Ordre public

Concl., 6 sept. 2018, sur Q. préj. (IT), 27 juin 2017, Stefano Liberato, Aff. C-386/17

1) La violation des règles de litispendance figurant à l’article 19, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 2201/2003 (…) n’a-t-elle d’incidence que sur la détermination de la compétence juridictionnelle et, par conséquent, l’article 24 du règlement (CE) n° 44/2001 (…) s’applique-t-il ou, au contraire, cette violation fait-elle obstacle à ce que la décision rendue dans l’État membre dont l’autorité juridictionnelle a été saisie en second lieu soit reconnue dans l’État membre dont l’autorité juridictionnelle a été saisie en premier lieu,

2) L’interprétation de l’article 19 du règlement n° 2201/2003 en vertu de laquelle il ne représente qu’un critère de détermination de la compétence juridictionnelle est-elle contraire à la notion de litispendance prévue en droit de l’Union ainsi qu’à la fonction et à la finalité de cette disposition, qui vise à énoncer un ensemble de règles impératives d’ordre public procédural garantissant la création d’un espace commun, caractérisé par la confiance et la loyauté procédurale réciproque entre États membres, au sein duquel la reconnais

Conclusions de l'avocat général Y. Bot :

Français

CJCE, 28 avr. 2009, Apostolides, Aff. C-420/07

Aff. C-420/07Concl. J. Kokott 

Motif 59 : "Un recours à la clause de l’ordre public, figurant à l’article 34, point 1, du règlement n° 44/2001, n’est concevable que dans l’hypothèse où la reconnaissance ou l’exécution de la décision rendue dans un autre État membre heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique de l’État requis, en tant qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental. Afin de respecter la prohibition de la révision au fond de la décision étrangère, l’atteinte devrait constituer une violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’État requis ou d’un droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique (voir arrêts précités Krombach, point 37, et Renault, point 30)".

Motif 60 : "À cet égard, le juge de l’État requis ne saurait, sous peine de remettre en cause la finalité du règlement n° 44/2001, refuser la reconnaissance d’une décision émanant d’un autre État membre au seul motif qu’il estime que, dans cette décision, le droit national ou le droit communautaire a été mal appliqué. Il importe, au contraire, de considérer que, dans de tels cas, le système des voies de recours mis en place dans chaque État membre, complété par le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l’article 234 CE, fournit aux justiciables une garantie suffisante (voir arrêt Renault, précité, point 33). La clause de l’ordre public ne jouerait dans de tels cas que dans la mesure où ladite erreur de droit implique que la reconnaissance ou l’exécution de la décision dans l’État requis soit considérée comme une violation manifeste d’une règle de droit essentielle dans l’ordre juridique dudit État membre (voir, en ce sens, arrêt Renault, précité, point 34)".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

Civ. 1e, 27 sept. 2017, n° 16-17198 [droit commun]

Motifs : "Mais attendu qu'une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d'espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels   ;

Et attendu qu'après avoir énoncé que la loi applicable à la succession de Maurice X...est celle de l'Etat de Californie, qui ne connaît pas la réserve, l'arrêt relève, par motifs propres, que le dernier domicile du défunt est situé dans l'Etat de Californie, que ses unions, à compter de 1965, ont été contractées aux Etats-Unis, où son installation était ancienne et durable et, par motifs adoptés, que les parties ne soutiennent pas se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin ; que la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu d'écarter la loi californienne au profit de la loi française ; que le moyen n'est pas fondé ; (…)".

Successions (règl. 650/2012)

Civ. 1e, 27 sept. 2017, n° 16-13151 [droit commun]

Motifs : "Mais attendu qu'une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d'espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels ;

Et attendu qu'après avoir énoncé que la loi normalement applicable à la succession est celle de l'Etat de Californie, qui ne connaît pas la réserve héréditaire, l'arrêt relève qu'il n'est pas soutenu que l'application de cette loi laisserait l'un ou l'autre des consorts X..., tous majeurs au jour du décès de leur père, dans une situation de précarité économique ou de besoin, que Michel X...résidait depuis presque trente ans en Californie, où sont nés ses trois derniers enfants, et que tout son patrimoine immobilier et une grande partie de son patrimoine mobilier sont situés aux Etats-Unis ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui a procédé aux recherches prétendument omises, en a exactement déduit que la loi californienne ayant permis à Michel X...de disposer de tous ses biens en faveur d'un trust bénéficiant à son épouse, mère de leurs deux filles alors mineures, sans en réserver une part à ses autres enfants, ne heurtait pas l'ordre public international français ; que le moyen, inopérant en ses cinquième, sixième et septième branches qui critiquent des motifs surabondants du jugement, ne peut être accueilli en ses autres branches ; (…)".

Successions (règl. 650/2012)

Soc., 29 sept. 2010, n° 09-68.851, n° 09-68.852, n° 09-68.853, n° 09-68.854 et n° 09-68.855 [Conv. Rome]

Motifs : "Sur le premier moyen commun aux pourvois : (…)

Mais attendu, d'abord, que, s'agissant de rechercher, par application de l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative aux obligations contractuelles, la loi qui aurait été applicable à défaut de choix exercé en application de l'article 3, c'est à celui qui prétend écarter la loi du lieu d'accomplissement habituel du travail de rapporter la preuve que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays ;

Attendu, ensuite, que les éléments caractérisant les relations entre les parties, mais résultant de l'application d'une loi choisie par elles, ne pouvant être retenus pour rattacher le contrat à une loi autre que celle de son lieu d'exécution, c'est après les avoir écartés à bon droit que la cour d'appel a pu retenir que les contrats de travail ne présentaient pas de liens étroits avec un pays autre que la France de sorte que les salariés devaient bénéficier de la protection des dispositions impératives de la loi française dont elle a fait ressortir le caractère plus favorable ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen commun aux pourvois Z 09-68.851, A 09-68.852, B 09-68.853 et C 09-68.854 :

Attendu que la société CGS fait grief aux arrêts de faire application des dispositions de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien et de la condamner à verser une indemnité conventionnelle de licenciement, une prime d'ancienneté et une gratification, alors, selon le moyen, qu'il résulte des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 que, par principe, la loi applicable au contrat de travail est celle choisie par les parties, sauf si son application a pour résultat de priver le travailleur «de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix» ; qu'une convention collective nationale ne constituait pas une disposition légale impérative au sens de l'article 6 de la Convention de Rome du 18 juin 1980 ; qu'en faisant néanmoins application de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien au prétexte qu'il y aurait eu lieu de faire application des protections offertes par les dispositions impératives de la loi française, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que les règles d'application des conventions collectives étant fixées par des normes légales et impératives tendant à protéger les salariés, l'application du droit français emporte celle des conventions qu'il rend obligatoires ;

Et sur le troisième moyen propre aux pourvois Z 09-68.851, A 09-68.852, B 09-68.853 et C 09-68.854 :

Attendu que la société CGS fait grief aux arrêts d'ordonner le remboursement aux organismes concernés des indemnités chômage dans la limite de six mois, alors, selon le moyen, que lorsque par application de la Convention de Rome du 19 juin 1980 les parties ont convenu qu'un contrat de travail est soumis à une législation, le droit applicable à défaut d'un tel choix ne peut retrouver application que dans l'intérêt du salarié qui ne doit pas être privé des protections impératives qu'il lui accorde ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les parties avaient choisi de soumettre leur relation de travail au droit suisse ; qu'en faisant néanmoins application de l'article L. 1235-4 du code du travail français, bénéficiant aux organismes sociaux français et qui n'accorde pas aux salariés une protection impérative, la cour d'appel a violé les articles 3 et 6 de la Convention de Rome et par fausse application l'article L. 1235-4 du code du travail ;

Mais attendu que la clause d'un contrat de travail soumettant les relations entre les parties à une loi étrangère ne peut être opposée aux organismes visés à l'article L. 1235-4 du code du travail dans le cas où ils seraient tenus d'indemniser les salariés licenciés bénéficiant des dispositions impératives et plus favorables de la loi française ; que le moyen n'est pas fondé (…)".

Rome I (règl. 593/2008)

Civ. 1e, 25 mai 2016, n° 15-21407

Motifs : "Mais attendu que, dʼune part, après avoir relevé que la juridiction britannique [saisie par l'épouse d'une demande de divorce et ayant condamné l'époux à verser une certaine somme à titre d'obligation alimentaire] avait tranché la question de la compétence, lʼarrêt, répondant par là-même aux conclusions invoquées, en déduit exactement que M. Y… ne peut prétendre que la décision étrangère a été rendue en fraude de ses droits au motif que son épouse serait domiciliée, non en Grande-Bretagne, mais en France ; que, dʼautre part, il constate que lʼintéressé a été avisé par les conseils de Mme X… des dates dʼaudience, lesquelles ont fait lʼobjet de renvois successifs en raison de lʼabsence de diligences de sa part ; quʼen lʼétat de ces énonciations, la cour dʼappel a rejeté, à bon droit, le recours ; (…)".

Obligations alimentaires (règl. 4/2009)

CJUE, 25 mai 2016, Rūdolfs Meroni, Aff. C-559/14

Aff. C-559/14, Concl. J. Kokott

Dispositif (et motif 55) : "L’article 34, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001 (…), lu à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire au principal, la reconnaissance et l’exécution d’une ordonnance [de mise sous séquestre d'actions, à titre provisoire et conservatoire, dans une société de droit letton] rendue par une juridiction d’un État membre [en Angleterre], qui a été prononcée sans qu’un tiers dont les droits sont susceptibles d’être affectés par cette ordonnance ait été entendu, ne sauraient être considérées comme étant manifestement contraires à l’ordre public de l’État membre requis [la Lettonie] et au droit à un procès équitable au sens de ces dispositions, dans la mesure où il lui est possible de faire valoir ses droits devant cette juridiction".

Bruxelles I (règl. 44/2001)

CJUE, 12 mai 2016, Soha Sahyouni, Aff. C-281/18 [Ordonnance]

Motif 18 : "Il convient de constater, à titre liminaire, que la juridiction de renvoi est saisie non pas d’une demande de divorce, mais d’une demande de reconnaissance d’une décision de divorce ayant été prononcée par une autorité religieuse dans un État tiers".

Motif 19 : "Il importe d’observer également qu’il résulte notamment des articles 1er et 8 du règlement n° 1259/2010 que ce dernier, qui fait l’objet des questions préjudicielles, ne détermine que les règles de conflit de lois applicables en matière de divorce et de séparation de corps, mais ne régit pas la reconnaissance, dans un État membre, d’une décision de divorce ayant déjà été prononcée".

Motif 27 : "La Cour a […] souligné qu’une interprétation, par elle, de dispositions du droit de l’Union dans des situations ne relevant pas du champ d’application de celui-ci se justifie lorsque ces dispositions ont été rendues applicables à de telles situations par le droit national de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique à ces situations et à celles qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union. La Cour est, dès lors, appelée à vérifier s’il existe des indications suffisamment précises pour pouvoir établir ce renvoi au droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2012, Nolan, C‑583/10, EU:C:2012:638, points 47 et 48)".

Motif 30 : "En l'occurrence, la décision de renvoi [interrogeant la Cour sur l'applicabilité du règlement n° 1259/2010 à un "divorce privé", fondé sur la charia et constaté par un tribunal religieux en Syrie, ainsi que sur le caractère discriminatoire de celui-ci et sa compatibilité avec l'ordre public] ne comporte aucun élément susceptible d’établir la compétence de la Cour sur la base de la jurisprudence énoncée aux points 25 à 27 de la présente ordonnance [CJCE, 18 octobre 1990, Dzodzi, C‑297/88 et C‑197/89, EU:C:1990:360 ; CJUE, 18 octobre 2012, Nolan, C‑583/10, EU:C:2012:638), la juridiction nationale se plaçant dans l’hypothèse de l’applicabilité du règlement n° 1259/2010 aux faits au principal et se limitant à affirmer que le « président de l’Oberlandesgericht München [tribunal régional supérieur de Munich] a exposé que le caractère reconnaissable de la décision litigieuse était régi par le règlement [n° 1259/2010] qui s’appliquerait aussi aux “divorces privés” »".

Motif 31 : "Aucune autre indication n’est fournie par la juridiction de renvoi pour établir l’applicabilité du règlement n° 1259/2010 ou d’autres dispositions du droit de l’Union aux faits au principal".

Motif 32 : "Il convient cependant de relever que la juridiction de renvoi conserve la faculté de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle lorsqu’elle sera en mesure de fournir à la Cour l’ensemble des éléments permettant à celle-ci de statuer (voir, en ce sens, ordonnances du 14 mars 2013, EBS Le Relais Nord-Pas-de-Calais, C‑240/12, non publiée, EU:C:2013:173, point 22 ; du 18 avril 2013, Adiamix, C‑368/12, non publiée, EU:C:2013:257, point 35, ainsi que du 5 novembre 2014, Hunland-Trade, C‑356/14, non publiée, EU:C:2014:2340, point 24)".

Dispositif (et motif 33) : "La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par l’Oberlandesgericht München (tribunal régional supérieur de Munich, Allemagne) par décision du 2 juin 2015".

Divorce (règl. 1259/2010)

Article 3.3 [Loi d'autonomie - Contrat interne]

3. Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un pays autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties ne porte pas atteinte à l'application des dispositions auxquelles la loi de cet autre pays ne permet pas de déroger par accord.

Rome I (règl. 593/2008)

Com., 13 sept. 2011, n° 10-25533, 10-25731, 10-25908

Motifs : "si, aux termes de l'article 4.2 h) du règlement (CE) n° 1346/2000 (…) la loi de l'État d'ouverture de la procédure collective détermine les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances, il appartient à la loi de la source de celles-ci de définir la qualité de créancier ; que la cour d'appel en a exactement déduit que l'article L. 622-24 du code de commerce français imposait à tout créancier antérieur de déclarer sa créance lui-même ou par l'intermédiaire de tout préposé ou mandataire de son choix, tandis que le droit de l'État de New-York, d'où résultaient les créances déclarées, devait être consulté pour apprécier si le trustee et les agents des sûretés avaient la qualité de créancier (…)" ;

"(…) la conception de la cause des obligations contractuelles retenue par le droit français n'est pas, dans tous ses aspects, d'ordre public international ; que l'absence de constitution par certaines sociétés débitrices de sûretés réelles au profit des agents des sûretés ne fait pas nécessairement obstacle, dans le cadre d'une opération globale de financement soumise à un droit étranger admettant l'existence d'une dette parallèle envers eux, à leur admission aux passifs de ces sociétés qui sont personnellement garantes de l'exécution de l'ensemble des engagements".

Rome I (règl. 593/2008)

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