Union Européenne (CJUE)

CJUE, 4 oct. 2024, Real Madrid, Aff. C‑633/22

Motif 61 : "En particulier, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il convient de faire preuve de la plus grande prudence lorsque les mesures ou les sanctions prises sont de nature à dissuader la presse de participer à la discussion de questions présentant un intérêt général légitime, et donc à avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté de la presse à l’égard de telles questions (voir, en ce sens, Cour EDH, 20 mai 1999, Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège, CE:ECHR:1999:0520JUD002198093, § 64, ainsi que Cour EDH, 17 décembre 2004, Cumpănă et Mazăre c. Roumanie, CE :ECHR :2004 :1217JUD 003334896, § 111)".

Motif 62 : "À cet égard, il y a lieu de considérer qu’un montant de dommages-intérêts d’une ampleur imprévisible ou élevée par rapport aux sommes allouées dans des affaires de diffamation comparables est de nature à avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté de la presse [voir, en ce sens, Cour EDH, 7 décembre 2010, Público – Comunicação Social, S.A. et autres c. Portugal, CE:ECHR:2010:1207JUD003932407, § 55, ainsi que Cour EDH, 15 juin 2017, Independent Newspapers (Ireland) Limited c. Irlande, CE:ECHR:2017:0615JUD002819915, §§ 84 et 85]".

Motif 63 : "En outre, eu égard au rôle fondamental de la presse dans une société démocratique et aux garanties dont elle doit disposer conformément à la jurisprudence rappelée au point 55 du présent arrêt, tel est, en règle générale, le cas lorsque la condamnation consiste à accorder à la partie lésée une réparation excédant le dommage matériel ou moral réellement subi."

Motif 64: "Un tel effet dissuasif peut même résulter d’une condamnation à des sommes relativement modestes, au regard des standards appliqués dans des affaires de diffamation comparables. Tel est, en principe, le cas lorsque les sommes allouées s’avèrent substantielles par rapport aux moyens dont dispose la personne condamnée (voir, en ce sens, Cour EDH, 15 février 2005, Steel et Morris c. Royaume-Uni, CE :ECHR :2005 :0215JUD 006841601, § 96), qu’il s’agisse d’un journaliste ou d’un éditeur de presse"

Motif 65 : "Par ailleurs, aux fins d’apprécier le caractère proportionné des dommages-intérêts accordés, il doit être tenu compte également des autres sanctions infligées, telles que la publication d’un démenti, une rectification ou encore une excuse formelle ainsi que les frais de justice imposés à la personne condamnée (voir, en ce sens, Cour EDH, 11 décembre 2012, Ileana Constantinescu c. Roumanie, CE:ECHR:2012:1211JUD003256304, § 49 ; Cour EDH, 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France, CE:ECHR:2015:1110JUD004045407, § 152, ainsi que Cour EDH, 27 juin 2017, Ghiulfer Predescu c. Roumanie, CE:ECHR:2017:0627JUD002975109, § 61)"

Motif 67 : " En effet, une telle violation manifeste de l’article 11 de la Charte relève de l’ordre public de l’État membre requis et constitue, dès lors, le motif de refus d’exécution visé à l’article 34, point 1, du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 45 de celui-ci".

Motif 68 : "Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, parmi lesquelles figurent non seulement les ressources des personnes condamnées mais également la gravité de leur faute et l’étendue du préjudice telles qu’elles ont été constatées dans les décisions en cause au principal, si l’exécution de ces décisions aurait pour effet, au regard des critères énoncés aux points 53 à 64 du présent arrêt, une violation manifeste des droits et libertés tels que consacrés à l’article 11 de la Charte".

Motif 69 : "À cet effet, il incombe à cette juridiction de vérifier si les dommages-intérêts accordés dans lesdites décisions s’avèrent manifestement disproportionnés par rapport à l’atteinte à la réputation en cause et risquent ainsi d’avoir un effet dissuasif dans l’État membre requis sur la couverture médiatique de questions analogues à l’avenir ou, plus généralement, sur l’exercice de la liberté de la presse, telle que consacrée à l’article 11 de la Charte".

Motif 70 : "Dans ce contexte, il convient de préciser que, si la juridiction de renvoi peut prendre en compte les sommes allouées dans l’État membre requis pour une atteinte comparable, une éventuelle divergence entre ces sommes et le montant des dommages-intérêts accordés dans lesdites décisions n’est pas, à elle seule, suffisante pour considérer, de manière automatique et sans vérifications ultérieures, que ces dommages-intérêts sont manifestement disproportionnés par rapport à l’atteinte à la réputation en cause".

Motif 73 : "Dans l’hypothèse où elle constaterait l’existence d’une violation manifeste de la liberté de la presse, cette juridiction devrait limiter le refus d’exécution desdites décisions à la partie manifestement disproportionnée, dans l’État membre requis, des dommages-intérêts alloués".

Motif 74 (et dispositif) : "Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de répondre aux questions posées que l’article 34, paragraphe 1, et l’article 45 du règlement no 44/2001, lus conjointement avec l’article 11 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que l’exécution d’un jugement condamnant une société éditrice d’un journal et l’un de ses journalistes au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par un club sportif et l’un des membres de son équipe médicale en raison d’une atteinte à leur réputation du fait d’une information les concernant publiée par ce journal doit être refusée pour autant qu’elle aurait pour effet une violation manifeste de la liberté de la presse, telle que consacrée à l’article 11 de la Charte et, ainsi, une atteinte à l’ordre public de l’État membre requis".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 5 sept. 2024, HUK-COBURG, Aff. C-86/23

Motifs 31 : "[En premier lieu, l'article 16 est une dérogation à la loi applicable]. En outre, l’objectif poursuivi par le règlement Rome II consiste notamment, ainsi qu’il ressort de ses considérants 6, 14 et 16, à garantir la sécurité quant au droit applicable quel que soit le pays dans lequel l’action est introduite et à améliorer la prévisibilité des décisions de justice ainsi qu’à assurer un équilibre raisonnable entre les intérêts de la personne dont la responsabilité est invoquée et ceux de la personne lésée [arrêt du 17 mai 2023, Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’Autres Infractions (FGTI), C‑264/22, EU:C:2023:417, point 30]. Partant, une interprétation extensive de l’article 16 du règlement Rome II irait à l’encontre de cet objectif".

Motifs 32 : "D’autre part, il ressort du libellé de cet article 16 que la dérogation qu’il prévoit s’applique lorsque les dispositions de la loi du for « régissent impérativement la situation »".

Motifs 33 : "Néanmoins, pour que de telles dispositions puissent trouver application et justifier le recours audit article 16, il est nécessaire que la situation juridique soumise à l’examen de la juridiction nationale présente des liens suffisamment étroits avec l’État membre du for".

Motifs 35 : "Ainsi, si ladite situation juridique présente des liens de rattachement avec plusieurs États membres, il est possible que ladite juridiction doive constater, notamment compte tenu des liens de rattachement de la même situation juridique avec l’État membre dont la loi est désignée en vertu des règles de conflit de lois, l’absence de liens suffisamment étroits avec l’État membre du for".

Motifs 41 : "[En deuxième lieu, la notion de "disposition impérative dérogatoire" de l'article 16 est identique à celle de "loi de police" de l'article 9 Rome I]. L’application d’une telle disposition exige donc que la juridiction nationale vérifie, d’une part, outre les termes et l’économie générale de la disposition nationale supposément impérative, les motifs et les objectifs qui ont mené à son adoption, en vue de déterminer si le législateur national avait l’intention de conférer à celle-ci un caractère impératif. Ainsi, cette juridiction doit examiner si cette disposition a été adoptée en vue de protéger un ou plusieurs intérêts que l’État membre du for considère comme essentiels et si le respect de ladite disposition est jugé crucial par ledit État membre pour la sauvegarde de ces intérêts".

Motifs 42 : "D’autre part, il doit résulter de l’appréciation, par la juridiction nationale, de la situation juridique dont elle est saisie que l’application de la même disposition s’avère absolument nécessaire pour protéger l’intérêt essentiel concerné dans le contexte du cas d’espèce".

Motifs 44 : "En troisième lieu, il convient d’observer que le recours, par les juridictions des États membres, aux lois de police n’est possible que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque, ainsi que l’énonce le considérant 32 du règlement Rome II, « des considérations d’intérêt public » le justifient. À cet égard, il ressort de la définition de la notion de « loi de police », rappelée au point 38 du présent arrêt, laquelle, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 37 de celui-ci, revêt une portée identique à celle de « disposition impérative dérogatoire », visée à l’article 16 de ce règlement, qu’une telle loi ou disposition doit nécessairement tendre à la protection d’intérêts publics d’une importance particulière, tels que ceux relatifs à l’organisation politique, sociale ou économique de l’État membre du for. Sont concernés des intérêts jugés essentiels par cet État membre, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 39 du présent arrêt".

Motifs 46 : "Toutefois, eu égard à la définition de la notion de « loi de police », des dispositions nationales qui viseraient à protéger des intérêts individuels ne sauraient être appliquées, par une juridiction nationale, au titre de « dispositions impératives dérogatoires » que pour autant que l’analyse circonstanciée à laquelle elle est tenue de procéder fasse clairement apparaître que la protection des intérêts individuels d’une catégorie de personnes, à laquelle tendent ces dispositions nationales, correspond à un intérêt public essentiel dont elles assurent la sauvegarde. Comme M. l’avocat général l’a souligné au point 62 de ses conclusions, l’existence d’un lien suffisant avec un tel intérêt public qui est jugé essentiel au sein de l’ordre juridique de l’État membre du for doit être établie".

Motifs 50 : "[Il] ressort également de la demande de décision préjudicielle, d’une part, que le montant maximal de l’indemnisation qui peut être accordé en application de la loi allemande serait d’environ 5 000 euros, alors que le montant habituellement accordé en application de l’article 52 du ZZD s’élèverait à environ 120 000 BGN (environ 61 000 euros). Cependant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 32 de ses conclusions, le seul fait que l’application de la loi du for conduise, en ce qui concerne le montant de la réparation, à une solution différente de celle qui aurait résulté de l’application de la loi désignée par la règle de conflit de lois ne permet pas de conclure que l’application de cette dernière loi ne peut pas atteindre l’objectif de protection de l’intérêt public essentiel que la disposition concernée de l’État membre du for vise, le cas échéant, à sauvegarder.

Motifs 54 : "Enfin, en quatrième lieu, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la loi d’un État membre qui satisfait à la protection minimale prescrite par une directive de l’Union peut être écartée en faveur de la loi du for pour un motif tiré de son caractère impératif lorsque la juridiction saisie constate de façon circonstanciée que, dans le cadre de la transposition de cette directive, le législateur de l’État membre du for a jugé crucial, au sein de son ordre juridique, d’accorder à la personne concernée une protection allant au-delà de celle prévue par ladite directive, en tenant compte à cet égard de la nature et de l’objet de telles dispositions impératives (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2013, Unamar, C‑184/12, EU:C:2013:663, points 50 à 52)".

Motifs 57 (et dispositif) : "[...] l’article 16 du règlement Rome II doit être interprété en ce sens qu’une disposition nationale qui prévoit que l’indemnisation du préjudice immatériel subi par les membres de la famille proche d’une personne décédée lors d’un accident de la circulation est déterminée par le juge en équité ne peut pas être considérée comme une « disposition impérative dérogatoire », au sens de cet article, à moins que, lorsque la situation juridique en cause présente des liens suffisamment étroits avec l’État membre du for, la juridiction saisie constate, sur la base d’une analyse circonstanciée des termes, de l’économie générale, des objectifs ainsi que du contexte de l’adoption de cette disposition nationale, que son respect est jugé crucial au sein de l’ordre juridique de cet État membre, au motif qu’elle poursuit un objectif de protection d’un intérêt public essentiel qui ne peut pas être atteint par l’application de la loi désignée en vertu de l’article 4 de ce règlement".

Rome II (règl. 864/2007)

CJUE, 29 juill. 2024, JX c. FTI Touristik, Aff. C-774/22

Aff. C-774/22, Concl. N. Emiliou

Motif 28 : "Si l’élément d’extranéité est manifestement présent dans l’hypothèse où au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie, le caractère international peut toutefois également résulter, ainsi que relevé par M. l’avocat général au point 32 de ses conclusions, d’autres facteurs liés, notamment, au fond du litige."

Motif 34 : "Ainsi que relevé par M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, si le rattachement entre la demande en justice et le pays étranger peut être plus au moins fort en fonction du litige en cause, l’appréciation de la question de savoir si un litige comporte un élément d’extranéité devrait demeurer suffisamment aisée pour la juridiction saisie. En l’occurrence, une affaire impliquant une demande d’un voyageur au sujet de problèmes rencontrés dans le cadre d’un voyage à l’étranger, organisé et vendu par un organisateur de voyages, doit, indépendamment de la nature précise de ces problèmes, être considérée comme présentant un caractère international aux fins du règlement n° 1215/2012, la destination du voyage étant un élément facile à vérifier et rendant le régime de compétence judiciaire applicable prévisible pour les parties."

Motif 35 : "En outre, l’interprétation de la notion d’« extranéité » telle qu’elle ressort du point 30 du présent arrêt ne saurait être remise en cause par la référence faite, à titre surabondant, par la jurisprudence antérieure de la Cour à la notion de « litige transfrontalier » qui est définie à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1896/2006, comme un litige dans lequel au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 2020, Parking et Interplastics, C‑267/19 et C‑323/19, EU:C:2020:351, point 34, ainsi que du 3 juin 2021, Generalno konsulstvo na Republika Bulgaria, C‑280/20, EU:C:2021:443, point 33 et jurisprudence citée)."

Motif 36 : "Ainsi que relevé par M. l’avocat général au point 37 de ses conclusions, alors même que le règlement n° 1215/2012 et le règlement n° 1896/2006 relèvent tous les deux du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, il n’en découle pas pour autant que les dispositions du règlement n° 1215/2012 devraient être interprétées à la lumière de celles du règlement n° 1896/2006, étant donné que l’objet et le champ d’application de ces deux instruments ne sont pas équivalents."

Motif 37 : "En effet, si le règlement n° 1215/2012 vise à unifier les règles de compétence en matière civile et commerciale et que ces règles doivent, en principe, recevoir application et prévaloir sur les règles nationales de compétence (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, Markt24, C‑804/19, EU:C:2021:134, points 30 et 32)), le règlement n° 1896/2006 instaure un instrument uniforme et alternatif de recouvrement de créances, sans toutefois remplacer ou harmoniser les mécanismes de recouvrement de créances prévus par le droit national (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, point 79, et du 13 juin 2013, Goldbet Sportwetten, C‑144/12, EU:C:2013:393, point 28)."

Motif 41 : "S’agissant, en second lieu, de la question de savoir si l’article 18 du règlement n° 1215/2012 détermine la compétence tant internationale que territoriale de la juridiction concernée, il ressort du libellé même du paragraphe 1 de cet article que les règles de compétence juridictionnelles retenues par cette disposition, lorsque l’action est intentée par un consommateur, visent, d’une part, « les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée [l’autre] partie » et, d’autre part, « la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié »."

Motif 42 : "Si la première des deux règles ainsi énoncées se borne à conférer une compétence internationale au système juridictionnel de l’État désigné, pris dans son ensemble, la seconde règle confère directement une compétence territoriale à la juridiction du lieu du domicile du consommateur."

Motif 46 : "Ainsi que souligné par M. l’avocat général aux points 59 et 61 de ses conclusions, cette règle protège le consommateur en facilitant l’accès à la justice et montre la préoccupation du législateur de l’Union que le consommateur puisse être découragé d’agir en justice si la juridiction compétente, bien qu’elle soit située dans l’État membre dans lequel il vit, n’est pas celle de son domicile."

Dispositif : "L’article 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : il détermine la compétence tant internationale que territoriale de la juridiction de l’État membre dans le ressort de laquelle est domicilié le consommateur, lorsqu’une telle juridiction est saisie, par ce consommateur, d’un litige l’opposant à un organisateur de voyages à la suite de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait, et que ces deux cocontractants sont l’un et l’autre domiciliés dans cet État membre, mais que la destination du voyage se situe à l’étranger."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 29 juill. 2024, JX c. FTI Touristik, Aff. C-774/22

Aff. C-774/22, Concl. N. Emiliou

Motif 28 : "Si l’élément d’extranéité est manifestement présent dans l’hypothèse où au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie, le caractère international peut toutefois également résulter, ainsi que relevé par M. l’avocat général au point 32 de ses conclusions, d’autres facteurs liés, notamment, au fond du litige."

Motif 34 : "Ainsi que relevé par M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, si le rattachement entre la demande en justice et le pays étranger peut être plus au moins fort en fonction du litige en cause, l’appréciation de la question de savoir si un litige comporte un élément d’extranéité devrait demeurer suffisamment aisée pour la juridiction saisie. En l’occurrence, une affaire impliquant une demande d’un voyageur au sujet de problèmes rencontrés dans le cadre d’un voyage à l’étranger, organisé et vendu par un organisateur de voyages, doit, indépendamment de la nature précise de ces problèmes, être considérée comme présentant un caractère international aux fins du règlement n° 1215/2012, la destination du voyage étant un élément facile à vérifier et rendant le régime de compétence judiciaire applicable prévisible pour les parties."

Motif 35 : "En outre, l’interprétation de la notion d’« extranéité » telle qu’elle ressort du point 30 du présent arrêt ne saurait être remise en cause par la référence faite, à titre surabondant, par la jurisprudence antérieure de la Cour à la notion de « litige transfrontalier » qui est définie à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1896/2006, comme un litige dans lequel au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 2020, Parking et Interplastics, C‑267/19 et C‑323/19, EU:C:2020:351, point 34, ainsi que du 3 juin 2021, Generalno konsulstvo na Republika Bulgaria, C‑280/20, EU:C:2021:443, point 33 et jurisprudence citée)."

Motif 36 : "Ainsi que relevé par M. l’avocat général au point 37 de ses conclusions, alors même que le règlement n° 1215/2012 et le règlement n° 1896/2006 relèvent tous les deux du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, il n’en découle pas pour autant que les dispositions du règlement n° 1215/2012 devraient être interprétées à la lumière de celles du règlement n° 1896/2006, étant donné que l’objet et le champ d’application de ces deux instruments ne sont pas équivalents."

Motif 37 : "En effet, si le règlement n° 1215/2012 vise à unifier les règles de compétence en matière civile et commerciale et que ces règles doivent, en principe, recevoir application et prévaloir sur les règles nationales de compétence (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, Markt24, C‑804/19, EU:C:2021:134, points 30 et 32)), le règlement n° 1896/2006 instaure un instrument uniforme et alternatif de recouvrement de créances, sans toutefois remplacer ou harmoniser les mécanismes de recouvrement de créances prévus par le droit national (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, point 79, et du 13 juin 2013, Goldbet Sportwetten, C‑144/12, EU:C:2013:393, point 28)."

Motif 41 : "S’agissant, en second lieu, de la question de savoir si l’article 18 du règlement n° 1215/2012 détermine la compétence tant internationale que territoriale de la juridiction concernée, il ressort du libellé même du paragraphe 1 de cet article que les règles de compétence juridictionnelles retenues par cette disposition, lorsque l’action est intentée par un consommateur, visent, d’une part, « les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée [l’autre] partie » et, d’autre part, « la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié »."

Motif 42 : "Si la première des deux règles ainsi énoncées se borne à conférer une compétence internationale au système juridictionnel de l’État désigné, pris dans son ensemble, la seconde règle confère directement une compétence territoriale à la juridiction du lieu du domicile du consommateur."

Motif 46 : "Ainsi que souligné par M. l’avocat général aux points 59 et 61 de ses conclusions, cette règle protège le consommateur en facilitant l’accès à la justice et montre la préoccupation du législateur de l’Union que le consommateur puisse être découragé d’agir en justice si la juridiction compétente, bien qu’elle soit située dans l’État membre dans lequel il vit, n’est pas celle de son domicile."

Dispositif : "L’article 18 du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : il détermine la compétence tant internationale que territoriale de la juridiction de l’État membre dans le ressort de laquelle est domicilié le consommateur, lorsqu’une telle juridiction est saisie, par ce consommateur, d’un litige l’opposant à un organisateur de voyages à la suite de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait, et que ces deux cocontractants sont l’un et l’autre domiciliés dans cet État membre, mais que la destination du voyage se situe à l’étranger."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 16 avr. 2024, BSH, Aff. C-339/22 [Ord.]

Annexe – Questions pour réponse orale aux intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne Les intéressés sont invités à répondre aux questions suivantes :

1) Eu égard aux points 30 et 31 de l’arrêt du 1er mars 2005, Owusu (C‑281/02, EU:C:2005:120), et, en particulier, au principe de l’effet relatif des traités, convient-il de distinguer la situation dans laquelle la juridiction d’un État membre, compétente en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012, doit apprécier un ensemble de faits qui se sont déroulés dans un État tiers [tels qu’un accident en vue de déterminer la responsabilité (extra)contractuelle] de la situation dans laquelle cette juridiction doit apprécier la validité d’un acte émanant d’une autorité publique (administrative) d’un État tiers, tel qu’un brevet ?

2) À supposer que l’article 24, point 4, du règlement Bruxelles Ibis n’ait pas d’incidence sur la compétence des juridictions des États membres lorsque celles-ci sont saisies, dans le cadre d’une procédure en contrefaçon d’un brevet d’un État tiers, de la question de la validité de ce brevet, est-il pertinent, pour l’applicabilité de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, que

- ce brevet ait été délivré par un organe d’une organisation internationale, tel que l’Office européen des brevets (OEB), en vertu d’un mécanisme fondé sur une procédure commune de délivrance établie par une convention internationale, telle que la convention de Munich ?

- la décision de la juridiction de cet État membre n’ait d’effet qu’inter partes ?

- le droit national de l’État tiers concerné prévoie la compétence exclusive (absolue) des juridictions de cet État tiers pour connaître des litiges portant sur la validité d’un brevet dudit État tiers et que ces juridictions soient donc non seulement « appropriées » pour juger de la validité d’un tel brevet, mais également seules compétentes en vertu du droit national applicable ?

3) À supposer que le règlement Bruxelles Ibis doive être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle au principal, une juridiction d’un État membre est compétente pour connaître d’une action en contrefaçon d’un brevet d’un État tiers, au titre de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, cette disposition, lue à la lumière, notamment, du considérant 15 dudit règlement et des points 47 à 52 de l’arrêt du 1er mars 2005, Owusu (C‑281/02, EU:C:2005:120), est-elle susceptible d’être interprétée en ce sens qu’il serait loisible à cette juridiction, saisie de la question préalable de la validité de ce brevet, de se dessaisir de l’action relative à cette question, sur le fondement de son droit national, en faveur d’une juridiction d’un État tiers, en dehors des cas prévus par le même règlement ? 

4) À supposer qu’une juridiction d’un État membre saisie, dans le cadre d’une action en contrefaçon d’un brevet d’un État tiers, de la question de la validité de ce brevet doive se déclarer compétente sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, du règlement Bruxelles Ibis, pour connaître de cette question, la circonstance que, dans le cas où ledit brevet serait jugé invalide dans le cadre de cette action, le titulaire, établi dans l’Union européenne, ne pourrait plus jouir des prérogatives liées à ce titre de propriété serait-elle compatible avec l’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui prévoit la protection de la propriété intellectuelle ?

5) Quels enseignements convient-il de tirer des arrêts du 9 novembre 2000, Coreck (C‑387/98, EU:C:2000:606), et du 19 juillet 2012, Mahamdia (C‑154/11, EU:C:2012:491), en ce qui concerne la compétence d’une juridiction d’un État membre pour connaître des litiges ayant des liens étroits avec des États tiers ?

6) Le droit international public, y compris le droit international coutumier, s’oppose-t-il à ce que les juridictions d’un État se prononcent sur la validité d’un titre émis par l’administration publique d’un autre État, en particulier sur la validité d’un brevet émis par l’administration d’un autre État ?

7)  Lors de l’adoption du règlement Bruxelles Ibis, le législateur de l’Union entendait-il régler de manière exhaustive les conflits entre les juridictions des États membres et celles des États tiers, lorsque le défendeur est domicilié dans l’Union ? En particulier, ce législateur entendait-il, par les articles 33 et 34 de ce règlement, réglementer de manière exhaustive la possibilité pour une juridiction d’un État membre, compétente sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement, de se dessaisir en faveur d’une juridiction d’un État tiers, quelle que soit la situation concernée ? Le cas échéant, le législateur de l’Union entendait-il interdire à une juridiction d’un État membre, saisie d’un litige en matière de validité d’un brevet d’un État tiers, de se dessaisir en faveur des juridictions de cet État tiers en dehors des hypothèses spécifiques envisagées dans ces mêmes articles 33 et 34 ? Les participants à l’audience sont invités à se référer aux travaux préparatoires pertinents.

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 4 juil. 2024, MOL, Aff. C-425/22

Aff. C-425/22, Concl. N. Emiliou

Motif 44 : "(…) les objectifs de proximité et de prévisibilité des règles de compétence et de cohérence entre le for et la loi applicable ainsi que l’absence d’entrave à la possibilité de demander réparation du préjudice résultant d’une infraction au droit de la concurrence affectant un membre de l’unité économique s’opposent à une application inversée de la notion d’« unité économique » pour la détermination du lieu de la matérialisation du dommage aux fins de l’application de l’article 7, point 2, du règlement n° 1215/2012."

Dispositif (et motif 46) : "L’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que : la notion de « lieu où le fait dommageable s’est produit » ne couvre pas le siège social de la société mère qui intente une action en réparation des préjudices subis exclusivement par ses filiales en raison du comportement anticoncurrentiel d’un tiers, constitutif d’une infraction à l’article 101 TFUE, même s’il est allégué que cette société mère et ces filiales font partie de la même unité économique."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 27 avr. 2023, A1 et A2 c. I, Aff. C-352/21

Motif : "L’article 15, point 5, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), lu en combinaison avec l’article 16, point 5, de ce règlement, doit être interprété en ce sens que :

un contrat d’assurance sur corps de navire portant sur un bateau de plaisance utilisé à des fins non commerciales ne relève pas de cet article 15, point 5."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 27 avr. 2023, A1 et A2 c. I, Aff. C-352/21

Motif : "L’article 15, point 5, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), lu en combinaison avec l’article 16, point 5, de ce règlement, doit être interprété en ce sens que :

un contrat d’assurance sur corps de navire portant sur un bateau de plaisance utilisé à des fins non commerciales ne relève pas de cet article 15, point 5."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 16 mai 2024, « Toplofikatsia Sofia » EAD, Aff. C-222/23

Dispositif 1 : "L’article 62, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle les ressortissants d’un État membre qui résident dans un autre État membre sont réputés être domiciliés à une adresse qui demeure toujours enregistrée dans le premier État membre."

Dispositif 2 : "L’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à ce qu’une réglementation nationale, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, confère à une juridiction d’un État membre la compétence pour délivrer une injonction de payer contre un débiteur dont il existe des raisons plausibles de croire qu’il était domicilié, à la date de l’introduction de la demande d’injonction de payer, sur le territoire d’un autre État membre, dans des situations autres que celles prévues aux sections 2 à 7 du chapitre II de ce règlement."

Dispositif 3 : "L’article 7 du règlement (UE) 2020/1784 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2020, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires enmatière civile ou commerciale (signification ou notification des actes), doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction d’un État membre, compétente pour délivrer une injonction de payer contre un débiteur dont il existe des raisons plausibles de croire qu’il est domicilié sur le territoire d’un autre État membre, s’adresse aux autorités compétentes et utilise les moyens mis à disposition par cet autre État membre afin d’identifier l’adresse de ce débiteur aux fins de la signification ou de la notification de cette injonction de payer."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

CJUE, 16 mai 2024, « Toplofikatsia Sofia » EAD, Aff. C-222/23

Dispositif 1 : "L’article 62, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 (…), doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle les ressortissants d’un État membre qui résident dans un autre État membre sont réputés être domiciliés à une adresse qui demeure toujours enregistrée dans le premier État membre."

Dispositif 2 : "L’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à ce qu’une réglementation nationale, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, confère à une juridiction d’un État membre la compétence pour délivrer une injonction de payer contre un débiteur dont il existe des raisons plausibles de croire qu’il était domicilié, à la date de l’introduction de la demande d’injonction de payer, sur le territoire d’un autre État membre, dans des situations autres que celles prévues aux sections 2 à 7 du chapitre II de ce règlement."

Dispositif 3 : "L’article 7 du règlement (UE) 2020/1784 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2020, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires enmatière civile ou commerciale (signification ou notification des actes), doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction d’un État membre, compétente pour délivrer une injonction de payer contre un débiteur dont il existe des raisons plausibles de croire qu’il est domicilié sur le territoire d’un autre État membre, s’adresse aux autorités compétentes et utilise les moyens mis à disposition par cet autre État membre afin d’identifier l’adresse de ce débiteur aux fins de la signification ou de la notification de cette injonction de payer."

Bruxelles I bis (règl. 1215/2012)

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