Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 10 juill. 2025, [Chmieka], Aff. C-99/24

Motif 71 : "Dès lors que cette règle de compétence spéciale [de l’article 6, point 1] déroge à la compétence de principe du for du domicile du défendeur énoncée à l’article 2 du règlement n° 44/2001, elle doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Pour que des décisions puissent être considérées comme étant « inconciliables », au sens de l’article 6, point 1, de ce règlement, il doit exister une divergence dans la solution des litiges qui s’inscrive dans le cadre d’une même situation de fait et de droit. La seule circonstance que le résultat de l’une des procédures concernées puisse avoir une influence sur celui de l’autre ne suffit pas pour qualifier d’« inconciliables » les décisions à rendre dans le cadre de ces deux procédures (voir, en ce sens, arrêts du 20 avril 2016, Profit Investment SIM, C‑366/13, EU:C:2016:282, points 63, 65 et 66, ainsi que du 13 février 2025, Athenian Brewery et Heineken, C‑393/23, EU:C:2025:85, points 21 et 22 ainsi que jurisprudence citée)."

Motif 72 : "En outre, cet article 6, point 1, ne saurait permettre à un requérant de former une demande contre plusieurs défendeurs à la seule fin de soustraire l’un de ces défendeurs aux tribunaux de l’État où il est domicilié et, ainsi, de détourner la règle de compétence figurant à cette disposition. La juridiction saisie ne peut constater un tel détournement qu’en présence d’indices probants lui permettant d’établir que le demandeur a créé ou maintenu de manière artificielle les conditions d’application de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2025, Athenian Brewery et Heineken, C‑393/23, EU:C:2025:85, points 23 et 24 ainsi que jurisprudence citée)."

Motif 75 : "Sous réserve des vérifications qu’il incombe à cette juridiction d’opérer, force est de constater qu’il paraît peu probable qu’il ait existé, à la date de l’introduction de ce recours, une même situation de fait et de droit dont il découlerait un risque que des décisions « inconciliables », au sens de l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001, soient rendues dans différents États membres si les demandes en cause étaient jugées séparément, ce qui justifierait de faire application de la règle de compétence spéciale prévue à cette disposition."

Motif 76 : "En effet, les demandes d’indemnisation formées par la requérante au principal contre les quatre personnes visées par ledit recours sont, certes, liées entre elles par leur objet, le but de ces demandes étant identique. Toutefois, il ressort de la décision de renvoi que, en vertu des dispositions de droit polonais applicables, d’une part, ces demandes sont dissociables dans la mesure où des jugements différents pourraient être rendus à l’égard de ces personnes, en fonction de l’occupation ou non par chacune de celles‑ci du logement concerné pendant la période pertinente, et, d’autre part, il n’existe pas de responsabilité solidaire entre elles, ce qui paraît impliquer un examen individuel des faits reprochés. Dans ses observations écrites, le gouvernement polonais semble confirmer, en substance, que le droit national permet d’adopter des décisions individualisées à l’égard desdites personnes, selon qu’il résulte des constatations factuelles de la juridiction saisie que chacune d’entre elles occupait ou non le logement concerné." 

Motif 77 : "Ainsi, il convient d’interpréter l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001 en ce sens que cette disposition n’est applicable que si, à la date de l’introduction d’une action par laquelle un demandeur a attrait plusieurs défendeurs devant une juridiction d’un État membre, il existait une même situation de fait et de droit induisant qu’il y aurait intérêt à instruire et à juger toutes les demandes formées contre ces défendeurs en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si ces demandes étaient jugées séparément dans différents États membres, ce qu’il appartient à la juridiction saisie de vérifier."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 10 juill. 2025, [Chmieka], Aff. C-99/24

Motif 64 : "En l’occurrence, une demande de paiement d’une indemnité en raison de l’occupation non contractuelle d’un immeuble appartenant à autrui repose sur une obligation qui trouve sa source dans un fait dommageable, cette obligation n’étant pas née indépendamment du comportement du défendeur, si bien qu’un lien causal est susceptible d’être établi entre le dommage allégué et un éventuel acte ou une éventuelle omission illicites commis par ce défendeur (voir, a contrario, arrêt du 9 décembre 2021, HRVATSKE ŠUME, C‑242/20, EU:C:2021:985, point 55)."

Motif 67 : "Cependant, eu égard aux éléments de fait exposés par la juridiction de renvoi, il est nécessaire, pour fournir une réponse utile à celle‑ci, de préciser qu’il lui incombera de vérifier si, dans le litige dont elle est saisie, un « fait dommageable s’est produit », au sens de l’article 5, point 3, du règlement n° 44/2001, en raison d’agissements [du défendeur, auteur de l’opposition au jugement l’ayant condamné] et, plus précisément, si [ce défendeur] a personnellement occupé l’immeuble concerné au cours de la période en cause au principal, à savoir pendant les années 2011 et 2012. Au vu de la décision de renvoi, il n’est pas exclu que [ce défendeur] ait résidé exclusivement aux Pays‑Bas [et non en Pologne, où se situe l’immeuble] au cours de cette période. Or, en l’absence d’une telle occupation de sa part, aucun des facteurs de rattachement rendant cet article 5, point 3, applicable à l’égard de [ce défendeur] ne saurait être identifié."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 10 juill. 2025, [Chmieka], Aff. C-99/24

Motif 56 : "(…) l’article 22, point 1, premier alinéa, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’une action judiciaire tendant au paiement d’une indemnité en raison de l’occupation non contractuelle d’un immeuble après la résiliation d’un contrat de bail afférent à cet immeuble, situé dans un État membre autre que celui du domicile du défendeur concerné, ne constitue pas une action « en matière de droits réels immobiliers » et ne relève pas de la notion de « baux d’immeubles », au sens de cette disposition."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 10 juill. 2025, [Chmieka], Aff. C-99/24

Motif 56 : "(…) l’article 22, point 1, premier alinéa, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’une action judiciaire tendant au paiement d’une indemnité en raison de l’occupation non contractuelle d’un immeuble après la résiliation d’un contrat de bail afférent à cet immeuble, situé dans un État membre autre que celui du domicile du défendeur concerné, ne constitue pas une action « en matière de droits réels immobiliers » et ne relève pas de la notion de « baux d’immeubles », au sens de cette disposition."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 4 oct. 2024, Real Madrid, Aff. C‑633/22

Motif 36 : "À cet égard, il convient de rappeler que, en prohibant la révision au fond de la décision étrangère, l’article 36 et l’article 45, paragraphe 2, du règlement no 44/2001 interdisent au juge de l’État membre requis de refuser la reconnaissance ou l’exécution de cette décision au seul motif qu’une divergence existerait entre la règle de droit appliquée par le juge de l’État membre d’origine et celle qu’aurait appliquée le juge de l’État membre requis s’il avait été saisi du litige. De même, le juge de l’État membre requis ne saurait contrôler l’exactitude des appréciations de droit ou de fait qui ont été portées par le juge de l’État membre d’origine (arrêts du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07, EU:C:2009:271, point 58, et du 25 mai 2016, Meroni, C‑559/14, EU:C:2016:349, point 41)".

Motif 37 : "Par conséquent, un recours à la clause de l’ordre public, prévue à l’article 34, point 1, du règlement no 44/2001, n’est concevable que dans l’hypothèse où la reconnaissance ou l’exécution de la décision rendue dans un autre État membre heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique de l’État membre requis, en tant qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental. Afin de respecter la prohibition de la révision au fond de la décision étrangère, l’atteinte devrait constituer une violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’État membre requis ou d’un droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique (arrêts du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07, EU:C:2009:271, point 59, et du 25 mai 2016, Meroni, C‑559/14, EU:C:2016:349, point 42)".

[...]

Motif 63 : "En outre, eu égard au rôle fondamental de la presse dans une société démocratique et aux garanties dont elle doit disposer conformément à la jurisprudence rappelée au point 55 du présent arrêt, tel est, en règle générale, le cas lorsque la condamnation consiste à accorder à la partie lésée une réparation excédant le dommage matériel ou moral réellement subi".

Motif 68 : "Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, parmi lesquelles figurent non seulement les ressources des personnes condamnées mais également la gravité de leur faute et l’étendue du préjudice telles qu’elles ont été constatées dans les décisions en cause au principal, si l’exécution de ces décisions aurait pour effet, au regard des critères énoncés aux points 53 à 64 du présent arrêt, une violation manifeste des droits et libertés tels que consacrés à l’article 11 de la Charte".

Motif 70 : "Dans ce contexte, il convient de préciser que, si la juridiction de renvoi peut prendre en compte les sommes allouées dans l’État membre requis pour une atteinte comparable, une éventuelle divergence entre ces sommes et le montant des dommages-intérêts accordés dans lesdites décisions n’est pas, à elle seule, suffisante pour considérer, de manière automatique et sans vérifications ultérieures, que ces dommages-intérêts sont manifestement disproportionnés par rapport à l’atteinte à la réputation en cause".

Motif 71 : "En outre, dans la mesure où la vérification à effectuer par la juridiction de renvoi ne vise qu’à identifier une atteinte manifeste aux droits et libertés consacrés par l’article 11 de la Charte, elle ne saurait impliquer un contrôle des appréciations de fond portées par les juridictions de l’État membre d’origine, un tel contrôle constituant une révision au fond, laquelle est expressément prohibée par l’article 36 et l’article 45, paragraphe 2, du règlement no 44/2001. Ainsi, en l’occurrence, la juridiction de renvoi ne saurait notamment examiner si EE et Société Éditrice du Monde ont agi, en publiant l’article en cause au principal, dans le respect de leurs devoirs et responsabilités ou remettre en cause les constats de l’arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême) du 24 février 2014 en ce qui concerne la gravité de la faute d’EE ou de Société Éditrice du Monde ou l’étendue du préjudice subi par le Real Madrid et par AE".

Motif 72 : "Compte tenu des interrogations de la juridiction de renvoi, il convient encore de faire observer que, comme il ressort des points 58 et 63 du présent arrêt, il ne saurait être exclu que celle-ci soit amenée, au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce, à constater l’existence d’une violation manifeste de la liberté de la presse résultant d’une exécution des décisions en cause au principal en ce qui concerne seulement l’une des deux parties requérantes ou l’une des deux parties défenderesses visées par ces décisions"

Motif 73 : "Dans l’hypothèse où elle constaterait l’existence d’une violation manifeste de la liberté de la presse, cette juridiction devrait limiter le refus d’exécution desdites décisions à la partie manifestement disproportionnée, dans l’État membre requis, des dommages-intérêts alloués".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 4 oct. 2024, Real Madrid, Aff. C‑633/22

Motif 61 : "En particulier, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il convient de faire preuve de la plus grande prudence lorsque les mesures ou les sanctions prises sont de nature à dissuader la presse de participer à la discussion de questions présentant un intérêt général légitime, et donc à avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté de la presse à l’égard de telles questions (voir, en ce sens, Cour EDH, 20 mai 1999, Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège, CE:ECHR:1999:0520JUD002198093, § 64, ainsi que Cour EDH, 17 décembre 2004, Cumpănă et Mazăre c. Roumanie, CE :ECHR :2004 :1217JUD 003334896, § 111)".

Motif 62 : "À cet égard, il y a lieu de considérer qu’un montant de dommages-intérêts d’une ampleur imprévisible ou élevée par rapport aux sommes allouées dans des affaires de diffamation comparables est de nature à avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté de la presse [voir, en ce sens, Cour EDH, 7 décembre 2010, Público – Comunicação Social, S.A. et autres c. Portugal, CE:ECHR:2010:1207JUD003932407, § 55, ainsi que Cour EDH, 15 juin 2017, Independent Newspapers (Ireland) Limited c. Irlande, CE:ECHR:2017:0615JUD002819915, §§ 84 et 85]".

Motif 63 : "En outre, eu égard au rôle fondamental de la presse dans une société démocratique et aux garanties dont elle doit disposer conformément à la jurisprudence rappelée au point 55 du présent arrêt, tel est, en règle générale, le cas lorsque la condamnation consiste à accorder à la partie lésée une réparation excédant le dommage matériel ou moral réellement subi."

Motif 64: "Un tel effet dissuasif peut même résulter d’une condamnation à des sommes relativement modestes, au regard des standards appliqués dans des affaires de diffamation comparables. Tel est, en principe, le cas lorsque les sommes allouées s’avèrent substantielles par rapport aux moyens dont dispose la personne condamnée (voir, en ce sens, Cour EDH, 15 février 2005, Steel et Morris c. Royaume-Uni, CE :ECHR :2005 :0215JUD 006841601, § 96), qu’il s’agisse d’un journaliste ou d’un éditeur de presse"

Motif 65 : "Par ailleurs, aux fins d’apprécier le caractère proportionné des dommages-intérêts accordés, il doit être tenu compte également des autres sanctions infligées, telles que la publication d’un démenti, une rectification ou encore une excuse formelle ainsi que les frais de justice imposés à la personne condamnée (voir, en ce sens, Cour EDH, 11 décembre 2012, Ileana Constantinescu c. Roumanie, CE:ECHR:2012:1211JUD003256304, § 49 ; Cour EDH, 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France, CE:ECHR:2015:1110JUD004045407, § 152, ainsi que Cour EDH, 27 juin 2017, Ghiulfer Predescu c. Roumanie, CE:ECHR:2017:0627JUD002975109, § 61)"

Motif 67 : " En effet, une telle violation manifeste de l’article 11 de la Charte relève de l’ordre public de l’État membre requis et constitue, dès lors, le motif de refus d’exécution visé à l’article 34, point 1, du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 45 de celui-ci".

Motif 68 : "Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, parmi lesquelles figurent non seulement les ressources des personnes condamnées mais également la gravité de leur faute et l’étendue du préjudice telles qu’elles ont été constatées dans les décisions en cause au principal, si l’exécution de ces décisions aurait pour effet, au regard des critères énoncés aux points 53 à 64 du présent arrêt, une violation manifeste des droits et libertés tels que consacrés à l’article 11 de la Charte".

Motif 69 : "À cet effet, il incombe à cette juridiction de vérifier si les dommages-intérêts accordés dans lesdites décisions s’avèrent manifestement disproportionnés par rapport à l’atteinte à la réputation en cause et risquent ainsi d’avoir un effet dissuasif dans l’État membre requis sur la couverture médiatique de questions analogues à l’avenir ou, plus généralement, sur l’exercice de la liberté de la presse, telle que consacrée à l’article 11 de la Charte".

Motif 70 : "Dans ce contexte, il convient de préciser que, si la juridiction de renvoi peut prendre en compte les sommes allouées dans l’État membre requis pour une atteinte comparable, une éventuelle divergence entre ces sommes et le montant des dommages-intérêts accordés dans lesdites décisions n’est pas, à elle seule, suffisante pour considérer, de manière automatique et sans vérifications ultérieures, que ces dommages-intérêts sont manifestement disproportionnés par rapport à l’atteinte à la réputation en cause".

Motif 73 : "Dans l’hypothèse où elle constaterait l’existence d’une violation manifeste de la liberté de la presse, cette juridiction devrait limiter le refus d’exécution desdites décisions à la partie manifestement disproportionnée, dans l’État membre requis, des dommages-intérêts alloués".

Motif 74 (et dispositif) : "Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de répondre aux questions posées que l’article 34, paragraphe 1, et l’article 45 du règlement no 44/2001, lus conjointement avec l’article 11 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que l’exécution d’un jugement condamnant une société éditrice d’un journal et l’un de ses journalistes au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par un club sportif et l’un des membres de son équipe médicale en raison d’une atteinte à leur réputation du fait d’une information les concernant publiée par ce journal doit être refusée pour autant qu’elle aurait pour effet une violation manifeste de la liberté de la presse, telle que consacrée à l’article 11 de la Charte et, ainsi, une atteinte à l’ordre public de l’État membre requis".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Civ. 1e, 14 févr. 2024, n° 22-22742, 22-22743, 22-22744

Motifs :

"7. Selon les articles 34 et 45 du règlement n° 44/2001 (…), dit Bruxelles I, la reconnaissance n'est refusée que si elle est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis et, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond. 

8. La contrariété à l'ordre public international s'entend d'une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'Union et donc dans celui de l'État membre requis ou d'un droit reconnu comme fondamental dans ces ordres juridiques (CJUE 16 juillet 2015, C-681/13, Diageo Brands). 

9. Lorsqu'il vérifie l'existence éventuelle d'une violation manifeste de l'ordre public de l'État requis, le juge de cet État doit tenir compte du fait que, sauf circonstances particulières rendant trop difficile ou impossible l'exercice des voies de recours dans l'État membre d'origine, les justiciables doivent faire usage dans cet État membre de toutes les voies de recours disponibles afin de prévenir en amont une telle violation (CJUE 16 juillet 2015, C-681/13, Diageo Brands). 

10. Le respect du principe d'effectivité ne saurait néanmoins aller jusqu'à suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné (CJUE 17 mai 2022, C-600/19, Ibercaja Banco). 

11. En retenant, d'une part, que l'existence d'une éventuelle clause abusive dans le contrat de prêt ne pouvait être considérée en soi comme une violation qui heurterait de manière inacceptable l'ordre juridique de l'Etat français en tant qu'elle porterait atteinte à un principe fondamental et, d'autre part, qu'il n'appartenait pas au juge, eu égard à l'interdiction de toute révision au fond de la décision dont il était demandé l'exécution, d'apprécier le caractère abusif d'une telle clause, dont M. et Mme [U] ne s'étaient pas prévalus devant les juges Luxembourgeois, la cour d'appel a justifié sa décision".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Civ. 1e, 14 févr. 2024, n° 22-22742, 22-22743, 22-22744

Motifs :

"7. Selon les articles 34 et 45 du règlement n° 44/2001 (…), dit Bruxelles I, la reconnaissance n'est refusée que si elle est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis et, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond. 

8. La contrariété à l'ordre public international s'entend d'une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle dans l'ordre juridique de l'Union et donc dans celui de l'État membre requis ou d'un droit reconnu comme fondamental dans ces ordres juridiques (CJUE 16 juillet 2015, C-681/13, Diageo Brands). 

9. Lorsqu'il vérifie l'existence éventuelle d'une violation manifeste de l'ordre public de l'État requis, le juge de cet État doit tenir compte du fait que, sauf circonstances particulières rendant trop difficile ou impossible l'exercice des voies de recours dans l'État membre d'origine, les justiciables doivent faire usage dans cet État membre de toutes les voies de recours disponibles afin de prévenir en amont une telle violation (CJUE 16 juillet 2015, C-681/13, Diageo Brands). 

10. Le respect du principe d'effectivité ne saurait néanmoins aller jusqu'à suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné (CJUE 17 mai 2022, C-600/19, Ibercaja Banco). 

11. En retenant, d'une part, que l'existence d'une éventuelle clause abusive dans le contrat de prêt ne pouvait être considérée en soi comme une violation qui heurterait de manière inacceptable l'ordre juridique de l'Etat français en tant qu'elle porterait atteinte à un principe fondamental et, d'autre part, qu'il n'appartenait pas au juge, eu égard à l'interdiction de toute révision au fond de la décision dont il était demandé l'exécution, d'apprécier le caractère abusif d'une telle clause, dont M. et Mme [U] ne s'étaient pas prévalus devant les juges Luxembourgeois, la cour d'appel a justifié sa décision".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Civ. 1e, 19 juin 2024, n° 19-23298

Motifs :

"9. Il [se] déduit [de l’arrêt CJUE, 8 juin 2023, aff. C-567/21) que les juges de l'Etat requis, après avoir reconnu le jugement rendu dans un autre Etat membre, peuvent faire application, en tant que règle de procédure, de la règle de concentration des moyens en vigueur dans leur ordre juridique.

10. S'il résulte de la règle prétorienne [française] de concentration des moyens que le demandeur à une action en paiement doit présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à justifier sa demande, de sorte qu'il est irrecevable à former ultérieurement la même demande contre les mêmes parties en invoquant un fondement juridique qu'il s'était précédemment abstenu de soulever, il n'y a pas lieu d'étendre son champ lorsque l'instance initiale se déroule devant une juridiction étrangère, son application étant de nature à porter une atteinte excessive au droit d'accès au juge en ce qu'elle n'est pas, dans ce contexte, suffisamment prévisible et accessible."

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Soc., 6 mars 2024, n° 19-20538

Motifs :

"Sur le moyen relevé d'office

14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. 

Vu les articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 (…) et l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :

(…)

23. Il [résulte de l'arrêt de la Cour de justice, CJUE, 8 juin 2023, Aff. C-567/21] que, pour les instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016, période durant laquelle l'article R. 1452-6 susvisé du code du travail était applicable, lorsqu'une décision d'une juridiction d'un Etat membre est reconnue en France en application des articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001, sont irrecevables des demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties formées dans une nouvelle procédure devant la juridiction prud'homale dès lors que leur fondement est né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction étrangère.

24. En l'espèce, après avoir constaté que le 20 décembre 2013, le salarié avait saisi l'Employment Tribunal pour « unfair dismissal » pour que soit reconnu abusif son licenciement et pour solliciter « une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du Code du Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service) », que par jugement du 26 septembre 2014, la juridiction britannique avait reconnu le caractère abusif du licenciement et avait accordé au salarié une indemnité à ce titre, que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 27 novembre 2014 et qu'il demandait à la cour d'appel le paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de rappels de bonus pour 2012 et 2013 et de rappels de parts DCS Plus 2011, 2012 et 2013 restant dues pour 2013 et 2014, subsidiairement le paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ces sommes, le paiement de dommages-intérêts pour perte évidente de droit à la retraite, subsidiairement pour perte de chance de s'assurer personnellement contre le risque vieillesse, l'arrêt retient que les demandes du salarié sont recevables. 

25. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes du salarié étaient liées au contrat de travail avec le même employeur et que leur fondement était né avant la clôture des débats de l'instance antérieure devant la juridiction britannique, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

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