fédérale d’Allemagne. S’il est vrai qu’un tel lien de rattachement matériel à cet État membre répond aux objectifs de prévisibilité et de proximité visés, respectivement, aux considérants 15 et 16 du règlement no 1215/2012, il n’en reste pas moins que les parties au litige au principal s’opposent quant à la portée de ces spécifications, dont la clarification relève de l’examen au fond par la juridiction compétente. Or, la détermination du lieu d’exécution d’un contrat de fourniture de services, au sens de l’article 7, point 1, sous b), second tiret, de ce règlement, ne saurait dépendre de critères qui sont propres à cet examen au fond (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Obala i lučice, C‑307/19, EU:C:2021:236, point 90)".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 28 nov. 2024, VariusSystems, Aff. C‑526/23

Aff. C-526/23, Concl. J. Richard de la Tour

Motifs 17 : "En l’occurrence, ainsi que la juridiction de renvoi l’a constaté, le contrat en cause a pour objet la fourniture de services au sens de l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 1215/2012, dès lors qu’il porte sur un ensemble d’activités, à savoir la conception, la programmation, la maintenance et l’adaptation continue d’un logiciel individualisé".

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 24 nov. 2022, Tilman, Aff. C-358/21 [Conv. Lugano II]

Motif 30 : S’agissant des clauses attributives de juridiction, il y a lieu de rappeler que celles-ci sont, de par leur nature, une option de compétence qui n’a pas d’effet juridique tant qu’une instance judiciaire n’est pas déclenchée et qui ne tire à conséquence qu’au jour où l’action judiciaire est mise en mouvement (arrêt du 13 novembre 1979, Sanicentral, 25/79, EU:C:1979:255, point 6). C’est donc à cette date qu’il convient de se placer pour apprécier la portée d’une telle clause au regard de la règle de droit applicable.

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 4 oct. 2024, Real Madrid, Aff. C‑633/22

Motif 61 : "En particulier, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il convient de faire preuve de la plus grande prudence lorsque les mesures ou les sanctions prises sont de nature à dissuader la presse de participer à la discussion de questions présentant un intérêt général légitime, et donc à avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté de la presse à l’égard de telles questions (voir, en ce sens, Cour EDH, 20 mai 1999, Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège, CE:ECHR:1999:0520JUD002198093, § 64, ainsi que Cour EDH, 17 décembre 2004, Cumpănă et Mazăre c. Roumanie, CE :ECHR :2004 :1217JUD 003334896, § 111)".

Motif 62 : "À cet égard, il y a lieu de considérer qu’un montant de dommages-intérêts d’une ampleur imprévisible ou élevée par rapport aux sommes allouées dans des affaires de diffamation comparables est de nature à avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté de la presse [voir, en ce sens, Cour EDH, 7 décembre 2010, Público – Comunicação Social, S.A. et autres c. Portugal, CE:ECHR:2010:1207JUD003932407, § 55, ainsi que Cour EDH, 15 juin 2017, Independent Newspapers (Ireland) Limited c. Irlande, CE:ECHR:2017:0615JUD002819915, §§ 84 et 85]".

Motif 63 : "En outre, eu égard au rôle fondamental de la presse dans une société démocratique et aux garanties dont elle doit disposer conformément à la jurisprudence rappelée au point 55 du présent arrêt, tel est, en règle générale, le cas lorsque la condamnation consiste à accorder à la partie lésée une réparation excédant le dommage matériel ou moral réellement subi."

Motif 64: "Un tel effet dissuasif peut même résulter d’une condamnation à des sommes relativement modestes, au regard des standards appliqués dans des affaires de diffamation comparables. Tel est, en principe, le cas lorsque les sommes allouées s’avèrent substantielles par rapport aux moyens dont dispose la personne condamnée (voir, en ce sens, Cour EDH, 15 février 2005, Steel et Morris c. Royaume-Uni, CE :ECHR :2005 :0215JUD 006841601, § 96), qu’il s’agisse d’un journaliste ou d’un éditeur de presse"

Motif 65 : "Par ailleurs, aux fins d’apprécier le caractère proportionné des dommages-intérêts accordés, il doit être tenu compte également des autres sanctions infligées, telles que la publication d’un démenti, une rectification ou encore une excuse formelle ainsi que les frais de justice imposés à la personne condamnée (voir, en ce sens, Cour EDH, 11 décembre 2012, Ileana Constantinescu c. Roumanie, CE:ECHR:2012:1211JUD003256304, § 49 ; Cour EDH, 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France, CE:ECHR:2015:1110JUD004045407, § 152, ainsi que Cour EDH, 27 juin 2017, Ghiulfer Predescu c. Roumanie, CE:ECHR:2017:0627JUD002975109, § 61)"

Motif 67 : " En effet, une telle violation manifeste de l’article 11 de la Charte relève de l’ordre public de l’État membre requis et constitue, dès lors, le motif de refus d’exécution visé à l’article 34, point 1, du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 45 de celui-ci".

Motif 68 : "Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, parmi lesquelles figurent non seulement les ressources des personnes condamnées mais également la gravité de leur faute et l’étendue du préjudice telles qu’elles ont été constatées dans les décisions en cause au principal, si l’exécution de ces décisions aurait pour effet, au regard des critères énoncés aux points 53 à 64 du présent arrêt, une violation manifeste des droits et libertés tels que consacrés à l’article 11 de la Charte".

Motif 69 : "À cet effet, il incombe à cette juridiction de vérifier si les dommages-intérêts accordés dans lesdites décisions s’avèrent manifestement disproportionnés par rapport à l’atteinte à la réputation en cause et risquent ainsi d’avoir un effet dissuasif dans l’État membre requis sur la couverture médiatique de questions analogues à l’avenir ou, plus généralement, sur l’exercice de la liberté de la presse, telle que consacrée à l’article 11 de la Charte".

Motif 70 : "Dans ce contexte, il convient de préciser que, si la juridiction de renvoi peut prendre en compte les sommes allouées dans l’État membre requis pour une atteinte comparable, une éventuelle divergence entre ces sommes et le montant des dommages-intérêts accordés dans lesdites décisions n’est pas, à elle seule, suffisante pour considérer, de manière automatique et sans vérifications ultérieures, que ces dommages-intérêts sont manifestement disproportionnés par rapport à l’atteinte à la réputation en cause".

Motif 73 : "Dans l’hypothèse où elle constaterait l’existence d’une violation manifeste de la liberté de la presse, cette juridiction devrait limiter le refus d’exécution desdites décisions à la partie manifestement disproportionnée, dans l’État membre requis, des dommages-intérêts alloués".

Motif 74 (et dispositif) : "Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de répondre aux questions posées que l’article 34, paragraphe 1, et l’article 45 du règlement no 44/2001, lus conjointement avec l’article 11 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que l’exécution d’un jugement condamnant une société éditrice d’un journal et l’un de ses journalistes au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par un club sportif et l’un des membres de son équipe médicale en raison d’une atteinte à leur réputation du fait d’une information les concernant publiée par ce journal doit être refusée pour autant qu’elle aurait pour effet une violation manifeste de la liberté de la presse, telle que consacrée à l’article 11 de la Charte et, ainsi, une atteinte à l’ordre public de l’État membre requis".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 5 sept. 2024, HUK-COBURG, Aff. C-86/23

Motifs 31 : "[En premier lieu, l'article 16 est une dérogation à la loi applicable]. En outre, l’objectif poursuivi par le règlement Rome II consiste notamment, ainsi qu’il ressort de ses considérants 6, 14 et 16, à garantir la sécurité quant au droit applicable quel que soit le pays dans lequel l’action est introduite et à améliorer la prévisibilité des décisions de justice ainsi qu’à assurer un équilibre raisonnable entre les intérêts de la personne dont la responsabilité est invoquée et ceux de la personne lésée [arrêt du 17 mai 2023, Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’Autres Infractions (FGTI), C‑264/22, EU:C:2023:417, point 30]. Partant, une interprétation extensive de l’article 16 du règlement Rome II irait à l’encontre de cet objectif".

Motifs 32 : "D’autre part, il ressort du libellé de cet article 16 que la dérogation qu’il prévoit s’applique lorsque les dispositions de la loi du for « régissent impérativement la situation »".

Motifs 33 : "Néanmoins, pour que de telles dispositions puissent trouver application et justifier le recours audit article 16, il est nécessaire que la situation juridique soumise à l’examen de la juridiction nationale présente des liens suffisamment étroits avec l’État membre du for".

Motifs 35 : "Ainsi, si ladite situation juridique présente des liens de rattachement avec plusieurs États membres, il est possible que ladite juridiction doive constater, notamment compte tenu des liens de rattachement de la même situation juridique avec l’État membre dont la loi est désignée en vertu des règles de conflit de lois, l’absence de liens suffisamment étroits avec l’État membre du for".

Motifs 41 : "[En deuxième lieu, la notion de "disposition impérative dérogatoire" de l'article 16 est identique à celle de "loi de police" de l'article 9 Rome I]. L’application d’une telle disposition exige donc que la juridiction nationale vérifie, d’une part, outre les termes et l’économie générale de la disposition nationale supposément impérative, les motifs et les objectifs qui ont mené à son adoption, en vue de déterminer si le législateur national avait l’intention de conférer à celle-ci un caractère impératif. Ainsi, cette juridiction doit examiner si cette disposition a été adoptée en vue de protéger un ou plusieurs intérêts que l’État membre du for considère comme essentiels et si le respect de ladite disposition est jugé crucial par ledit État membre pour la sauvegarde de ces intérêts".

Motifs 42 : "D’autre part, il doit résulter de l’appréciation, par la juridiction nationale, de la situation juridique dont elle est saisie que l’application de la même disposition s’avère absolument nécessaire pour protéger l’intérêt essentiel concerné dans le contexte du cas d’espèce".

Motifs 44 : "En troisième lieu, il convient d’observer que le recours, par les juridictions des États membres, aux lois de police n’est possible que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque, ainsi que l’énonce le considérant 32 du règlement Rome II, « des considérations d’intérêt public » le justifient. À cet égard, il ressort de la définition de la notion de « loi de police », rappelée au point 38 du présent arrêt, laquelle, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 37 de celui-ci, revêt une portée identique à celle de « disposition impérative dérogatoire », visée à l’article 16 de ce règlement, qu’une telle loi ou disposition doit nécessairement tendre à la protection d’intérêts publics d’une importance particulière, tels que ceux relatifs à l’organisation politique, sociale ou économique de l’État membre du for. Sont concernés des intérêts jugés essentiels par cet État membre, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 39 du présent arrêt".

Motifs 46 : "Toutefois, eu égard à la définition de la notion de « loi de police », des dispositions nationales qui viseraient à protéger des intérêts individuels ne sauraient être appliquées, par une juridiction nationale, au titre de « dispositions impératives dérogatoires » que pour autant que l’analyse circonstanciée à laquelle elle est tenue de procéder fasse clairement apparaître que la protection des intérêts individuels d’une catégorie de personnes, à laquelle tendent ces dispositions nationales, correspond à un intérêt public essentiel dont elles assurent la sauvegarde. Comme M. l’avocat général l’a souligné au point 62 de ses conclusions, l’existence d’un lien suffisant avec un tel intérêt public qui est jugé essentiel au sein de l’ordre juridique de l’État membre du for doit être établie".

Motifs 50 : "[Il] ressort également de la demande de décision préjudicielle, d’une part, que le montant maximal de l’indemnisation qui peut être accordé en application de la loi allemande serait d’environ 5 000 euros, alors que le montant habituellement accordé en application de l’article 52 du ZZD s’élèverait à environ 120 000 BGN (environ 61 000 euros). Cependant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 32 de ses conclusions, le seul fait que l’application de la loi du for conduise, en ce qui concerne le montant de la réparation, à une solution différente de celle qui aurait résulté de l’application de la loi désignée par la règle de conflit de lois ne permet pas de conclure que l’application de cette dernière loi ne peut pas atteindre l’objectif de protection de l’intérêt public essentiel que la disposition concernée de l’État membre du for vise, le cas échéant, à sauvegarder.

Motifs 54 : "Enfin, en quatrième lieu, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la loi d’un État membre qui satisfait à la protection minimale prescrite par une directive de l’Union peut être écartée en faveur de la loi du for pour un motif tiré de son caractère impératif lorsque la juridiction saisie constate de façon circonstanciée que, dans le cadre de la transposition de cette directive, le législateur de l’État membre du for a jugé crucial, au sein de son ordre juridique, d’accorder à la personne concernée une protection allant au-delà de celle prévue par ladite directive, en tenant compte à cet égard de la nature et de l’objet de telles dispositions impératives (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2013, Unamar, C‑184/12, EU:C:2013:663, points 50 à 52)".

Motifs 57 (et dispositif) : "[...] l’article 16 du règlement Rome II doit être interprété en ce sens qu’une disposition nationale qui prévoit que l’indemnisation du préjudice immatériel subi par les membres de la famille proche d’une personne décédée lors d’un accident de la circulation est déterminée par le juge en équité ne peut pas être considérée comme une « disposition impérative dérogatoire », au sens de cet article, à moins que, lorsque la situation juridique en cause présente des liens suffisamment étroits avec l’État membre du for, la juridiction saisie constate, sur la base d’une analyse circonstanciée des termes, de l’économie générale, des objectifs ainsi que du contexte de l’adoption de cette disposition nationale, que son respect est jugé crucial au sein de l’ordre juridique de cet État membre, au motif qu’elle poursuit un objectif de protection d’un intérêt public essentiel qui ne peut pas être atteint par l’application de la loi désignée en vertu de l’article 4 de ce règlement".

Rome II (règl. 864/2007)

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