Droits de la défense

Civ. 1e, 25 mai 2016, n° 15-21407

Motifs : "Mais attendu que, dʼune part, après avoir relevé que la juridiction britannique [saisie par l'épouse d'une demande de divorce et ayant condamné l'époux à verser une certaine somme à titre d'obligation alimentaire] avait tranché la question de la compétence, lʼarrêt, répondant par là-même aux conclusions invoquées, en déduit exactement que M. Y… ne peut prétendre que la décision étrangère a été rendue en fraude de ses droits au motif que son épouse serait domiciliée, non en Grande-Bretagne, mais en France ; que, dʼautre part, il constate que lʼintéressé a été avisé par les conseils de Mme X… des dates dʼaudience, lesquelles ont fait lʼobjet de renvois successifs en raison de lʼabsence de diligences de sa part ; quʼen lʼétat de ces énonciations, la cour dʼappel a rejeté, à bon droit, le recours ; (…)".

Obligations alimentaires (règl. 4/2009)

CJCE, 14 déc. 2006, ASML Netherlands, Aff. C-283/05

Aff. C-283/05, Concl. P. Léger

Motif 20 : "(…) l’article 34, point 2, du règlement n° 44/2001 requiert non pas nécessairement la régularité de la signification ou de la notification de l’acte introductif d’instance, mais le respect effectif des droits de la défense".

Motif 26 : "Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font en effet partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect (voir, notamment, avis 2/94, du 28 mars 1996, Rec. p. I-1759, point 33). À cet effet, la Cour s’inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré. La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH») revêt, à cet égard, une signification particulière (voir, notamment, arrêts du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 18, et du 28 mars 2000, Krombach, C-7/98, Rec. p. I-1935, point 25)".

Motif 27 : "Or, il résulte de la CEDH, telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme, que les droits de la défense, qui dérivent du droit à un procès équitable consacré à l’article 6 de cette convention, exigent une protection concrète et effective, propre à garantir l’exercice effectif des droits du défendeur (voir Cour eur. D. H., arrêts Artico c. Italie du 13 mai 1980, série A n° 37, § 33, et T. c. Italie du 12 octobre 1992, série A n° 245 C, § 28)".

Motif 28 : "Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 105 de ses conclusions, la Cour européenne des droits de l’homme a également jugé, certes en matière pénale, que le défaut de connaissance par l’accusé des motifs de l’arrêt d’une cour d’appel, à l’intérieur du délai imparti pour former un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour de cassation, constitue une violation des dispositions combinées de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la CEDH, parce que l’intéressé avait été dans l’impossibilité d’exercer son recours de manière utile et effective (voir Cour eur. D. H., arrêt Hadjianastassiou c. Grèce du 16 décembre 1992, série A n° 252, § 29 à 37)".

Motif  35 : "(…) la possibilité pour le défendeur d’exercer un recours effectif lui permettant de faire valoir ses droits, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 27 et 28 du présent arrêt, requiert qu’il puisse prendre connaissance des motifs de la décision rendue par défaut afin de pouvoir les contester utilement".

Motif 36 : "Il s’ensuit que seule la connaissance par le défendeur défaillant du contenu de la décision rendue par défaut permet de garantir, conformément aux exigences de respect des droits de la défense et de l’exercice effectif de ceux-ci, que ce défendeur a été en mesure, au sens de l’article 34, point 2, du règlement n° 44/2001, d’exercer un recours à l’encontre de cette décision devant le juge de l’État d’origine".

Motif 37 : "Cette conclusion n’est pas de nature à remettre en cause l’effet utile des modifications apportées par l’article 34, point 2, du règlement n° 44/2001 aux dispositions équivalentes de l’article 27, point 2, de la convention de Bruxelles".

Motif 39 : "L’article 34, point 2, du règlement n° 44/2001 n’implique pas cependant que le défendeur soit tenu d’accomplir des démarches nouvelles allant au-delà d’une diligence normale dans la défense de ses droits, telles que celles consistant à s’informer du contenu d’une décision rendue dans un autre État membre".

Motif 40 : "Par conséquent, pour considérer que le défendeur défaillant a été en mesure, au sens de l’article 34, point 2, du règlement n° 44/2001, d’exercer un recours contre une décision rendue par défaut à son encontre, il doit avoir eu connaissance du contenu de cette décision, ce qui suppose que celle-ci lui ait été signifiée ou notifiée".

Motif 47 : "(…) ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 69 de ses conclusions, les exigences formelles auxquelles doit satisfaire cette signification ou cette notification doivent être comparables à celles prévues par le législateur communautaire à l’article 34, point 2, du règlement n° 44/2001 en ce qui concerne les actes introductifs d’instance, de sorte qu’une simple irrégularité formelle, qui ne porte pas atteinte aux droits de la défense, ne saurait suffire à écarter l’application de l’exception au motif justifiant le défaut de reconnaissance ou d’exécution".

Motif 48 : "Par conséquent, pour considérer que le défendeur a été «en mesure», au sens de l’article 34, point 2, du règlement n° 44/2001, d’exercer un recours contre une décision rendue par défaut à son encontre, il doit avoir eu connaissance du contenu de celle-ci, de telle manière que ce défendeur ait pu, en temps utile, faire valoir ses droits de manière effective devant le juge de l’État d’origine".

Dispositif (et motif 49) : "L’article 34, point 2, du règlement (CE) n° 44/2001 (…), doit être interprété en ce sens qu’un défendeur ne saurait être «en mesure» d’exercer un recours contre une décision rendue par défaut à son encontre que s’il a eu effectivement connaissance du contenu de celle-ci, par voie de signification ou de notification effectuée en temps utile pour lui permettre de se défendre devant le juge de l’État d’origine".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 17 déc. 2015, Imtech Marine Belgium NV, Aff. C-300/14

Aff. C-300/14, Concl. P. Cruz Villalón

Motif 46 : "(…), la certification proprement dite exige un examen juridictionnel des conditions prévues par le règlement n° 805/2004".

Motif 47 : "En effet, les qualifications juridiques d’un juge sont indispensables pour apprécier correctement, dans un contexte d’incertitude quant au respect des normes minimales visant à garantir le respect des droits de la défense du débiteur et du droit à un procès équitable, les voies de recours internes conformément aux points 38 à 40 du présent arrêt. Par ailleurs, seule une juridiction au sens de l’article 267 TFUE pourra assurer que, moyennant un renvoi préjudiciel à la Cour, les normes minimales établies par le règlement n° 805/2004 fassent l’objet d’une interprétation et d’une application uniformes dans l’Union européenne".

Motif 48 : "Quant à la question de savoir si la certification d’une décision en tant que titre exécutoire européen doit être demandée dans l’acte introductif d’instance, l’article 6 du règlement n° 805/2004 dispose qu’une décision relative à une créance incontestée rendue dans un État membre est, sur demande adressée à tout moment à la juridiction d’origine, certifiée en tant que titre exécutoire européen".

Dispositif 3 (et motif 50) : "L’article 6 du règlement n° 805/2004 doit être interprété en ce sens que la certification d’une décision en tant que titre exécutoire européen, qui peut être demandée à tout moment, doit être réservée au juge".

Titre exécutoire européen (règl. 805/2004)

CJUE, 17 déc. 2015, Imtech Marine Belgium NV, Aff. C-300/14

Aff. C-300/14, Concl. P. Cruz Villalón

Motif 29 : "La seule conséquence de l’absence d’une procédure de réexamen est, ainsi que l’article 19 du règlement n° 805/2004 le prévoit lui-même, l’impossibilité de certifier une décision en tant que titre exécutoire européen dans les conditions que ce dernier vise".

Motif 38 : "Or, afin de respecter les droits de la défense du débiteur et le droit à un procès équitable garantis par l’article 47, paragraphe 2, de la Charte, il y a lieu d’exiger que, pour constituer une procédure de réexamen au sens de l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 805/2004, interprété à la lumière du considérant 14 de celui-ci, les voies de recours en question doivent permettre, premièrement, un réexamen complet de la décision, en droit et en fait".

Motif 40 : "Afin de satisfaire, spécifiquement, aux exigences de l’article 19, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 805/2004, le droit interne doit permettre une (...) prorogation des délais de recours tant en cas de force majeure qu’en présence de circonstances extraordinaires indépendantes de la volonté du débiteur, et sans qu’il y ait eu faute de sa part, étant donné que cette disposition opère une distinction entre les deux notions".

Motif 46 : "(…), la certification proprement dite exige un examen juridictionnel des conditions prévues par le règlement n° 805/2004".

Dispositif (et motifs 31, 42 et 50) :

"1) L’article 19 du règlement (CE) n° 805/2004 (...) doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas aux États membres d’instaurer, en droit interne, une procédure de réexamen telle que visée audit article 19.

2) L’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 805/2004 doit être interprété en ce sens que, pour procéder à la certification en tant que titre exécutoire européen d’une décision rendue par défaut, le juge saisi d’une telle demande doit s’assurer que son droit interne permet, effectivement et sans exception, un réexamen complet, en droit et en fait, d’une telle décision dans les deux hypothèses visées à cette disposition et qu’il permet de proroger les délais pour former un recours contre une décision relative à une créance incontestée non pas uniquement en cas de force majeure, mais également lorsque d’autres circonstances extraordinaires, indépendantes de la volonté du débiteur, ont empêché ce dernier de contester la créance en cause.

3) L’article 6 du règlement n° 805/2004 doit être interprété en ce sens que la certification d’une décision en tant que titre exécutoire européen, qui peut être demandée à tout moment, doit être réservée au juge".

Titre exécutoire européen (règl. 805/2004)

CJUE, 4 sept. 2014, eco cosmetics et Raiffeisenbank St. Georgen, Aff. C-119/13, C-120/13

Motif 42 : "Une (…) situation [dans laquelle l’injonction de payer européenne n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 du règlement n° 1896/2006, si bien que le défendeur n’est pas informé de manière régulière de l’existence et du fondement de l’injonction délivrée à son encontre] ne saurait être compatible avec les droits de la défense, de sorte qu’une application de la procédure d’opposition prévue aux articles 16 et 17 du règlement n° 1896/2006 ne peut pas être envisagée dans des circonstances telles que celles en cause au principal".

Motif 46 : "Or, en l’occurrence, le règlement n° 1896/2006 reste muet quant aux éventuelles voies de recours qui s’offrent au défendeur lorsque ce n’est qu’après la déclaration de force exécutoire d’une injonction de payer européenne qu’il s’avère que cette injonction n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales énoncées aux articles 13 à 15 de ce règlement".

Motif 45 : "En tout état de cause, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 26 du règlement n° 1896/2006, toute question procédurale non expressément réglée par ce règlement «est régie par le droit national», de sorte que, dans un tel cas, une application par analogie dudit règlement est exclue".

Motif 47 : "Il s’ensuit que, dans un tel cas, ces questions procédurales demeurent régies par le droit national conformément à l’article 26 du règlement n° 1896/2006".

Dispositif (et motif 49) : "Le règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer, doit être interprété en ce sens que les procédures visées aux articles 16 à 20 de ce règlement ne sont pas applicables lorsqu’il s’avère qu’une injonction de payer européenne n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 dudit règlement.

Lorsque ce n’est qu’après la déclaration de force exécutoire d’une injonction de payer européenne qu’une telle irrégularité est révélée, le défendeur doit avoir la possibilité de dénoncer cette irrégularité, laquelle doit, si elle est dûment démontrée, entraîner l’invalidité de cette déclaration de force exécutoire".

Procédure européenne d’injonction (règl. 1896/2006)

CJUE, 4 sept. 2014, eco cosmetics et Raiffeisenbank St. Georgen, Aff. C-119/13, C-120/13

Motif 42 : "Une (…) situation [dans laquelle l’injonction de payer européenne n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 du règlement n° 1896/2006, si bien que le défendeur n’est pas informé de manière régulière de l’existence et du fondement de l’injonction délivrée à son encontre] ne saurait être compatible avec les droits de la défense, de sorte qu’une application de la procédure d’opposition prévue aux articles 16 et 17 du règlement n° 1896/2006 ne peut pas être envisagée dans des circonstances telles que celles en cause au principal".

Motif 46 : "Or, en l’occurrence, le règlement n° 1896/2006 reste muet quant aux éventuelles voies de recours qui s’offrent au défendeur lorsque ce n’est qu’après la déclaration de force exécutoire d’une injonction de payer européenne qu’il s’avère que cette injonction n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales énoncées aux articles 13 à 15 de ce règlement".

Motif 45 : "En tout état de cause, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 26 du règlement n° 1896/2006, toute question procédurale non expressément réglée par ce règlement «est régie par le droit national», de sorte que, dans un tel cas, une application par analogie dudit règlement est exclue".

Motif 47 : "Il s’ensuit que, dans un tel cas, ces questions procédurales demeurent régies par le droit national conformément à l’article 26 du règlement n° 1896/2006".

Motif 48 : "En tout état de cause, il convient de souligner que, ainsi qu’il ressort du point 43 du présent arrêt, lorsqu’une injonction de payer européenne n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 du règlement n° 1896/2006, elle ne saurait bénéficier de l’application de la procédure d’exécution prévue à l’article 18 dudit règlement. Il s’ensuit que la déclaration de force exécutoire d’une telle injonction de payer doit être considérée comme invalide".

Dispositif (et motif 49) : "Le règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer, doit être interprété en ce sens que les procédures visées aux articles 16 à 20 de ce règlement ne sont pas applicables lorsqu’il s’avère qu’une injonction de payer européenne n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 dudit règlement.

Lorsque ce n’est qu’après la déclaration de force exécutoire d’une injonction de payer européenne qu’une telle irrégularité est révélée, le défendeur doit avoir la possibilité de dénoncer cette irrégularité, laquelle doit, si elle est dûment démontrée, entraîner l’invalidité de cette déclaration de force exécutoire".

Procédure européenne d’injonction (règl. 1896/2006)

CJUE, 11 sept. 2014, A. c/ B. e.a., Aff. C-112/13

Motif 51 : "En outre, les dispositions du droit de l’Union, telles que celles du règlement no 44/2001, doivent être interprétées à la lumière des droits fondamentaux qui, selon une jurisprudence constante, font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect et qui sont désormais inscrits dans la Charte (voir, en ce sens, arrêt Google Spain et Google, C‑131/12, EU:C:2014:317, point 68 ainsi que jurisprudence citée). À cet égard, il importe de relever que l’ensemble des dispositions du règlement no 44/2001 expriment l’intention de veiller à ce que, dans le cadre des objectifs de celui-ci, les procédures menant à l’adoption de décisions judiciaires se déroulent dans le respect des droits de la défense consacrés à l’article 47 de la Charte (voir arrêts Hypoteční banka, C‑327/10, EU:C:2011:745, points 48 et 49, et G, C‑292/10, EU:C:2012:142, points 47 et 48 ainsi que jurisprudence citée)".

Motif 53 : "il convient de rappeler, en premier lieu, que cet article 24 figure au chapitre II, section 7, du règlement n° 44/2001, intitulée «Prorogation de compétence». Ledit article 24, première phrase, prévoit une règle de compétence fondée sur la comparution du défendeur pour tous les litiges où la compétence du juge saisi ne résulte pas d’autres dispositions de ce règlement. Cette disposition s’applique y compris dans les cas où le juge a été saisi en méconnaissance des dispositions dudit règlement et implique que la comparution du défendeur puisse être considérée comme une acceptation tacite de la compétence du juge saisi et donc comme une prorogation de compétence de celui-ci".

Motif 54 : "Ainsi, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 43 de ses conclusions, la prorogation tacite de compétence en vertu de l’article 24, première phrase, du règlement n° 44/2001 est fondée sur un choix délibéré des parties au litige relatif à cette compétence, ce qui présuppose que le défendeur ait connaissance de la procédure entamée contre lui. En revanche, un défendeur absent auquel la requête introductive d’instance n’a pas été notifiée et qui ignore la procédure entamée contre lui ne peut être considéré comme acceptant tacitement la compétence du juge saisi."

Motif 56 : "En second lieu, il convient de relever que, dans le cadre du règlement n° 44/2001, la compétence internationale de la juridiction saisie ne fait l’objet d’un contrôle juridictionnel exercé d’office ou sur le recours de ce défendeur, ainsi qu’il ressort des articles 26 et 34, point 2, de ce règlement, que si celui-ci peut être considéré comme défaillant. Dans ces circonstances, le respect des droits de la défense exige qu’un représentant légal ne puisse valablement comparaître pour le défendeur au sens du règlement n° 44/2001 que s’il est effectivement en mesure d’assurer la défense des droits du défendeur absent. Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 27, point 2 [de la Convention de Bruxelles], ainsi que de la jurisprudence relative à l’article 34, point 2, du règlement n° 44/2001, un défendeur qui ignore la procédure entamée à son encontre et pour lequel comparaît un avocat ou un «tuteur» qu’il n’a pas mandaté se trouve dans l’impossibilité de se défendre effectivement et doit, par conséquent, être considéré comme défaillant au sens de cette disposition, même si la procédure a pris un caractère contradictoire".

Motif 59 : "B e.a. relèvent que, dans le cadre du litige au principal, A n’a toujours pas révélé son domicile actuel, empêchant ainsi la détermination de la juridiction compétente et l’exercice de leur droit à un recours effectif. Dans cette situation, afin d’éviter une situation de déni de justice et pour assurer un juste équilibre entre les droits du demandeur et ceux du défendeur, conformément à la jurisprudence citée au point précédent, il y aurait lieu d’admettre qu’un curateur du défendeur absent puisse comparaître pour ce défendeur au sens de l’article 24 du règlement n° 44/2001".

Motif 60 : "Or, si la Cour a jugé, dans les circonstances particulières des affaires ayant donné lieu aux arrêts Hypoteční banka (EU:C:2011:745) et G (EU:C:2012:142), que le règlement n° 44/2001, interprété à la lumière de l’article 47 de la Charte, ne s’oppose pas à une procédure contre un défendeur absent dans laquelle ce dernier a été privé de la faculté de se défendre efficacement, elle a mis l’accent sur le fait que ce défendeur a la possibilité de faire respecter ses droits de défense en s’opposant, en vertu de l’article 34, point 2, de ce règlement, à la reconnaissance du jugement prononcé contre lui (voir, en ce sens, arrêts Hypoteční banka, EU:C:2011:745, points 54 et 55, ainsi que G, C‑292/10, EU:C:2012:142, points 57 et 58). Cette possibilité de recours sur le fondement de l’article 34, point 2, dudit règlement suppose toutefois, comme cela a été constaté au point 56 du présent arrêt, une défaillance du défendeur et que les actes de procédure accomplis par le tuteur ou le curateur du défendeur absent n’équivalent pas à la comparution de ce dernier au sens du même règlement. En revanche, en l’occurrence, les actes de procédure pris par le curateur du défendeur absent en vertu de l’article 116 de la ZPO ont pour effet que A doit être considéré comme ayant comparu devant la juridiction saisie au regard de la réglementation nationale. Or, une interprétation de l’article 24 du règlement n° 44/2001 selon laquelle un tel tuteur ou curateur du défendeur absent peut comparaître pour ce défendeur au sens de l’article 24 du règlement n° 44/2001 ne saurait être considérée comme établissant un juste équilibre entre les droits à un recours effectif et les droits de la défense.

Motif 61 : "Dès lors, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 24 du règlement n° 44/2001, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une juridiction nationale nomme un curateur du défendeur absent pour un défendeur auquel la requête introductive d’instance n’a pas été notifiée à défaut d’une résidence connue, conformément à la législation nationale, la comparution de ce curateur du défendeur absent n’équivaut pas à la comparution de ce défendeur au sens de l’article 24 de ce règlement établissant la compétence internationale de cette juridiction".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 15 mars 2012, G contre Cornelius de Visser, Aff. C-292/10

Motif 55 : "S’agissant, (…), de l’interprétation de l’article 26, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001, il convient de comprendre cette disposition, [...], en ce sens qu’une juridiction compétente au titre de ce règlement ne saurait poursuivre valablement la procédure, dans le cas où il n’est pas établi que le défendeur a été mis à même de recevoir l’acte introductif d’instance, que si toutes les mesures nécessaires ont été prises pour permettre à celui-ci de se défendre. À cet effet, la juridiction saisie doit s’assurer que toutes les recherches requises par les principes de diligence et de bonne foi ont été entreprises pour retrouver ledit défendeur".

Motif 56 : "Certes, même si ces conditions sont observées, la possibilité de poursuivre la procédure à l’insu du défendeur moyennant, comme dans l’affaire au principal, une «signification par voie de publication», restreint les droits de la défense de ce défendeur. Cette restriction est toutefois justifiée au regard du droit d’un requérant à une protection effective étant donné que, en l’absence d’une telle signification, ce droit resterait lettre morte".

Motif 57 : "En effet, contrairement à la situation du défendeur qui, lorsqu’il a été privé de la possibilité de se défendre efficacement, aura la possibilité de faire respecter les droits de la défense en s’opposant, en vertu de l’article 34, point 2, du règlement n° 44/2001, à la reconnaissance du jugement prononcé à son encontre, le requérant risque d’être privé de toute possibilité de recours".

Dispositif 2 (et motif 59) "Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas au prononcé d’un jugement par défaut à l’encontre d’un défendeur auquel, dans l’impossibilité de le localiser, l’acte introductif d’instance a été signifié par voie de publication selon le droit national, à condition que la juridiction saisie se soit auparavant assurée que toutes les recherches requises par les principes de diligence et de bonne foi ont été entreprises pour retrouver ce défendeur".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 4 sept. 2014, eco cosmetics et Raiffeisenbank St. Georgen, Aff. C-119/13, C-120/13

Motif 42 : "Une (…) situation [dans laquelle l’injonction de payer européenne n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 du règlement n° 1896/2006, si bien que le défendeur n’est pas informé de manière régulière de l’existence et du fondement de l’injonction délivrée à son encontre] ne saurait être compatible avec les droits de la défense, de sorte qu’une application de la procédure d’opposition prévue aux articles 16 et 17 du règlement n° 1896/2006 ne peut pas être envisagée dans des circonstances telles que celles en cause au principal".

Motif 46 : "Or, en l’occurrence, le règlement n° 1896/2006 reste muet quant aux éventuelles voies de recours qui s’offrent au défendeur lorsque ce n’est qu’après la déclaration de force exécutoire d’une injonction de payer européenne qu’il s’avère que cette injonction n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales énoncées aux articles 13 à 15 de ce règlement".

Motif 45 : "En tout état de cause, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 26 du règlement n° 1896/2006, toute question procédurale non expressément réglée par ce règlement «est régie par le droit national», de sorte que, dans un tel cas, une application par analogie dudit règlement est exclue".

Motif 47 : "Il s’ensuit que, dans un tel cas, ces questions procédurales demeurent régies par le droit national conformément à l’article 26 du règlement n° 1896/2006".

Motif 48 : "En tout état de cause, il convient de souligner que, ainsi qu’il ressort du point 43 du présent arrêt, lorsqu’une injonction de payer européenne n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 du règlement n° 1896/2006, elle ne saurait bénéficier de l’application de la procédure d’exécution prévue à l’article 18 dudit règlement. Il s’ensuit que la déclaration de force exécutoire d’une telle injonction de payer doit être considérée comme invalide".

Dispositif (et motif 49) : "Le règlement (CE) n° 1896/2006 (…) doit être interprété en ce sens que les procédures visées aux articles 16 à 20 de ce règlement ne sont pas applicables lorsqu’il s’avère qu’une injonction de payer européenne n’a pas été signifiée ou notifiée de manière conforme aux normes minimales établies aux articles 13 à 15 dudit règlement.

Lorsque ce n’est qu’après la déclaration de force exécutoire d’une injonction de payer européenne qu’une telle irrégularité est révélée, le défendeur doit avoir la possibilité de dénoncer cette irrégularité, laquelle doit, si elle est dûment démontrée, entraîner l’invalidité de cette déclaration de force exécutoire".

Procédure européenne d’injonction (règl. 1896/2006)

Civ. 2e, 22 févr. 2012, n° 10-28379

Motif : "Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la décision certifiée en tant que titre exécutoire européen dans l'Etat d'origine est reconnue et exécutée dans les autres Etats membres sans qu'une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire et sans qu'il soit possible de contester sa reconnaissance, la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à [rechercher si le débiteur avait été dûment informé dans la décision ou dans un document l'accompagnant des exigences de procédure relatives au recours, ce] qui était sans incidence sur la solution du litige, que les contestations formées par la société [débitrice] à l'encontre du jugement du tribunal italien étaient irrecevables".  

Titre exécutoire européen (règl. 805/2004)

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